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jeudi 5 juillet 2018

Roux de Bézieux hérite d'un Medef en chantier

5 juillet 2018

Roux de Bézieux hérite d'un Medef en chantier

Le successeur de Pierre Gattaz doit réconcilier une maison profondément divisée, qui s'interroge sur son rôle

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Une poignée de main et quelques mots échangés. Alexandre Saubot s'en va, Geoffroy Roux de Bézieux reste. Mardi 3  juillet à Paris, dans la salle de réception de la Mutualité, où les petits fours attendent les convives, le vaincu laisse la place au vainqueur. Le moment " GRB " peut commencer. Il y a quelques minutes à peine, l'assemblée générale du Medef vient de le choisir comme président pour succéder à Pierre Gattaz avec 55,8  % des voix. Son concurrent ne recueille que 44  % des suffrages. Un score sans appel.
Voilà dix ans qu'il en rêve, Geoffroy Roux de Bézieux. Qu'il y pense matin et soir. Qu'il laboure les fédérations territoriales pour se montrer, se faire connaître. Qu'il évite les conflits trop bruyants pour ne pas cliver, tout en étant sûr d'être dans le bon camp. Jean-Dominique Sénard, le patron de Michelin, empêché pour des raisons d'âge, lui aura certes volé la vedette à la rentrée 2017, mais pas la victoire. Cinq ans après une première candidature, l'éternel numéro deux de Pierre Gattaz tient enfin sa revanche.
S'il ne fallait retenir qu'un moment pour résumer la campagne qui s'achève, ce serait celui des discours des finalistes juste avant le vote. Un duel de style bien plus que de fond – les deux hommes partageant un grand nombre de convictions. Quand le pro de la com, Geoffroy Roux de Bézieux, déroule sa vision très politique du Medef, le techno, Alexandre Saubot, moins à l'aise dans l'exercice, choisit de convoquer son histoire personnelle, son entreprise, sa mère. Un registre qui n'a pas réussi à celui qui n'a pas l'habitude se livrer.
" Reconstruire "Lors de cette prise de parole, Geoffroy Roux de Bézieux a repris ses thèmes de campagne, lui qui s'est présenté comme le candidat de " la transformation numérique ". Et le fondateur du groupe Notus Technologies, actionnaire entre autres d'Oliviers &  Co, d'ajouter après son élection : " Ce que je veux célébrer avec vous, ce n'est pas la victoire d'un camp, mais c'est la victoire du rassemblement. " Loin des " oppositions "ou des " divisions factices ", M.  Roux de Bézieux appelle à " un Medef qui joue collectif ", qui ait " la passion de l'unité ", car " il n'y a plus de temps à perdre en vaines querelles. " Bien conscient, semble-t-il, du défi majeur qui l'attend pour la suite.
Cet entrepreneur qui a fait fortune dans les télécoms doit ressouder une maison divisée comme rarement auparavant. Au terme de cette campagne, le clivage traditionnel entre industrie et services a volé en éclats, des fédérations d'habitude alliées n'ont pas désigné le même candidat (banques et assurances ou bâtiment et travaux publics) et, au sein même de certaines, des choix différents ont été faits (Syntec ou intérim).
" Ce qui m'inquiète, c'est ce qu'on fait mercredi matin pour que le Medef retrouve son unité. Il va falloir éviter la chasse aux sorcières. Car là, ce qui divise, ce sont les personnalités des deux candidats. Mais demain ? Il va falloir reconstruire ", soufflait un patron de grosse fédération quelques jours avant le scrutin.
" Comment raccommoder les morceaux avec le camp d'en face ?, interroge également Michel Offerlé, auteur, en  2013, des Patrons des patrons, Histoire du Medef (Odile Jacob). De grosses fédérations se sont prononcées contre Roux de Bézieux : l'UIMM, les -banques, le commerce… Même si l'UIMM n'est plus ce qu'elle était, elle reste une fédération qui a une expertise du social et il en aura besoin. " L'intéressé, qui n'est pas connu comme un homme de -dossiers, a d'ailleurs proposé à M. Saubot de rejoindre le conseil exécutif du Medef – sa direction élargie – comme " invité permanent ". Ce que l'ancien patron de l'UIMM, qui a négocié ces trois dernières années les grands accords interprofessionnels avec les syndicats, a accepté.
Autre défi qui attend le nouveau président : redorer le blason d'un mouvement patronal affaibli par les années Gattaz. Son objectif : " Réinventer le Medef pour le mettre en phase avec ce monde qui change. " La mission sera d'autant moins facile que M. Roux de Bézieux, ancien vice-président délégué, faisait partie de l'équipe sortante. Ce sera la principale tâche de Patrick Martin, ex-candidat rallié à M. Roux de Bézieux et bientôt président délégué du mouvement.
Le successeur de Pierre Gattaz devra aussi aider l'organisation patronale à trouver la bonne distance face à un gouvernement pro-business, ayant déjà à cœur l'intérêt des entreprises. " L'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général ", a prévenu M. Roux de Bézieux, qui a déjà croisé la route d'Emmanuel Macron. Les deux hommes se sont rencontrés dans la commission Attali pour la libération de croissance, à la fin des années 2000. A peine annoncée, son élection a été saluée par -Didier Casas, secrétaire général de Bouygues Telecom et membre actif de l'équipe de campagne du -futur chef de l'Etat. Sur Twitter, M.  Casas a rendu hommage à " Geoffroy "" un homme de projets, un homme de combats, un homme de… télécoms ".
Côté syndicats, avec qui le fil devra être renoué, on s'inquiète du libéralisme assumé et des positions tranchées sur le paritarisme du nouveau patron des patrons. " Entendre que le Medef pourrait se comporter comme un lobby qui irait quémander seul auprès du gouvernement, ça m'inquiète ", indique Pascal Pavageau. Le secrétaire général de FO joint sa voix à celle de Laurent Berger, son homologue de la CFDT, pour demander un " agenda social " paritaire à M. Roux de Bézieux. Et ce dès la rentrée.
" Les diagnostics communs, c'est très bien, mais il faut savoir comment on agit après ", souligne M. Berger, en référence aux déclarations du président de l'institution patronale tout juste élu. " Cette élection, c'est le bis repetita d'il y a cinq ans, mais avec une autre personnalité, déplore un autre leader syndical. J'espère que Roux de Bézieux sera moins maladroit que Gattaz, mais seul l'avenir nous le dira. "
Sarah Belouezzane et Raphaëlle Besse Desmoulières
© Le Monde


5 juillet 2018

Un patron des patrons pro de la com et peu porté sur le social

Le fondateur du groupe Notus Technologies a été élu mardi à la tête du Medef, pour cinq ans, avec 55,8 % des voix, face à Alexandre Saubot

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C'est une véritable course de fond que vient de terminer Geoffroy Roux de Bézieux. Mardi 3  juillet, le fondateur du groupe Notus Technologies, actionnaire, entre autres, d'Oliviers &  Co, a été élu pour cinq ans à la tête du Medef avec 55,8  % des voix face à Alexandre Saubot, ex-président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), qui en a recueilli 44  %.
En décrochant l'or, cet adepte du triathlon de 56 ans, peu connu du grand public, aura presque fait oublier qu'il est en campagne depuis plus de cinq ans. Il y a encore quelques années, qui aurait parié sur celui que certains décrivaient comme un dilettante ? L'ancien rugbyman, dont le nez cassé rappelle aussi sa passion pour la boxe, avait pourtant déjà marqué des points en  2013 face à Pierre Gattaz avant de rallier in extremis le patron de Radiall.
Cinq ans plus tard, il n'aura pas ménagé ses efforts. " La dernière fois, j'étais arrivé en outsider, raconte-t-il. J'avais une notoriété extérieure, mais pas du tout au Medef. J'ai appris sur le fonctionnement de l'organisation. " Nommé vice-président délégué en  2013, chargé de l'économie, celui que l'on surnomme " GRB " profite de ses nouvelles fonctions pour labourer le terrain.
" Les mauvaises langues disent que le seul dossier qu'il ait eu à -gérer, c'est le prélèvement à la source ", plaisante à moitié un soutien d'Alexandre Saubot. " Il a mûri, il a pris du poids politique, tempère un haut gradé du Medef. Il connaît le Medef et s'est chargé de sujets pas faciles. Il y a cinq ans, je n'avais pas voté pour lui. " Lors de cette campagne 2018, Geoffroy Roux de Bézieux s'est présenté comme le " candidat de la transformation numérique ". Et a mis en avant son expérience dans les nouvelles technologies. Après un diplôme de l'Essec et un job chez L'Oréal, le trentenaire crée, en  1996, The Phone House, qu'il revend huit ans plus tard. Autre succès dans les télécoms : Virgin Mobile, cédé depuis au milliardaire Patrick Drahi. De quoi lui assurer une jolie petite fortune qui lui permet de lancer, en  2014, Notus Technologies, un " groupe 100  % patrimonial ".
" Un consensuel "Toutes ces années, ce père de quatre enfants a aussi travaillé ses réseaux. L'ex-président de l'association patronale CroissancePlus a également siégé, à la fin des années 2000, à la commission Attali pour la libération de la croissance où il a rencontré un certain… Emmanuel Macron. " J'étais inquiet pour la période de campagne, car il était cash et n'était pas prêt à tout pour gagner, confiait, il y a peu, Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment. Mais il est déterminé, constant, il avan-ce, et globalement, il fait le job lors de cette période compliquée humainement. "
Réputé très libéral en économie, ce fils de banquier a mis (un peu) d'eau dans son vin pendant la campagne, mais pas au point de se renier sur le social, dont il n'est pas le plus fervent défenseur. " Roux de Bézieux n'est pas vraiment dans le dialogue social,notait récemment un DRH de grand groupe. En mettant en avant la nouvelle économie, ça lui donne un style plus flamboyant, plus moderne. Mais c'est un coup de com, la nouvelle économie dans le Medef, ça ne pèse rien. "
Dans le sprint final, Geoffroy Roux de Bézieux a surjoué le côté collectif en s'affichant systéma-tiquement avec Patrick Martin, président du Medef Auvergne Rhône-Alpes et ex-prétendant rallié à sa candidature. Une façon aussi de séduire les territoires pour ne pas apparaître uniquement comme le représentant des start-up. " Geoffroy, c'est un consensuel ; et c'est nécessaire aujourd'hui d'avoir quelqu'un comme lui à la tête du Medef, même s'il va toujours chercher à noyer le poisson pour avoir le moins de conflits possible, estime l'un de ses soutiens. Son défaut, c'est le social, mais on veillera à ce qu'il ait aussi cette dimension. "
Quelques fiches ne seront pas de trop.  Interrogé le 30  juin sur le montant du smic sur RTL, l'ancien président de l'Unédic a répondu " en mensuel, 1 280 net, quelque chose comme ça ". Soit 110  euros de plus que le montant réel du salaire minimal.
S. b. et R. B. D.
© Le Monde

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