Bonjour à chacun et chacun,
Que se cache-t-il donc derrière les mots de : souveraineté européenne ?
Souveraineté ! Voici un mot qui, il n’y a pas si longtemps, était quasiment banni du vocabulaire politique. Quiconque s’aventurait à l’employer était immédiatement taxé de souverainiste ou de nationaliste. Et voici qu’il revient en force dans les discours des droites anciennes et macronistes. À tout propos, ce concept est désormais utilisé pour cacher une réalité qui s’y oppose : au plus fort de la pandémie de Covid-19, la souveraineté sanitaire camouflait la pénurie de masques, de médicaments, et notre dépendance vis-à-vis d’un vaccin importé des États-Unis. La souveraineté énergétique cache notre dépendance au pétrole et au gaz russes hier, américain et des pétromonarchies aujourd’hui. Et comment oser brandir la souveraineté quand les géants du numérique nord-américains ont acquis tant de pouvoir sur nos vies, sur l’économie et les équipements militaires ? De quelle souveraineté parle-t-on quand les fonds financiers gèrent les dettes des pays ? Comment se vanter d’attirer tant les capitaux étrangers à coup d’aides publiques et parler de souveraineté ?
L’utilisation de cette notion par les tenants du pouvoir ne sert donc que de paravent pour tenter de rassurer la majorité de nos concitoyens qui ont compris que la mondialisation capitaliste n’est pas « heureuse ». Du même coup, le pouvoir tente de parler aux électeurs et aux électrices d’extrême droite à qui on fait confondre souverainisme, nationalisme et souveraineté populaire ou nationale. Ainsi, pour camoufler les désastres du « marché ouvert où la concurrence est libre » avec son cortège de désagrégation du tissu industriel et agricole, les cabinets de conseil auprès du pouvoir ont prescrit d’ajouter le mot « souveraineté » à la fin de l’intitulé des ministères. Nous avons désormais le « ministère de l'Économie et des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique » ; le ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire ».
Comme toujours dans la propagande des fondés de pouvoir du capital, il y a les mots et les faits. En vérité, il ne peut y avoir de souveraineté agricole ou alimentaire dans la fuite en avant productiviste et la division internationale du travail. Celle-ci conduit à intensifier certaines productions destinées à l’exportation impliquant d’accepter en retour des importations de bovins, d’ovins, de volaille, de fruits et légumes qui affaiblissent la souveraineté alimentaire.
La souveraineté parlementaire est sans cesse bafouée par un gouvernement qui légifère en force, à coups d’article 49.3 de la constitution. La souveraineté populaire est piétinée quand le pouvoir refuse de tenir compte des puissants mouvements sociaux, tel celui du rejet de la contre-réforme des retraites. La souveraineté démocratique est bâillonnée quand le rejet majoritaire du Traité de Lisbonne est nié.
Ce traité qui, précisément, fait de l'Union européenne une personnalité juridique lui permettant d’avoir une vie propre dans le domaine du commerce international, notamment en signant des traités de libre-échange. Soumettre notre pays, par exemple, au traité avec le Canada ne suffisait pas au pouvoir. Ce dernier bafoue la souveraineté parlementaire en refusant de le mettre en débat à l'Assemblée nationale suite à son rejet au Sénat, à l’initiative des communistes. Voici que le président de la République en appelle à « une souveraineté européenne ». Or, ce concept n’est pas inscrit dans les traités européens qui fondent l'Union européenne. Par contre, dans notre république, « la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie de référendum ».
Il convient donc d’être vigilant et de bien mesurer ce qu’implique cette conception continentale et supranationale de la souveraineté. Cette idée vise surtout à soutenir les bourgeoisies européennes dans la guerre économique entre grandes puissances au lieu de rechercher des espaces de coopérations pour affronter les grands défis auxquels est confrontée l’humanité, qu’ils s’agissent du climat et de la biodiversité, du combat contre les inégalités et des sécurités sociale, alimentaire ou sanitaire.
Une compétition intra-capitaliste se déployant dans le cadre d’une plus grande militarisation. C’est donc en toute logique que M. Macron et la présidente de la Commission européenne défendent bec et ongles l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), insistent tant sur la constitution d’une défense européenne et appellent à la production d’armes en commun.
Cette « défense européenne », conçue comme un pilier de l’OTAN, dirigé par les généraux américains est loin de la possibilité des États, et même des institutions européennes de faire prévaloir une quelconque souveraineté. L’augmentation de la fabrication d’armes est une demande des États-Unis. Elle servira une fraction importante du capitalisme français à défaut d’autres projets industriels utiles. Voici qu’on nous parle du partage de l’arme nucléaire et du partage du siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU. Un effacement à grands pas de la souveraineté de la France sur la scène internationale !
Le prétendu « souverainisme européen » cache en vérité le renforcement de l’atlantisme au moment où la part de l’occident capitaliste dans la production de richesses recule. Cette notion macronienne se dilue dans la quête de puissance et non de l’indépendance et de la maîtrise des choix par un peuple souverain. Et pour cause. Il n’existe pas de peuple européen constitué. Il n’y a donc pas de « nation européenne ». Il y a bien une contradiction entre les discours de politique générale des gouvernements*, l’intitulé de ministères affichant le mot « souverainisme » et la promotion par ailleurs d’un « souverainisme européen ». Il s’agit en façade de complaire à l’extrême droite tout en poussant encore plus loin l’intégration européenne sous l’égide d’un gouvernement européen.
Ce projet cache donc celui d’une Europe fédérale dont les centres de décisions seraient encore plus éloignés des peuples, de moins en moins souverains. Le seul moyen d’avancer à la fois vers le progrès social et démocratique est de changer les orientations fondamentales de la construction européenne où la commission veut jouer le rôle d’un gouvernement. En effet, elle dispose du monopole de l’initiative des textes (directives et règlements) qui régissent le droit de l’union tout en étant le pouvoir exécutif de lois qu’elle a elle-même initiée sur demande du Conseil européen. Elle a même le privilège de pouvoir sanctionner les États membres.
Faire vivre la souveraineté populaire est un enjeu de haute importance, consubstantiel de la démocratie et d’un nouveau projet européen décidé par les peuples souverains. C’est l’engagement d’un processus de construction d’une union des nations et des peuples souverains, libres, associés et solidaires. Au sein d’une telle union, les États et les peuples choisiraient librement de partager des souverainetés et des coopérations en vue de projets communs pour des progrès sociaux et environnementaux. Une construction européenne qui ne se soumettrait pas aux oligarchies et ferait du travailleur un souverain dans l’ordre économique.
Alors, au sein de cette union nouvelle de nations et de Peuples Solidaires, se conjugueraient la souveraineté populaire et la souveraineté des travailleurs sur la production et les richesses afin de permettre des avancées sociales pour toutes et tous : l’augmentation des rémunérations et des protections sociales, le recul des inégalités et des dominations, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, des coopérations nouvelles avec les pays du sud, des actions pour la paix et des progrès écologiques. Une telle souveraineté devrait s’exercer aussi sur la création monétaire de la banque centrale et son utilisation favorable à un immense développement sur tout le continent, de services publics, accessibles à toutes et tous, démocratisés pour permettre l’accès à la santé, aux transports, à la formation, au logement de haute qualité environnementale, à l’alimentation, à une nouvelle politique de l’énergie qui ne serait plus une marchandise.
Des services publics accessibles, c’est la possibilité d’améliorer le pouvoir d’achat populaire. À l’opposé des projets des droites et des extrêmes droites, le vote communiste donne de la force à toutes celles et ceux qui souhaitent arracher la construction européenne aux classes dominantes et aux castes capitalistes pour en faire, par la souveraineté des travailleurs européens unis, un projet nouveau, par et pour toutes et tous.
6 mai 2024
* Les premiers ministres E. Borne et G. Attal ont utilisé le mot 37 fois dans leur discours de politique générale, soit bien plus que tous leurs prédécesseurs réunis.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire