Faut-il en finir avec le sport de haut niveau ? C’est la question que je me suis posée, un peu à contrecœur, en parcourant le livre que s’apprête à publier Stan Thuret, ce skippeur qui a décidé d’arrêter la course au large « pour raison écologique ». A contrecœur, car le sport est sans doute le domaine où ma dissonance cognitive atteint des sommets : j’ai plus de mal à imaginer une vie sans le moindre grand raoult sportif que d’envisager une vie sans viande ni voyage en avion (même si ces deux sujets sont étroitement liés).
Dans son livre, Stan Thuret souligne que même un sport comme la voile, à première vue respectueux de l’environnement puisque les bateaux avancent grâce à la force du vent, ne l’est pas vraiment. Lors de la Route du Rhum, ce sont par exemple 145 000 tonnes de CO2 qui sont émises. L’ex-skipper dénonce aussi le culte de la performance, qu’il juge désormais aussi déraisonnable qu’absurde dans un monde menacé par le changement climatique.
Stan Thuret n’est pas le seul à s’interroger. Kylian Jornet et Xavier Thévenard, plusieurs fois vainqueurs de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), prônent depuis des années une plus grande prise en compte des enjeux climatiques dans les compétitions. « Le cyclisme est un sport très paradoxal, regrettait en 2021 le Canadien Michael Woods, alors meilleur grimpeur du Tour de France. Le vélo, c’est parfait pour l’environnement, mais à haut niveau c’est une catastrophe. On se déplace en avion, des camions et des voitures nous accompagnent à chaque course ». La biathlète française Célia Aymonier, elle, vient de mettre un terme à sa carrière à 28 ans, en partie en raison du changement climatique.
A l’approche des Jeux olympiques de Paris, dont le bilan carbone s’annonce monstrueux malgré les promesses des organisateurs, la question me taraude donc aussi. Est-il bien raisonnable de continuer à célébrer un événement d’un tel gigantisme, dont même la devise – « plus vite, plus haut, plus fort » – est un beau bras d’honneur à l’esprit de sobriété et d’humilité qui devrait pourtant s’imposer à nous tous ?
Il y a encore quelques semaines, mon refus de participer à la fête olympique était ferme. Mais, comme il y a deux ans lors du Mondial de football au Qatar, que je ne suis pas parvenu à boycotter malgré les innombrables horreurs perpétrées sur place, j’ai peur de craquer à nouveau.
Sébastien Billard
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