C'est un marqueur de son action. A peine élue présidente (LR) de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse a supprimé, en janvier 2016, le tarif réduit dans les transports accordé aux étrangers en situation de précarité et dépourvus de titre de séjour. L'aide accordée depuis 2001 par la collectivité régionale et le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF, rebaptisé IDF Mobilités) est " une prime à l'illégalité puisqu'elle bénéficie à des personnes qui n'ont pas le droit de séjourner sur le territoire français ", estime Mme Pécresse.
Mais la cour administrative d'appel de Paris devrait, dans les prochains jours, déclarer illégale cette exclusion et contraindre la patronne de la région à rétablir cette aide. En février 2017, le tribunal administratif avait annulé, une première fois, la décision de Mme Pécresse. Saisie par un -conseiller régional (EELV) francilien, Pierre Serne, d'un recours contre la décision, la juridiction avait donné raison à l'élu écologiste.
L'aide accordée jusqu'en 2016 par le STIF découle de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain de décembre 2000. En vertu de ce texte, les autorités de transports doivent accorder
" au moins 50 % de réduction à toute personne dont les ressources sont égales ou inférieures au seuil ouvrant droit à la couverture-maladie universelle ", soit 8 810 euros par an. Dans sa plaidoirie, l'avocat de M. Serne, -Tewfik Bouzenoune, avait fait valoir que la loi
" n'écarte pas les bénéficiaires en raison de leur nationalité ou de leur titre de séjour ".
Mme Pécresse a contesté le jugement devant la cour administrative d'appel. A l'audience, mercredi 27 juin, le rapporteur public a estimé illégale la décision de la présidente d'Ile-de-France. La cour, comme il est d'usage dans la plupart de ses arrêts, devrait suivre l'avis du rapporteur.
Contre-feu politique
" Contents'il gagnait une deuxième fois ", M. Serne se dit
" en colère " contre Mme Pécresse.
" En refusant de rétablir cette aide dès février, elle a fait perdre cinq mois de plus aux quelque 110 000 étrangers sans ressources qui en bénéficiaient jusqu'ici. Et qui n'ont de toute façon pas l'argent pour acheter un passe Navigo mensuel - 75,20 euros -
", relève-t-il.
Selon Caroline Izambert, responsable à l'association Aides, la mesure de Mme Pécresse a eu
" des effets négatifs hyperconcrets depuis deux ans. On a vu beaucoup d'étrangers, notamment des femmes séropositives, préférer renoncer à prendre les transports pour aller se faire soigner plutôt que de frauder et de risquer d'être contrôlés ", témoigne-t-elle.
Anticipant une défaite juridique, Mme Pécresse a tenté un contre-feu politique, interpellant le gouvernement pour qu'il durcisse la loi et exclue les étrangers sans papiers du bénéfice de la tarification sociale. Le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, a fait, jusqu'ici, la sourde oreille.
En revanche, la présidente de la région a été entendue au Sénat. Un amendement de Roger -Karoutchi, sénateur (LR) proche de Mme Pécresse, a modifié le projet de loi asile et immigration. Dans la version votée le 26 juin par la majorité de droite sénatoriale, le texte subordonne l'octroi de tarif réduit dans les transports à la régularité du séjour. Mais la disposition a peu de chance d'être reprise par les députés.
Au final, la croisade de Mme Pécresse pourrait avoir l'effet inverse du but recherché : les défenseurs des sans-papiers, militants associatifs ou élus de gauche vont pouvoir se servir d'une probable condamnation comme d'une jurisprudence pour convaincre les collectivités d'étendre leur tarification sociale aux étrangers pour celles qui ne le font pas. C'est notamment le cas de la métropole de Marseille, de Nice ou de -Bordeaux. A l'inverse, les métropoles de Strasbourg, Grenoble et Lille accordent la tarification sociale aux sans-papiers précaires. C'est aussi le cas de la métropole de Lyon, dont l'ancien maire est Gérard Collomb.
Béatrice Jérôme
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire