PRIMAIRE MARSEILLE - La sénatrice Samia Ghali a créé la surprise dimanche en arrivant en tête du premier tour de la primaire socialiste en vue des municipales à Marseille, devant le député Patrick Mennucci, la ministre Marie-Arlette Carlotti, favorite du scrutin, étant éliminée.
Dans cette consultation, l'une des cinq organisées en France par le PS, six candidats s'affrontaient pour gagner l'investiture et tenter de ravir la mairie en mars 2014 à Jean-Claude Gaudin (UMP), probable candidat à sa succession.
"Merci d'y avoir cru", a lancé Samia Ghali, élue des quartiers Nord, à ses soutiens dans une ambiance survoltée. "Je veux être la maire de Marseille qui fera que le nord et le sud se réunissent, je veux tuer le désespoir de cette ville", a-t-elle dit, peu avant la confirmation officielle de sa victoire par la Haute autorité des primaires (HAP) avec25,25% des voix (5151), tandis que Patrick Mennucci en réunissait 20,65% (4212).
Le maire du premier secteur (centre ville) s'est rendu, aussitôt les résultats connus, à la fédération, où il a été accueilli par les vivats de ses partisans, avant d'être rejoint par sa rivale qui l'a embrassé, avant de s'éclipser. Il a appelé au "rassemblement le plus large", remerciant "chaleureusement" Marie-Arlette Carlotti, grande perdante avec sa troisième place (19,52% des suffrages), laquelle lui a immédiatement apporté son soutien, tout comme le député Henri Jibrayel, dernier de la course.
Samia Ghali s'est demandée lundi matin sur I-Télé si Marie-Arlette Carlotti ne devrait pas quitter le gouvernement. "Si j'étais à sa place, peut-être que je rendrais mon poste de ministre", a-t-elle ainsi déclaré tout en se demandant si sa concurrente n'avait pas été sanctionnée en raison "de son travail de ministre".
De son côté, le député Patrick Mennucci a qualifié d'"absurdes" ces propos de Samia Ghali. "Mme Carlotti est ministre, il n'appartient certainement pas à Samia Ghali de décider si elle doit le rester ou pas".
Une ministre battue et revancharde
Arrivée seulement en troisième position, alors qu'on l'annonçait gagnante, Marie-Arlette Carlotti, hostile depuis le début à ces primaires, a vivement dénoncé "un fonctionnement à plein régime du clientélisme". "Personne n'avait vu jusqu'à présent ce système fonctionner avec une telle puissance, un tel sentiment d'impunité, à la vue de tous, avec des dizaines de minibus qui sillonnent la ville, des échanges d'argent, toute une organisation que j'ai envie de qualifier de 'paramilitaire'", a-t-elle lancé.
S'interrogeant sur un "contournement possible des règles de financement" de la campagne, la ministre a demandé à la haute autorité des primaires (HAP) de "recueillir dans les 24 heures les comptes de campagne des candidats". Un dépassement ne peut en aucun cas entraîner l'annulation le scrutin, a toutefois indiqué l'autorité.
La ministre Marie-Arlette Carlotti, candidate malheureuse a appelé dimanche soir les électeurs à soutenir Patrick Mennucci, en lice au second tour face à Samia Ghali. "Je prends acte des votants de ce premier tour", a-t-elle déclaré depuis son local de campagne. "Je suis arrivée en 3e position juste derrière Patrick Mennucci". "Le combat ne s'arrête pas ce soir", a-t-elle ajouté. "Je demande aux électeurs de soutenir la candidature de Patrick Mennucci, je veux absolument qu'en 2014 nous portions le rebond pour Marseille".
Ce dernier a également reçu le soutien du député Henri Jibrayel, probablement arrivé dernier. De fait, Patrick Mennucci apparaît comme le favori du second tour, si tant est que Samia Ghali, soutenue en sous-main par Jean-Noël Guérini selon certains de ses adversaires, ne nous réserve pas d'autres surprises.
Covoiturages et minibus
Dès la mi-journée, certains avaient dénoncé l'organisation de covoiturages et de transports collectifs en minibus pour acheminer les électeurs, notamment par Samia Ghali. "Il y a eu du covoiturage et je l'assume", s'est défendue l'intéressée sur i-Télé.
"C'est moralement condamnable, mais pas juridiquement, sauf à prouver qu'il s'agit d'un achat de voix", a souligné René Stefanini, secrétaire général de la HAP. De source proche de l'organisation, on rappelait que cette pratique "n'enfreignait pas le code électoral".
Une assesseur-assistante de Mme Carlotti, Anne-Sophie Dedieu, a également raconté avoir vu dans le bureau du 15e arrondissement où elle officiait "un électeur à qui on donnait une pièce d'un euro en lui désignant le bulletin Samia Ghali. C'était la même chose dehors". (Une contribution d'au moins un euro était demandé à tout électeur pour ces primaires).
Les procès-verbaux, notamment celui dans lequel un échange d'argent a été consigné, seront examinés dès dimanche soir, selon René Stefanini, relevant cependant que les déclarations d'un délégué d'un candidat ne sont "pas parole d'évangile".
Problèmes dans les listes d'émargement
D'autres candidats ont brandi la menace d'un recours après avoir constaté des problèmes dans les listes d'émargement. Ainsi, un bureau du XVe arrondissement a connu "des discordances de dates de naissance". Au "bénéfice du doute", les personnes concernées "n'ont pas voté", soit quelques dizaines d'électeurs.
La liste comportait plus de 5000 erreurs, "en raison d'un dysfonctionnement lié à l'imprimeur parisien", a précisé M. Stefanini. "Nous avons rapatrié la bonne liste et les électeurs ont pu revenir voter à partir de 16H00", a-t-il ajouté. L'équipe de Samia Ghali, maire du secteur, a dit envisager un recours à ce sujet.
Par ailleurs, dans le XIIIe arrondissement, au moins 700 électeurs ont été oubliés, selon l'autorité. Christophe Masse envisage par conséquent de contester le scrutin.
Un problème sur un bureau de vote ou sur un financement de campagne "n'invalide pas un scrutin", même si "ça peut localement et légitimement provoquer des tensions", a cependant souligné le secrétaire national aux Fédérations Alain Fontanel.
Résultats des autres primaires PS
Dans les Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence votait aussi dimanche, avec six candidats en lice, dont aucun n'a de grande notoriété, pour affronter le maire UMP sortant, Maryse Joissains. Selon les résultats provisoires communiqués par Solférino, Edouard Baldo, ex-avocat, et Jacky Lecuivre, jamais élu, étaient en tête, légèrement devant Jacques Agopian, tous trois sexagénaires.
Ailleurs, la primaire de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ancrée à droite depuis 1971, doit départager trois candidats, l'ancien conseiller municipal Pierre Gaborit partant favori. Au Havre (Seine-Maritime), Camille Galap a remporté la primaire du PS avec 57,58% des voix contre 38,52% à Laurent Logiou.
Enfin, à Béziers (Hérault), où le scrutin avait une saveur particulière en raison de la présence d'un Vert, le socialiste Jean-Michel Du Plaa a frôlé dimanche la majorité absolue avec 49,04% des voix et affrontera son collègue PS Pierre Callamand.
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