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vendredi 20 septembre 2024

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - Vendredi 20 septembre 2024

 

BibliObs

Vendredi 20 septembre 2024

Le flamboyant Bayard a déjà presque tout dit dans « Comment parler des livres qu’on n’a pas lus » (Minuit, 2007). Sans peur et sans reproche, nous osons un appendice – l’audace est chevaleresque.

Donc comment savoir si un essai en vaut la peine ? Et cette peine, qui parfois s’avère nécessaire, comment l’économiser au maximum ? Dans les services Culture des journaux, on fait toute une affaire des 450 romans qui sortent chaque rentrée mais les pages « Idées » ne sont pas en reste : environ 1 400 essais et documents s’empilent – et s’écroulent – cette saison sur nos tables.

Pour s’en sortir et procéder à un premier tri salutaire, il existe bien sûr quelques astuces (l’acquisition de ces ruses est ce qu’on appelle pudiquement « le métier »). D’abord jeter un œil à la table des matières, traditionnellement proposée en fin d’ouvrage dans les éditions françaises. De quoi se faire une première idée : combien de parties, de sous-parties, de chapitres et de sous-chapitres ? Trop ou trop peu ? Compliqué à souhait ou synthétique à l’excès ? Y a-t-il dans leurs titres quelques facéties pour soulager le critique ? (Le dernier chapitre du livre à paraître de Michael Foessel et Etienne Ollion sur l’extrême droite s’intitule « Les valeurs actuelles », on apprécie).

Mais cette inspection rapidement menée ne dit rien, encore, de la qualité de l’essai. Laquelle va se donner à lire plus sérieusement dans la bibliographie qui répertorie, selon qu’elle est complète ou « sélective », tous les livres ou presque qui ont permis à l’auteur de bâtir son propre travail. Pour peu que le journaliste connaisse un peu le domaine, il sera intrigué par la présence de tel ouvrage et irrité par l’impasse sur tel autre.

Deuxième indice : l’index. Quand il existe. L’historienne Sonia Combe a consacré un libelle bien senti à la disparition des index dans l’édition française – publié à compte d’auteur, aucune maison n’y étant épargnée. Elle s’y scandalise de la disparition de cet outil, qu’elle interprète comme un indice majeur de « la dégradation de l’édition de la littérature savante ». Que l’index rerum (qui recense les notions) soit devenu une rareté, passe encore, écrit-elle, mais que faire sans un index nominum (l’ensemble des noms propres) ? Il est vrai qu’on traîne avec plaisir sur ces listes alphabétiques à deux colonnes où se révèlent les choix et l’envergure intellectuels de l’auteur et où adviennent des coïncidences signifiantes que ne renieraient pas les surréalistes (Dans l’index de « Les Français d’une guerre à l’autre » d’Antoine Prost, à paraître, Drieu la Rochelle jouxte Marcel Duchamp et Franklin Roosevelt, Tino Rossi).

Enfin il y a les remerciements. Encore inconnus des pratiques éditoriales françaises il y a quelques décennies, ils ont été importés du monde anglo-saxon et plus aucun ouvrage ne semble pouvoir y couper. Pour le plus grand bonheur des journalistes. En quelques noms propres, c’est le vaste réseau universitaire, intellectuel et éditorial dans lequel est inséré l’ouvrage qui apparaît. On comprend qui est le directeur de thèse, qui sont les maîtres à penser, les affinités académiques, les liens d’amitié. Et on en déduit sans trop se tromper l’âge, le sérieux, le courant, les adversaires : et joie, l’intro du papier est faite. Ou presque.

Julie Clarini

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