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dimanche 22 septembre 2024

Rue 89 avec L'OBS - Dimanche 22 septembre 2024

 



Dimanche 22 septembre 2024

Sommes-nous « brat » ? Se poser la question nous disqualifie sûrement d’office. Etre brat, c’est être trop cool pour vouloir s’en revendiquer. Encore faut-il définir ce nouveau concept, né d’un tour de force marketing de la chanteuse pop Charli XCX, celle qui talonne Taylor Swift en tête des ventes. Selon ses mots, être brat, c’est être « un peu désordonné, aimer faire la fête et dire des bêtises de temps en temps. Se sentir soi-même tout en faisant une crise de nerfs. Mais aussi conjurer cela par la fête, être très honnête et direct. Un peu volatil aussi ». En résumé, c’est accepter ses imperfections, tout en embrassant le chaos. Ou l’art d’inventer une notion, pour gagner en visibilité.

Avant qu’il se retrouve sur la pochette de son nouvel album – « Brat » sur fond vert moche-cool –, le mot désignait un « sale gosse ». Le terme était déjà bien installé dans la culture populaire : Bart (Simpson), morveux de service dans la série du même nom, n’est que l’anagramme de brat ; tandis que le principal concurrent de Mattel, le fabricant de Barbie, a baptisé ses poupées les « Bratz ». Mais voilà que, tel un vieux beau sur le retour, l’adjectif s’est offert une seconde jeunesse en s’accoudant au mot « summer » (été), qui rendrait désirable n’importe quoi, pourvu qu’il y ait du soleil. Ainsi est né le « brat summer ».

On aurait tort de se boucher le nez devant ce concept anglo-saxon issu d’un esprit « gen Z ». N’en déplaise à l’Académie française, il existe une ligne directe entre Charli XCX et nos cours de récré francophones : les réseaux sociaux. Sans oublier que le terme et sa teinte vert-pâte-à-prout se sont invités dans la campagne présidentielle américaine et dans les pages des journaux les plus sérieux. Réputée pour être une bonne vivante, la démocrate Kamala Harris a été adoubée par Charli XCX : « KAMALA IS BRAT. » La France étant à l’Amérique ce gentil cousin légèrement à la masse, le brat nous parvient (ici du moins) en automne.

Ce qui n’est pas plus mal. Si l’été, avec ses vacances et ses soirées à rallonge, encourage l’irrévérence, c’est la rentrée qui pousse à la « bratisation », sous peine de ne pas y survivre. Il en faut de l’insolence, de la détermination et de l’énergie pour attendre ce futur gouvernement qui ne représentera pas la majorité des Français, tout en s’attaquant à nos milliers d’e-mails non lus et à la liste des fournitures scolaires.

Comme Kamala, il faut nous souhaiter d’être tous (un peu) « brats ». Loin de la mode des « tradwives » (femmes au foyer modèles) et de cet autre concept estival beaucoup moins libérateur, qui voudrait que les femmes soient « demure » : discrètes, modérées, respectueuses de l’étiquette.

Barbara Krief

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