Éditoriaux de Jean-Claude Mailly
La négociation de la dernière chance
Nous sommes à moins d’un mois de ce qui devrait être la dernière séance de négociations sur les retraites complémentaires. Si les deux régimes (Arrco et Agirc) ont encore des réserves importantes (dont l’Arrco), ils connaissent des difficultés financières certes liées au vieillissement de la population mais aussi, et c’est important, à la faiblesse des salaires et au chômage qui les privent de recettes notables. C’était déjà le cas lors de la dernière négociation et nous avions pris des mesures, dont un gel temporaire des pensions et une augmentation des cotisations salariales et patronales, pour amortir la situation. De ce fait, nous avons préservé les régimes, les produits financiers ayant également couvert les déficits d’exploitation.
De part et d’autre de la table des négociations, nous avions ainsi tout fait pour préserver l’existence des régimes sans que l’une ou l’autre partie ne passe sous la table. Les négociateurs avaient donc agi avec responsabilité et sagesse.
Mais cette année les choses se corsent sérieusement du fait du comportement du Medef. Les faucons du social semblent l’emporter sur les colombes. Apparemment, le Medef exige des mesures d’âge. Pour faire des économies il veut imposer des abattements sur les retraites entre 62 et 65 ans pour dissuader les salariés concernés de cesser leur activité. À titre d’exemple, un salarié devant percevoir 1 500 euros net en retraite aurait un abattement de 135 euros mensuels à 62 ans !
Ce qui n’est pas tolérable socialement et économiquement.
Autant nous sommes prêts à prendre nos responsabilités, y compris sur des efforts, autant cette logique d’abattement est inacceptable. Il convient alors de s’interroger. Quelle mouche pique le Medef ?
• Prépare-t-il les présidentielles en exigeant des syndicats qu’ils avalisent un recul de fait de l’âge de départ en retraite ?
• Veut-il mettre fin à la gestion paritaire des régimes pour refiler le bébé à l’État ou, mieux, aux assurances privées ?
• Veut-il mettre fin aux négociations nationales et verser dans l’anti-républicanisme en accentuant les inégalités ?
Non satisfaite d’avoir obtenu du gouvernement 41 milliards d’euros d’aides sur trois ans, de n’avoir pas à payer la dernière augmentation de cotisation et ayant obtenu en parallèle l’abaissement de la cotisation d’allocations familiales [1], une partie du Medef semble vouloir employer la tactique de la terre brûlée. Hors de l’individualisme, du marché et de la compétitivité, pas de salut ! Qu’une part importante des salariés qui partent en retraite ne soient plus en activité, que certains dirigeants de grandes entreprises se fassent octroyer des retraites mirobolantes, il trouve cela normal : il faut casser les services publics et les régimes sociaux.
L’absence d’accord constituerait une déflagration qui irait bien au-delà du dossier retraites. D’une logique de recherche de compromis on passerait à une logique d’affrontement.
Ce serait inévitablement un tournant et une rupture dans les relations sociales. La raison peut encore l’emporter. Si tel n’était pas le cas, c’est une forme de guerre qui serait déclarée.
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