PRIMAIRE MARSEILLE - Avec deux coups de tonnerre en une soirée, le Parti socialiste a senti passer l'orage. Après l'échec du front républicain dans le Var, qui a vu le FN s'imposer à Brignoles contre le candidat UMP malgré le soutien de la gauche, un autre psychodrame d'une toute autre gravité a éclaté à une centaine de kilomètres. La ministre Marie-Arlette Carlotti, donnée favorite de la primaire socialiste marseillaise, a été éliminée dès le premier tour de la compétition. Avec pertes et fracas, celle-ci dénonçant le clientélisme" et les méthodes "paramilitaires" de la sénatrice Samia Ghali, arrivée très largement en tête.
Une favorite déconfite, un vainqueur autoproclamé, des accusations par médias interposés, des incidents troublants dans les bureaux de vote et des résultats officiels qui tardent à venir... Cette nouvelle catastrophe pour un Parti socialiste décidément bien affaibli rappelle en tous points l'imbroglio calamiteux de l'élection du président de l'UMP, intervenu il y a un an à peine.

Listes d'émargement tronquées et minibus affrétés
Tout avait pourtant si bien débuté pour cette primaire socialiste marseillaise où s'affrontaient six candidats: la ministre Marie-Arlette Carlotti, soutenue à distance par François Hollande; son concurrent le plus sérieux, le député Patrick Mennucci; l'outsider des quartiers Nord Samia Ghali; le patron de l'agglo Eugène Caselli suivi des deux petits poucets Christophe Masse et Henri Jibrayel.
Sous un soleil radieux, ce scrutin ouvert à tous les sympathisants de gauche, censé désigner le futur adversaire du maire UMP, Jean-Claude Gaudin, enregistrait une belle participation: au moins 19.000 personnes. A tel point que les responsables socialistes devaient repousser l'heure de fermeture des quelques 55 bureaux de vote.
Mais très vite, la belle mécanique électorale s'enraille. Discordances de dates de naissance sur une liste d'émargement, électeurs oubliés, affrètement de mini-bus, échange d'argent entraperçu... La menace d'une pluie de recours se précise, obligeant la Haute autorité des primaires (HAP) à reporter la publication des résultats.

Carlotti au lance-flamme, Ghali s'autoproclame
Au moment où s'impose le scénario de la défaite, Marie-Arlette Carlotti dégaine une riposte au lance-flamme. Avant même la fermeture des bureaux de vote, la ministre dénonce le "fonctionnement à plein régime du clientélisme", désigne des "dizaines de minibus qui sillonnent la ville, des échanges d'argent" ainsi que toute "une organisation" qualifiée de "paramilitaire". Une allusion à peine voilée à Samia Ghali, proche du sulfureux patron des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, qui s'était faite un nom en réclamant l'intervention de l'armée à Marseille pour lutter contre l'insécurité.
Les résultats tardant à arriver, la sénatrice des quartiers Nord reprend à son compte la stratégie de Jean-François Copé un an auparavant: devant ses sympathisants en liesse, Samia Ghali s'autoproclame vainqueur du scrutin, juste devant le député Patrick Mennucci.
Que s'est-il passé à ce moment là? BFMTV assure que Jean-Marc Ayrault en personne a décroché son téléphone pour demander à sa ministre de calmer le jeu. Objectif: éviter que la primaire marseillaise ne vire au vaudeville du congrès de Reims ou de la présidence de l'UMP.

Patrick Mennucci favori, Carlotti sur la sellette
Changement de ton instantané: Marie-Arlette Carlotti prend acte de sa défaite et appelle à voter pour Patrick Mennucci, arrivé deuxième. Fort de ce soutien, l'ancien ségoléniste, très bien implanté dans la cité phocéenne, fait office de favori pour le second tour, même si, selon les derniers chiffres disponibles, il accusait plus de 500 voix de retard sur Samia Ghali ce dimanche.
Le psychodrame va-t-il s'en tenir là? On peut en douter tant la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône est réputée pour ses coups fourrés. "Guérini garde un pouvoir de nuisance. A un moment donné, il faut faire avec les forces obscures", nous confiait un des candidats peu avant le scrutin. Des forces obscures sur lesquelles la Haute autorité de la primaire va devoir sérieusement se pencher pour éviter d'autres mauvaises surprises au second tour.
En attendant, la crise marseillaise promet d'avoir des répercussions au niveau national. Déjà, certains cadres de l'UMP réclament la démission de la ministre Marie-Arlette Carlotti suite à sa défaite dans sa ville d'adoption.