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lundi 2 juillet 2018

Les " millennials ", clé de l'élection présidentielle au Mexique


1er juillet 2018

Les " millennials ", clé de l'élection présidentielle au Mexique

Les candidats rivalisent d'ingéniosité pour séduire les jeunes de 18 à 34 ans, réputés apathiques, qui représentent un tiers de la population

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Le QG de campagne d'Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), favori de l'élection présidentielle du 1er  juillet au Mexique, ressemble à une start-up. A tous les étages de cette maison en briques, au centre de Mexico, une vingtaine de militants à peine trentenaires sont rivés à leurs écrans d'ordinateur. La bataille électorale fait rage sur la Toile pour séduire les Mexicains hyperconnectés de 18 à 34 ans. Ces " millennials " représentent plus du tiers des électeurs.
Pas d'affiche ni de banderole, dans cette discrète bâtisse rénovée. " Ça pollue ", justifie Alberto Lujambio, 33 ans, coordinateur des e-messages d'AMLO. Le candidat du Mouvement de régénération nationale (Morena, gauche) ne passe presque jamais ici. "AMLO enchaîne les meetings, le parti s'occupe de la logistique sur le terrainnous, on gère son e-communication ", explique M. Lujambio. La plupart des plus de 30  millions de jeunes ne s'informent qu'à travers les réseaux sociaux.
Une cible de choix pour AMLO, qui devance de plus de 22 points dans les sondages (tous âges confondus) ses deux principaux adversaires, Ricardo Anaya, à la tête d'une coalition droite-gauche, et José Antonio Meade, candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre, au pouvoir). Tous proposent aux millennials des emplois mieux payés dans un pays où le salaire minimum plafonne à 88 pesos (3,80  euros) par jour. AMLO, qui se présente pour la troisième fois à une présidentielle, leur promet aussi l'éducation gratuite et des bourses universitaires. M.  Anaya évoque un salaire universel (64  euros par mois). M.  Meade veut développer leur accès à Internet.
Pas de " candidat convaincant "Sur la place principale de Mexico, Roberto Alvarez marche les yeux scotchés à son mobile. " Aucun candidat n'est convaincant ", soupire ce jeune de 29 ans qui vit de petits boulots. Même déception chez Anayetzi Bustamante, étudiante en gestion de 21 ans, assise sur une pelouse de l'Université autonome du Mexique (UNAM) : " Je déciderai le jour J. " Plus de la moitié des millennials restent indécis (de 17  % à 25  % des 89  millions d'électeurs), selon les sondages. Sept sur dix ne s'identifient à aucun parti. Leurs préoccupations : le manque d'opportunités, la corruption et l'insécurité galopante. Dans la bibliothèque de l'UNAM, Fernanda Rivera, 26 ans, étudiante en maîtrise de sociologie, l'assure : " Les millennials forment une génération très hétérogène. Mais nous rejetons en bloc le système clientéliste du PRI - au pouvoir de 1929 à 2000, puis depuis 2012 - que l'alternance de la droite - 2000-2012 - a maintenu. " Longtemps décrits comme individualistes et apathiques, ces jeunes ont participé en masse au spectaculaire élan de solidarité après le séisme du 19  septembre 2017 (plus de 360 morts). Cette mobilisation, à travers les réseaux sociaux, aurait-elle dopé leur conscience politique ? Plus de 70  % comptent se rendre aux urnes, le 1er  juillet, alors que leur taux d'abstention dépasse en général celui des Mexicains de tous âges (36,7  % en  2012).
Ce jour-là, les électeurs sont appelés à voter à la présidentielle mais aussi aux élections générales (18 000 postes publics en jeu). Les candidats locaux et nationaux ont diffusé 23  millions de spots dans tous les médias. Beaucoup s'adressent aux millennials. Dans des vidéos, AMLO les appelle " à construire le futur du Mexique ", M.  Meade discute avec des étudiants et M. Anaya joue de la guitare. Les deux challengers ont consacré au Web plus ou moins 35  % de leurs budgets publicitaires (environ 8  millions d'euros chacun). AMLO, lui, n'aurait pas dépensé un centime sur la Toile. Dans une pièce de son QG, transformée en studio de tournage et de montage, M.  Lujambio explique : " L'e-marque “Abre Mas Los Ojos” - Ouvre plus les yeux - , qui reprend les initiales d'AMLO, est devenue virale. On s'est inspiré du mouvement -Momentum, de Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste britannique - créé en 2015, ce réseau avait suscité une incroyable mobilisation autour de la candidature de M. Corbyn - .  On a aussi baptisé les militants, les AMLOVERS. " Leur mission : " Défendre la réputation du candidat. "
" Autodérision "Quelque 70  % des spots de ses adversaires le disqualifient, selon l'hebdomadaire d'investigation Proceso. Le hashtag #AMLOvich a circulé sur Twitter, accusant sa campagne d'être soutenue par la Russie. AMLO a répliqué par une vidéo où il porte une chapka russe, se nommant lui-même " Andres Manuelovich ". " L'autodérision et une pédagogie positive font mouche auprès des jeunes ", souligne M. Lujambio. Pari gagné : selon les sondages, les millennials disposés à voter préfèrent AMLO (autour de 50  %) à M. Anaya (29  %) et à M. Meade (13  %). Agé de 39 ans, M.  Anaya est pourtant plus proche de leur génération que le sexagénaire. Pour José Antonio Sosa, directeur d'Apoyo, cabinet conseil en communication politique, " le succès d'AMLO s'explique par son image d'homme honnête antisystème qui a résisté aux fake news ".
Pour les contrer, plus de 60 médias, dont Animal Politico et Newsweek, ont créé, en mars, la plate-forme de fact-checking Verificado2018. Hébergés par l'Université de la communication, au centre de Mexico, dix jeunes journalistes et gestionnaires de communauté démêlent le vrai du faux sur la Toile. Selon leur coordinateur, Diego de la Mora, 41 ans, " des centaines de fake news ont été désamorcées ". Et M. Sosa d'anticiper : " Cette culture naissante du fact-checking pourrait obliger le prochain gouvernement à rendre davantage de comptes aux citoyens " d'une jeune démocratie encore fragile.
Frédéric Saliba
© Le Monde

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