Chère lectrice, cher lecteur,
C’est un tournant dans cette crise. La relance économique a légèrement pris le pas sur les priorités sanitaires. Logique, vu l’évolution épidémiologique et les pertes financières gigantesques que connaissent pratiquement tous les secteurs. Mais attention à ne pas tomber dans la précipitation et l’euphorie, la lutte contre le coronavirus n’est pas encore gagnée.
La première phase, qui consistait à combattre le virus, est terminée. La population apprendra à vivre avec. Vivre autrement… en maintenant une certaine distance spatiale, en respectant des règles d’hygiène strictes, en acceptant de changer de rythme.
Tout le monde rêve d’aller boire un verre sur une terrasse ou de déguster une assiette dans son troquet favori. L’ouverture des bistrots donne un goût de retour à la normalité, mais c’est une illusion. Il s’agit aujourd’hui d’inventer une nouvelle normalité. Pas de grandes tablées dans les restos ni d’apéros interminables, les règles seront très strictes et assez frustrantes, mais c’est à ce prix qu’une deuxième vague de contamination sera évitée.
En donnant ce mercredi un coup d’accélérateur au déconfinement, le Conseil fédéral s’est basé sur des statistiques et sur les expériences des pays voisins, mais il a également cédé à certaines pressions. L’UDC, le PLR, les milieux économiques, la majorité des cantons alémaniques, exigeaient une ouverture plus rapide de tous les commerces, y compris des restaurants. Il y a deux semaines encore, Alain Berset excluait un tel scénario pour des raisons sanitaires. Aujourd’hui, il a dû se plier à la majorité de droite du Conseil fédéral. Le ministre de la Santé n’imposera plus, systématiquement ou presque, sa vision à ses collègues.
Fort heureusement, le Conseil fédéral n’a, en revanche, pas cédé aux pressions de certains syndicats, essentiellement lémaniques, qui s’opposaient à une réouverture des écoles. Cette décision n’a en effet pas été prise à l’aune des seuls intérêts économiques. Elle sera profitable aux enfants, à la stabilité sociale et familiale et elle évitera de creuser de nouvelles inégalités. Personne ne servira de cobaye puisque les cantons et les communes seront chargés des plans de protection, et donc du respect des règles sanitaires.
Aujourd’hui, Alain Berset n’affronte pas seulement ses collègues du gouvernement, mais également les cantons, de plus en plus agacés d’avoir perdu leurs prérogatives. Le choix de laisser les cantons décider s’ils veulent organiser des examens de maturité va dans le sens d’une ouverture et permet d’éviter un conflit qui s’annonçait particulièrement dur avec la plupart des cantons romands. Le gouvernement devra accepter que le fédéralisme reprenne très vite ses droits.
Cette nouvelle normalité passe aussi par des réponses claires, par exemple sur le port des masques. Or, sur cette question, le Conseil fédéral continue à tergiverser, ce qui, pour l’heure, fragilise la confiance que la population aimerait avoir en ses autorités.
– Vincent Bourquin, chef de la rubrique suisse
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