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lundi 30 septembre 2024

Sciences - ... L'entropie : une notion essentielle qui gagnerait à être mieux connue le 30.09.2024

 



La Sélection Du Jour
30 Septembre 2024 - N°2281

Sciences

L'entropie : une notion essentielle qui gagnerait à être mieux connue

Photo : Freepick
Qu'est-ce qui organise l'Univers ? Curieusement, c'est l'entropie ! Cette notion découverte au XIXe siècle avec la machine à vapeur a trop souvent été associée à l'idée de dégradation universelle. Pourtant, combinée aux autres réglages fins de l'Univers, elle est à l'origine de l'organisation du monde en galaxies, étoiles, planètes, êtres vivants... et ce, depuis le Big Bang ! Un paradoxe que la science parvient à expliquer.

En me retournant, j'ai fait tomber la tasse de café posée devant moi. Elle s'est brisée au sol en mille morceaux et le café s'est répandu. Pourrais-je imaginer les morceaux se rassembler et se souder, la tasse remonter sur la table et le café y retourner ? Non, à cause d'une notion découverte du XIXe siècle : l'entropie. Il en existe plusieurs interprétations, mais nous retiendrons la plus intuitive due à Ludwig Boltzmann. Il s'agit du degré de probabilité d'un état : celui d'une tasse cassée est beaucoup plus probable que celui d'une neuve ; celui d'un café répandu par terre l'est aussi beaucoup plus que celui d'un café bien localisé dans l'espace restreint d'une tasse. De même, l'état d'une cathédrale est bien plus improbable que celui du tas de pierre obtenu lorsqu'un incendie l'a détruite. C'est bien pour cette raison qu'il fallait un siècle pour construire une cathédrale ! Nous définissons donc comme entropique, un état probabledégradé, et nous retiendrons un principe général : l'Univers évolue toujours vers les états les plus entropiques.

Ce principe nous donne une vue bien pessimiste de l'Univers. Comme l'a très bien exprimé Hubert Reeves, le cosmos est né lors du Big Bang dans un état très peu entropique (très improbable donc). Inexorablement, il se dirige vers une fin, heureusement très lointaine, où il terminera dans l'état le plus dégradé qui soit (le plus probable) : celui de trous noirs.

On peut admettre tout cela, mais alors comment expliquer la montée vers la complexité ? Depuis un état très simple, un gaz d'hydrogène et d'hélium produit par le Big Bang, le cosmos élabore des étoiles, des galaxies, des planètes et — au moins sur l'une d'entre elles — la vie. Alors, l'Univers se dégrade-t-il ou bien s'organise-t-il ?

« Les deux mon capitaine » a répondu dans les années 1960 et 70 le savant belge Ilya Prigogine qui a reçu le prix Nobel pour ses études sur les systèmes éloignés de l'équilibre. Ce sont des cas très généraux, incluant à peu près tout ce que nous voyons autour de nous. Une étoile se trouve en déséquilibre en transformant de l'énergie nucléaire en une énergie plus entropique : le rayonnement UV. La Terre absorbe ces rayons UV, pour réémettre des rayons infrarouges plus entropiques. Un être humain transforme les aliments qu'il absorbe et l'oxygène qu'il respire en des formes plus dégradées dont 100 watts de chaleur. Prigogine a bien montré que ces systèmes en déséquilibre étaient capables de « remonter la pente » de l'entropie, c'est-à-dire d'organiser la matière plutôt que la dégrader.

On appelle cela l'auto-organisation. L'étoile s'organise comme un fourneau dans lequel se créent et mijotent les éléments, la Terre crée une biosphère d'une complexité inouïe, l'être humain construit des cathédrales, etc. Alors, comment concilier l'auto-organisation avec la tendance entropique vers la dégradation universelle ? Le savant a élucidé ce paradoxe en montrant que si un tel système en déséquilibre se heurtait à des contraintes particulières, il pouvait localement réduire l'entropie (organiser la matière) à la condition que globalementil fasse croître l'entropie de l'Univers. Par exemple, une cathédrale faiblement entropique est construite par l'homme au prix d'une forte production d'entropie : la sueur et la chaleur dégagées par des centaines d'ouvriers pendant des dizaines d'années.

La vie en est certainement l'exemple le plus extrême : l'organisation d'un être vivant aussi sophistiqué que l'homme, avec son métabolisme de 5 000 réactions chimiques et son cerveau de 80 milliards de neurones, n'est-elle pas ce que nous pouvons considérer de moins entropique dans l'Univers ? Prigogine souligne que pour parvenir au degré d'organisation d'un être humain, il a fallu toute l'entropie produite sous forme de chaleur par sa mère pendant neuf mois de gestation, puis par lui-même, d'abord enfant jouant sans relâche toute la journée, puis adulte travaillant, se déplaçant, faisant du sport, etc. Ainsi, nous émettons dans l'environnement une énorme entropie pour compenser les états très organisés de nos corps et de nos productions.

En résumé, l'Univers se dirige inexorablement vers l'entropie maximale, mais ce faisant, il rencontre des contraintes particulières qui font que localement naissent des systèmes organisés un peu partout. Un grand mystère de la physique aujourd'hui, est : comment ce processus parvient-il aux niveaux extrêmes de la complexité de notre Univers ? Et la réponse est que les lois de la nature et les constantes semblent particulièrement bien ajustées pour que cela puisse se produire. Dans ce sens, l'humanité détient le record absolu du niveau d'organisation. Entre l'Homme préhistorique et nous, avec l'avènement de la société industrielle et de l'informatique, l'entropie que nous dégageons s'est multipliée par 100. Malheureusement, nous commençons à payer notre succès par de fortes émissions de gaz carbonique, une forme de matière très entropique, que l'on qualifie souvent d'anthropique. Mais c'est un autre débat !

Michel Galiana-Mingot

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