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lundi 8 juillet 2024

LSDJ (La Sélection du Jour) - POLITIQUE Les élections législatives en sept leçons - le 8.07.2024

 

La Sélection Du Jour
08 JUILLET 2024 - N°2238

POLITIQUE

Les élections législatives en sept leçons

L'Assemblée sortie des urnes se divise en 4 blocs : ingouvernable ?
Avant même de savoir qui sera Premier ministre et s'il pourra gouverner, les élections législatives 2024 invitent à réfléchir sur une séquence qui a propulsé le RN au premier tour et s'est retournée contre lui au second.

C'est à n'y rien comprendre, penseront les électeurs du RN. Au premier tour, leur parti est arrivé en tête dans toutes les régions, presque dans tous les départements, ainsi que dans 93 % des communes. Ils se sont vus « aux portes du pouvoir », la majorité absolue était à leur portée. Jordan Bardella s'imaginait Premier ministre à 28 ans. Au soir du second tour, le RN est bien le premier parti de France, avec 8 745 081 voix, ainsi que le premier groupe parlementaire avec 125 députés plus ses 17 alliés ciottistes (Ministère de l'Intérieur). Mais le Premier ministre ne sortira sans doute pas de ses rangs. Le RN est « relégué » à la 3e place si on raisonne par bloc. Hier soir, dès 20h02, Jean-Luc Mélenchon exigeait, malgré ses 71 députés, que le Nouveau Front populaire exécutât son programme à Matignon. Les media parlèrent de « surprise ». Pas vraiment.

1ère leçon : le RN paie le poids des désistements. En tête dans 258 des 501 circonscriptions, le RN et ses alliés ont été battus dans 154 d'entre elles, à deux tiers (109) en raison d'un désistement entre les deux tours. Les écarts sont impressionnants d'un tour à l'autre. Quelques exemples :

- 1ère circonscription de la Somme : Nathalie Ribeiro-Billet (40,69 %) a gagné 2670 voix contre 9258 à François Ruffin (UG), élu avec 52,95 % ;
- 1ère du Vaucluse : Catherine Jaouen (34,62 %) a gagné 3144 voix contre 11 728 au fiché S Raphaël Arnault (UG), élu avec 54,98 % ;
- 3ème de l'Aveyron : Pierre-Antoine Fèvre (35,46 %) a gagné 1517 voix contre 13 182 à Jean-François Rousset (ENS), élu avec 60,29 % ;
- 4ème de la Sarthe : Marie-Caroline Le Pen (39,26 %) a gagné 3327 voix contre 10 536 à Élise Leboucher (UG), élue avec 50,23 %. 225 voix les séparent. Plusieurs dizaines de circonscriptions pourraient faire l'objet de recours.

Le RN a perdu 90 duels sur 152 contre le Nouveau Front populaire, 105 sur 128 face au camp présidentiel et 32 sur 39 contre LR. Quand il l'a emporté, c'est souvent de justesse, à l'image de Guillaume Bigot qui, dans la 2e du Territoire-de-Belfort, a devancé Florian Chauche (UG) de 335 voix. En revanche, les triangulaires lui ont été plus favorables. Sur les 11 où le RN était en tête, seule la 3e de l'Ardèche lui a échappé, à 37 voix d'écart.

2e leçon : les consignes de vote, ça marche ! 72 % des électeurs ayant voté NFP au premier tour ont voté pour un candidat Ensemble lors du second tour. 54 % des électeurs ayant voté Ensemble au premier tour ont voté pour un candidat PS-EELV-PCF lors du second tour. 43 % des électeurs ayant voté Ensemble au premier tour ont voté pour un candidat LFI lors du second tour. Quasiment 1 électeur macronien sur 2 a donné sa voix à Jean-Luc Mélenchon pour faire barrage à Jordan Bardella.

Exemple typique : la réélection de Louis Boyard (UG) dans la 3e du Val-de-Marne : dans une triangulaire, Loïc Signor (ENS) n'a perdu que 364 voix entre les deux tours. Les macronistes ont préféré voter pour un candidat n'ayant aucune chance plutôt que de faire battre le jeune trublion de LFI en se reportant sur Arnaud Barbotin, malgré son étiquette LR-RN. Le cordon sanitaire ne s'est pas effiloché. En outre, les banlieues se sont déplacées. Juste après les européennes, il y avait déjà eu un afflux d'inscriptions sur les listes électorales. Les préfectures s'étaient refusé à prendre en compte ces « nouveaux citoyens » cette fois-ci.

3e leçon : sans les media, on ne gagne pas. Le narratif a rappelé la quinzaine antifasciste de 2002. Selon Chantal Delsol (Le Figaro), on a cherché « chez les élus de droite la moindre accointance datant de plusieurs décennies avec des mouvances étudiantes d'extrême droite. En revanche, on fait toujours mine d'ignorer que nombre d'élus de gauche ont été staliniens ou maoïstes, ou bien ont défendu Pol Pot, et aujourd'hui les déclarations pro-Hamas en l'honneur des terroristes passent au NFP pour d'aimables bavardages », constate la philosophe.

4e leçon : la campagne en demi-teinte du RN. Il a vasouillé sur les retraites et s'est égaré dans une controverse sur la binationalité.

5e leçon : les gens veulent du positif. Le SMIC à 1600 €, la retraite à 60 ans, ça plaît. Les illusions du socialisme mitterrandien imprègnent encore les mœurs.

6e leçon : il y a trois blocs mais deux partis, les nantis et les gueux. La Macronie a le patronat et la haute fonction publique, le NFP les fonctionnaires et les syndicats. Le RN représente les sans-pouvoir. La vie politique n'est pas qu'un hémicycle, c'est surtout une pyramide dont le sommet domine la base. Il n'y a pas de parti unique, juste une tactique qui est toujours la même : faire monter le RN au premier tour pour se faire élire contre lui au second.

7e leçon : la France n'est pas majoritairement à droite. On ne sort pas indemne d'un système éducatif qui, de la maternelle à l'université via les écoles de commerce et de journalisme, intube idéologiquement les cerveaux sur plusieurs générations. L'antiracisme et l'antifascisme restent des leviers de mobilisation puissants.

Louis Daufresne

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