Avec des variantes locales, c'est partout le même scénario sur fond d'insécurité : la montée de partis de droite et d'extrême droite, ou leur accession au pouvoir au sein d'une coalition, pousse des pays européens à durcir leur politique migratoire, quitte à restreindre la liberté de circulation au sein de l'espace Schengen.
Allemagne, Pays-Bas, Suède, Italie... Quatre pays membres de l'Union Européenne donnent actuellement le la de la politique migratoire en préférant répondre aux aspirations de leurs populations plutôt qu'aux instances de Bruxelles, relève Le Figaro (17 septembre).
Le revirement le plus spectaculaire est celui de l'Allemagne : électoralement bousculé par son extrême-droite, le chancelier Olaf Scholz a rétabli les contrôles aux frontières (y compris avec la France) le 16 septembre. Dès le matin de ce lundi, les policiers et douaniers allemands ont commencé à refouler les migrants en situation illégale. Pour rester dans la légalité européenne, Berlin excipe d'une clause du traité de Schengen autorisant des contrôles mobiles pour une durée de six mois en cas d'urgence. En l'occurrence, l'urgence est consécutive à l'attaque au couteau commise le 23 août à Solingen par un islamiste syrien en situation irrégulière, qui a poignardé à mort trois participants au « festival de la Diversité », et fait huit blessés...Sans doute « l'attentat de trop », le dernier en date d'une longue série. Politiquement, la répétition de ces attaques terroristes s'est traduite par une vague de fond qui a porté pour la première fois l'extrême droite allemande, l'AfD, en tête d'élections régionales, infligeant de lourdes défaites au pari social-démocrate (SPD, centre gauche) dont est issu le chancelier Scholz .
Aux Pays-Bas, où le pouvoir est dominé par la droite nationaliste, le gouvernement vient de présenter « un programme anti-immigration le plus dur dans l'histoire du pays » estime RFI (18 septembre) : « Les migrants sans papiers seront renvoyés immédiatement, le regroupement familial durci, les permis de séjours permanents supprimés et les demandeurs d'asile rejetés s'ils ne se rendent pas à leur rendez-vous. » En outre, le nationaliste Geert Wilders, fer de lance de la coalition, réclame à l'UE une « clause d'exemption » au Pacte migratoire européen qui prévoit de relocaliser les demandeurs d'asile dans les différents pays de l'Union européenne, sous peine de sanctions, ouvrant la voie à la revendication par chaque État d'un « Schengen » à la carte, autrement dit à un rétablissement de la souveraineté en matière d'immigration.
La Suède, gouvernée par une coalition dirigée par les conservateurs à la suite d'un accord avec l'extrême droite, va jusqu'à offrir 30.000 € aux migrants pour qu'ils retournent dans leur pays d'origine. Cette « prime au départ » s'accompagne d'une facilitation des expulsions et d'un durcissement des conditions du regroupement familial. Premiers résultats : sur les cinq premiers mois de l'année, l'institut statistique national de Suède a noté que l'émigration a été plus importante que l'immigration. « Une première depuis cinquante ans » relève Cnews (8 août).
L'Italie, l'un des six pays fondateurs de l'UE, a déjà pris les devants sous la houlette de Giorgia Meloni. La première ministre italienne a traité directement avec ses voisins méditerranéens pour qu'ils empêchent les migrants de s'embarquer vers ses côtes. Résultat : selon Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, les traversées irrégulières de la Méditerranée en direction de l'Italie ont diminué de 64 % sur les huit premiers mois de 2024 : 44 675 migrants irréguliers sont arrivés en Italie par voie maritime depuis le début de l'année, contre 125 800 migrants recensés au cours de la même période l'an dernier. Des « progrès remarquables » contre l'immigration clandestine, salués en ces termes par le nouveau premier ministre anglais, le travailliste Keir Starmer. Il s'exprimait à Rome, le 16 septembre, devant Giorgia Meloni, au cours d'une conférence de presse tenue en commun. « Vous avez su travailler d'égal à égal avec les pays se trouvant sur les routes migratoires afin de traiter, à la source, les facteurs de la migration et contrer les réseaux » a ajouté Keir Starmer. ll s'était rendu à Rome après avoir annoncé son intention de s'inspirer de la politique migratoire italienne dans une nouvelle « approche pragmatique » de son gouvernement (BFMTV, 18 septembre). Certains députés travaillistes s'étaient d'ailleurs étonnés qu'un homme de gauche, leur chef, aille « chercher des enseignements auprès d'un gouvernement néofasciste » (sic)… Cette visite et ces déclarations interviennent après un été marqué par des émeutes anti-migrants sans précédent sur le sol britannique, violemment réprimées par la police et la justice. Et au lendemain d'un nouveau naufrage de migrants dans la Manche qui a fait huit morts, ce qui portait à 45 le nombre de personnes noyées depuis le début de l'année en tentant la traversée du « Channel » depuis la côte française.
La France va-t-elle s'inspirer de ces exemples ? Dans un sondage CSA pour Europe 1, CNews et Le Journal du Dimanche (15 septembre, en lien via Europe 1 ci-dessous) 77 % des Français interrogés se disent favorable à un rétablissement des contrôles aux frontières au sein de l'Hexagone, 22 % sont contre et 1 % ne souhaite pas se prononcer.
Philippe Oswald
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