La corruption rampante et l'incompétence des structures étatiques chinoises ont aggravé la fracture entre riches et pauvres. En cause, les milliards investis dans la vaine poursuite du « zéro Covid » et les outils de surveillance accrue. Xi-Jinping est face à une équation impossible : perdre le contrôle de la population ou laisser la fracture se transformer en abysse ? La Chine du Parti Communiste Chinois (PCC) ressemble de plus en plus à un château de cartes… Les années de croissance folle qui ont suivi l'ouverture au capitalisme de marché ont aggravé les inégalités abyssales de la société chinoise… Cet « âge d'or » des trois dernières décennies a été comparé au décollage américain de la fin du XIXe siècle. Une façade pour les optimistes qui saluaient l'entrée de la Chine dans le monde globalisé, selon Aaron Sarin pour Quillette (voir l'article en lien). Les excès étaient à l'échelle du pays… Un banquier qui entretenait un harem d'une centaine de maîtresses et chez qui la police a trouvé 3 tonnes d'argent liquide ; un gradé de la police qui avait créé son propre musée où abondaient des œuvres d'art et des œufs de dinosaures fossilisés… La corruption est partout. L'indice de Gini (mesure statistique qui rend compte de la répartition des richesses dans un pays) est monté à près de 0,47 en 2010 quand 0 indique l'égalité parfaite et 1 – la détention de toutes les richesses par un individu. À titre de comparaison, la France avait un score de 0,29 en 2015… La Chine communiste est donc l'un des pays les plus inégalitaires au monde. Et les chiffres froids ne rendent pas compte du gouffre vécu par les Chinois entre l'homme d'affaires fortuné de Shanghai — qui se vante de ne laisser boire que de l'eau minérale à son chien — et des foules de femmes qui vont casser la glace dans les campagnes pour laver leur linge. Xi Jinping est bien conscient de ce risque qui menace son pouvoir. La moitié de la population survit avec 140 dollars par mois et 180 millions de Chinois sont dans la misère. Le PCC fait face à un défi immense alors que la croissance à deux chiffres n'est plus qu'un lointain souvenir et ne permet plus de masquer la réalité. La dette nationale comme le chômage des jeunes sont en hausse tandis que la consommation des ménages est léthargique. Le marché immobilier est en crise et l'effondrement démographique guette… Le sort des migrants de l'intérieur témoigne de l'ampleur de la fracture chinoise. Ils sont 300 millions à avoir quitté leurs campagnes pour travailler dans les mégapoles. Or, ils sont exclus du système de santé et ne cotisent pas pour la retraite. La raison ? Ils ne disposent pas du « hukou », le sacro-saint livret de famille du Parti qui assigne les foyers à leur résidence. Ils ne sont pas citoyens de la ville où ils travaillent et doivent laisser femme et enfants derrière eux. C'est un système de castes : la Chine compte 300 millions de natifs qui sont des migrants illégaux dans leur propre pays… Qu'en est-il de leurs enfants ? Les classements PISA qui annonçaient l'entrée des universités chinoises dans le « top » mondial tronquent la réalité car ils ne représentent que les meilleures écoles des villes riches de la côte orientale. Au niveau national, le niveau de l'éducation en Chine est très faible : 76 % de la population active n'a pas terminé l'étape du secondaire. Moins de 10 % des jeunes ingénieurs ont le niveau suffisant pour travailler dans des multinationales occidentales… La situation empire avec les plus jeunes : les enfants des campagnes souffrent de malnutrition et d'infections chroniques qui entraînent des retards cognitifs. Le QI n'excédera pas 90 pour la moitié d'entre eux… Le pouvoir chinois a déjà commencé une transformation en profondeur de son économie en privilégiant les secteurs à haute technologie, quitte à voir la fracture sociale se transformer en abysse. Une interrogation demeure : comment ces nouvelles générations vont-elles s'intégrer dans un pays où la course technologique les laisse sur le bas-côté ? La société chinoise a toujours été très inégalitaire et le régime marxiste n'a fait que remplacer une ancienne classe dirigeante par une nouvelle… Pékin a très bien compris le danger. La nouvelle politique de « prospérité partagée » doit réduire la fracture béante. Le Parti a eu la main lourde en plafonnant le prix des loyers et en mettant au pas les dirigeants des sociétés de la high-tech… Si ces mesures ont renforcé le contrôle de Xi-Jinping, elles n'ont pas agi sur la fracture sociale. Il y a moins de redistribution en Chine communiste qu'aux États-Unis ou en Russie… Et la crise démographique vient s'ajouter. La population déteste le hukou et, plusieurs fois, le pouvoir a fait mine de le réformer. Mais la peur de perdre le contrôle est trop forte ! Faire disparaître ce passeport intérieur aurait pourtant des effets positifs immédiats sur l'économie (+2 points de croissance). Hélas, les métropoles ne sont pas prêtes : pas assez d'hôpitaux ni d'écoles pour accueillir tant de monde. Les fonds manquent car les priorités du Parti étaient ailleurs : 50 milliards de dollars ont été dépensés pour la politique désastreuse du « zéro Covid » juste en 2022 et auparavant, 41 milliards avaient été investis pour installer le système de reconnaissance faciale Sharp Eyes. L'arrêt du « hukou » nécessiterait aussi l'introduction de droits fonciers dans un pays où l'État est le seul propriétaire… L'équation impossible est la suivante pour le PCC : lâcher prise en acceptant la liberté de mouvement ou voir la fracture sociale se transformer en abysse. Ludovic Lavaucelle |
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