Comment s’étonner que des millions de Français.es aient voté pour le Rassemblement national dimanche, alors que le racisme le plus vile et le plus décomplexé se donne à lire, à voir et à écouter en France, quotidiennement, à des heures de grande écoute, et sans aucune contradiction ?
Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, l’
extrême droite a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision et de radios par des milliardaires au service de son projet. De CNews à Europe 1, en passant par le Journal du Dimanche,
les médias Bolloré promeuvent les idées racistes, antisémites, sexistes, LGBTIphobes et xénophobes de l’extrême droite.
Mais la faillite médiatique dépasse les seuls médias Bolloré : en faisant de l’islam, de l’immigration et de l’insécurité des thèmes centraux des journaux télé ou radio, de nombreux
médias ont participé à banaliser l’idéologie haineuse du RN. Ils ont aussi joué un rôle dans la dédiabolisation des dirigeant·es du parti, du « bon vivant, fin gourmet » Jordan Bardella chez
Paris Match en 2020 à
France Inter demandant à Marine Le Pen son « premier fou rire de campagne » en 2022. Cette normalisation passe également par les invité·es, choisi·es pour leurs idées réactionnaires, comme l’illustre
la consigne récente de BFMTV d'accueillir davantage d’éditorialistes de « droite et droite + ».La
responsabilité des médias dans la catastrophe démocratique en cours est immense. Considérer qu’ils pourraient, sous un gouvernement d’extrême droite, jouer correctement leur rôle de 4ème pouvoir tient du leurre.
Le RN ne s’en cache d’ailleurs aucunement : la
mise au pas des médias tentant encore de faire du véritable journalisme fait partie de ses priorités, comme en témoignent ses relations historiquement conflictuelles voire violentes avec les journalistes. En privatisant le service public de l’audiovisuel, en accroissant les pressions sur les rédactions et les journalistes, en usant de tout l’arsenal juridique déjà en place pour empêcher le journalisme de se faire, le RN entend
réduire les espaces d’expression de critique et d’opposition et continuer de faire croire à
certain.es que leur ennemi est l’étranger.
Pas besoin de regarder très loin pour constater que cela a été le
programme des régimes autoritaires partout où, en Europe, ils ont accédé au pouvoir : on ne manque pas de récits de confrères et consoeurs polonais·es, hongrois·es, italien·nes, sur les purges dans les médias publics, la censure, l’utilisation de logiciels espions contre les journalistes trop critiques. En France, les gouvernements successifs ont ces dernières années pavé le terrain de ces
atteintes à la liberté d’informer : procédures baillons, perquisitions et gardes à vue de journalistes, multiplication des menaces et du cyberharcèlement, etc.
Dans cet écosystème devenu dysfonctionnel voire dangereux, le
rôle des médias indépendants est plus crucial que jamais. En refusant toute autre source de financement que l’abonnement et en sanctuarisant son capital au sein du Fonds pour une Presse Libre, Mediapart est à pied d’oeuvre pour poursuivre son travail de révélation et d’analyse, afin de lutter contre la diffusion des idées haineuses de l’extrême droite.
La galaxie des médias indépendants est en outre riche et combative ; à leur appel et à celui de la société civile,
30 000 personnes sont venues dire jeudi 27 juin, place de la République, à Paris, leur rejet absolu de l’idéologie xénophobe et liberticide du RN. Sous l’impulsion d’une coordination encore élargie, nous appelons chacun.e à venir se joindre au
nouveau rassemblement prévu mercredi 3 juillet place de la République, ou à le suivre en streaming.
Ensemble, ne nous résignons pas à la catastrophe annoncée, et privons le RN de la majorité absolue qu’il pense obtenir dimanche prochain. Le combat continue, et vous pouvez compter sur
toute l’équipe de Mediapart pour le mener en votre nom et, surtout, avec vous.
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