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PAUL TOUVIER
Saison 3
L’arrestation, enfin !
La grâce accordée à Touvier par Georges Pompidou ne passa pas du tout comme « lettre à la poste » ! L’Express s’en mêle. Les articles du journaliste d’investigation, Jacques Derogy, contribuent à vaincre l’oubli espéré en haut lieu. Les associations de résistants prennent très mal cette grâce présidentielle et, en novembre 1973, portent plainte contre le chef milicien pour crimes contre l’humanité. Cela peut faire fait mal car ces types de crimes sont IMPRESCRIPTIBLES ! L’assassinat de Monsieur et Madame Basch ainsi que les fusillades de Juifs à Rilleux-la-Pape entrent justement dans ces catégories. Les chambres d’accusation saisies se déclarent incompétentes. Faut-il y voir une pression de l’Elysée ? Mais la Cour de cassation ne suit pas et valide l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité reprochés à Touvier. Ouf !
Craignant pour sa précieuse personne, Touvier s’éclipse. Et derechef c’est la tournée des monastères et abbayes où l’on trouve toujours un argument pour justifier l’accueil de Touvier et sa famille : Solesmes, Fongombault, Hautecombe…Ah bon ? Mais non, on ne sait rien, on ne savait pas, on n’a jamais vu…Pitoyable ! En outre, il ne semble pas que les pouvoirs publics aient fait preuve d’une célérité absolue puisque l’instruction officielle ne commence qu’en 1979. Il faudra attendre encore novembre 1981 pour que la juge d’instruction Martine Anzani lance contre le milicien des mandats d’arrêt. Touvier use alors d’une ruse de sioux pour que les dossiers soient refermés une fois pour toutes. Il se déclare décédé ! Aussi fait-il paraître en 1984, dans Le Dauphiné libéré, des remerciements nécrologiques pour son pseudo-décès. La ficelle est un peu grosse et ça ne marche pas. Les poursuites restent ouvertes.
De plus, les mauvaises nouvelles se succèdent pour le tortionnaire. Deux grains de sable vont en effet enrayer la belle mécanique d’impunité de Touvier. Le juge d’instruction Claude Grellier se rend bien compte qu’il ne peut compter sur la police pour mettre la main sur le meurtrier. Fuites d’origine policière, incompétence de cette même police, ou les deux ? Toujours est-il que le magistrat confie à la gendarmerie le soin de mettre la main sur le fugitif. Et là, deuxième malchance de taille pour Touvier, c’est l’officier Jean-Louis Recordon qui est désigné. Or ce personnage est passionné par l’Histoire et par cette traque singulière. Dès lors, il n’aura plus qu’un but en tête « Présenter Touvier à la justice ! ». Nous sommes déjà début 1988.
Mars 1989, le Canard enchaîné fait un rapprochement entre l’ordre des « chevaliers de Notre-Dame » et la troupe scoute de Vautherin, une vieille connaissance de Touvier. Cet ordre, ou plutôt cette secte, a été fondé(e) par un certain dom Gérard Lafond dont le père a été accusé de collaboration à la Libération. Par contre, l’autre fils de l’accusé, Etienne Lafond, est un rescapé des camps nazis.
Cette secte d’illuminés, apolitique mais proche des milieux d’extrême-droite, a créé la « Fraternité Notre-Dame de la Merci » dont le président Jean-Pierre Lefebvre est un ancien Waffen-SS de la division Charlemagne. Ce dernier prend en charge l’aide financière de Touvier et de sa famille. Il déclarera « Nous avons subi récemment des tracasseries au sujet de l'aide apportée à une famille en détresse qui nous a valu une publicité de mauvais aloi dans une certaine presse ».
Recordon place sur écoutes téléphoniques les principaux dirigeants de l’ordre, ou des gourous de la secte si vous voulez, la gendarmerie a engrangé suffisamment d’informations pour agir. Mai 1989, les gendarmes investissent en vain l’abbaye de Wisques (Pas-de-Calais), fief de Lafond. Puis ils remontent à une certaine Geneviève Penou, ex secrétaire de l’abbé Duben, celui qui a marié jadis Touvier à Paris. Puis, les voilà dans l’abbaye traditionaliste de Saint-Michel-en-Brenne. Ils trouvent une partie des bagages de Touvier, mais sans Touvier. Cependant, l’aumônier du cru se met à table et dit où se trouve son ex- pensionnaire.
Et c’est au prieuré Saint-Joseph à Nice que Touvier est arrêté le 24 mai 1989, au terme d’une cavale ou plutôt de cavales qui ont duré près de 45 ans, si l’on considère le point de départ de la cavalcade en septembre 1944, mois de la libération de Lyon.
Saint-Michel-en-Brenne et Saint-Joseph de Nice font partie de la galaxie du mouvement intégriste de Mgr Lefebvre, la fraternité sacerdotale Saint-Pie-X.
Le chef milicien est donc aux mains de la justice. Mais il y aura encore bien des aléas avant que ce sinistre personnage se retrouve pour de bon derrière les barreaux.
A suivre…
Ci-dessous :
Jacques Derogy (1925-1997), journaliste à L’express.
Touvier, mai 1972, demeure familiale de Chambéry. Photo de L’Express.
L'abbaye de Fongombault (Indre), l’un des pied- à-terre de Touvier.
L’abbaye de Saint-Michel-en-Brenne (Indre), les bagages sans Touvier.
La porte du prieuré Saint-Joseph, Nice, fin des cavales de Touvier.
Saison 3
L’arrestation, enfin !
La grâce accordée à Touvier par Georges Pompidou ne passa pas du tout comme « lettre à la poste » ! L’Express s’en mêle. Les articles du journaliste d’investigation, Jacques Derogy, contribuent à vaincre l’oubli espéré en haut lieu. Les associations de résistants prennent très mal cette grâce présidentielle et, en novembre 1973, portent plainte contre le chef milicien pour crimes contre l’humanité. Cela peut faire fait mal car ces types de crimes sont IMPRESCRIPTIBLES ! L’assassinat de Monsieur et Madame Basch ainsi que les fusillades de Juifs à Rilleux-la-Pape entrent justement dans ces catégories. Les chambres d’accusation saisies se déclarent incompétentes. Faut-il y voir une pression de l’Elysée ? Mais la Cour de cassation ne suit pas et valide l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité reprochés à Touvier. Ouf !
Craignant pour sa précieuse personne, Touvier s’éclipse. Et derechef c’est la tournée des monastères et abbayes où l’on trouve toujours un argument pour justifier l’accueil de Touvier et sa famille : Solesmes, Fongombault, Hautecombe…Ah bon ? Mais non, on ne sait rien, on ne savait pas, on n’a jamais vu…Pitoyable ! En outre, il ne semble pas que les pouvoirs publics aient fait preuve d’une célérité absolue puisque l’instruction officielle ne commence qu’en 1979. Il faudra attendre encore novembre 1981 pour que la juge d’instruction Martine Anzani lance contre le milicien des mandats d’arrêt. Touvier use alors d’une ruse de sioux pour que les dossiers soient refermés une fois pour toutes. Il se déclare décédé ! Aussi fait-il paraître en 1984, dans Le Dauphiné libéré, des remerciements nécrologiques pour son pseudo-décès. La ficelle est un peu grosse et ça ne marche pas. Les poursuites restent ouvertes.
De plus, les mauvaises nouvelles se succèdent pour le tortionnaire. Deux grains de sable vont en effet enrayer la belle mécanique d’impunité de Touvier. Le juge d’instruction Claude Grellier se rend bien compte qu’il ne peut compter sur la police pour mettre la main sur le meurtrier. Fuites d’origine policière, incompétence de cette même police, ou les deux ? Toujours est-il que le magistrat confie à la gendarmerie le soin de mettre la main sur le fugitif. Et là, deuxième malchance de taille pour Touvier, c’est l’officier Jean-Louis Recordon qui est désigné. Or ce personnage est passionné par l’Histoire et par cette traque singulière. Dès lors, il n’aura plus qu’un but en tête « Présenter Touvier à la justice ! ». Nous sommes déjà début 1988.
Mars 1989, le Canard enchaîné fait un rapprochement entre l’ordre des « chevaliers de Notre-Dame » et la troupe scoute de Vautherin, une vieille connaissance de Touvier. Cet ordre, ou plutôt cette secte, a été fondé(e) par un certain dom Gérard Lafond dont le père a été accusé de collaboration à la Libération. Par contre, l’autre fils de l’accusé, Etienne Lafond, est un rescapé des camps nazis.
Cette secte d’illuminés, apolitique mais proche des milieux d’extrême-droite, a créé la « Fraternité Notre-Dame de la Merci » dont le président Jean-Pierre Lefebvre est un ancien Waffen-SS de la division Charlemagne. Ce dernier prend en charge l’aide financière de Touvier et de sa famille. Il déclarera « Nous avons subi récemment des tracasseries au sujet de l'aide apportée à une famille en détresse qui nous a valu une publicité de mauvais aloi dans une certaine presse ».
Recordon place sur écoutes téléphoniques les principaux dirigeants de l’ordre, ou des gourous de la secte si vous voulez, la gendarmerie a engrangé suffisamment d’informations pour agir. Mai 1989, les gendarmes investissent en vain l’abbaye de Wisques (Pas-de-Calais), fief de Lafond. Puis ils remontent à une certaine Geneviève Penou, ex secrétaire de l’abbé Duben, celui qui a marié jadis Touvier à Paris. Puis, les voilà dans l’abbaye traditionaliste de Saint-Michel-en-Brenne. Ils trouvent une partie des bagages de Touvier, mais sans Touvier. Cependant, l’aumônier du cru se met à table et dit où se trouve son ex- pensionnaire.
Et c’est au prieuré Saint-Joseph à Nice que Touvier est arrêté le 24 mai 1989, au terme d’une cavale ou plutôt de cavales qui ont duré près de 45 ans, si l’on considère le point de départ de la cavalcade en septembre 1944, mois de la libération de Lyon.
Saint-Michel-en-Brenne et Saint-Joseph de Nice font partie de la galaxie du mouvement intégriste de Mgr Lefebvre, la fraternité sacerdotale Saint-Pie-X.
Le chef milicien est donc aux mains de la justice. Mais il y aura encore bien des aléas avant que ce sinistre personnage se retrouve pour de bon derrière les barreaux.
A suivre…
Ci-dessous :
Jacques Derogy (1925-1997), journaliste à L’express.
Touvier, mai 1972, demeure familiale de Chambéry. Photo de L’Express.
L'abbaye de Fongombault (Indre), l’un des pied- à-terre de Touvier.
L’abbaye de Saint-Michel-en-Brenne (Indre), les bagages sans Touvier.
La porte du prieuré Saint-Joseph, Nice, fin des cavales de Touvier.
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