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lundi 2 juillet 2018

MACRON et LES SYNDICATS......Le primat du politique sur le dialogue social......



MACRON et LES SYNDICATS



1er juillet 2018

Le primat du politique sur le dialogue social

Pour assurer la transformation économique de ses structures, l'Etat est passé en trente ans de la concertation à la fermeté face aux partenaires sociaux, analyse le sociologue Guy Groux

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L'exécutif consulte mais ne négocie pas. De Laurent Berger (CFDT) à Pascal Pavageau (FO) en passant par Philippe Martinez (CGT), c'est l'avis unanime des principaux dirigeants syndicaux quant au pilotage par l'Etat de la réforme de la SNCF. Il est vrai qu'en l'occurrence la détermination du pouvoir fut sans failles. Dès février, Elisabeth Borne, la ministre des transports, affirmait son refus total du statu quo et dénonçait les carences des réponses apportées jusqu'alors par le politique dans la mise en place d'une réforme du ferroviaire. Pour elle, " on s'est occupé tantôt de gouvernance, tantôt des commandes de TGV, de la dette, de la structure du groupe, sans jamais avoir une vision globale ". Evoquant les délais d'ouverture du secteur à la concurrence européenne et l'endettement de la SNCF, l'exécutif décide alors d'agir par la voie des ordonnances et non par la négociation et l'accord collectif. Dans les semaines qui suivent, l'Etat affiche d'autant plus son autorité que face aux syndicats, il s'appuie sur une opinion toujours plus favorable.
Ainsi, 2018 révèle un contexte qui tranche avec des projets politiques de réformes conçus dans un passé plus ou moins récent. C'est le cas de la réforme Juppé de 1995 ou de celle du CPE (contrat première embauche)en  2006 qui furent annulées ou ajournées sous la pression des mobilisations syndicales. Comme c'est le cas de certaines réformes couronnées de succès découlant d'un dialogue bien réel entre l'Etat et les syndicats. Pour illustrer ceci, on peut rappeler la réforme des PTT voulue par le gouvernement Rocard en  1988. Entre celle-ci et la réforme de la SNCF, existent en effet des points communs comme les contraintes européennes qui pèsent sur les entreprises publiques ou la mise en cause du statut pour les nouveaux embauchés. Mais sur le plan des rapports entre le pouvoir, les syndicats et les salariés concernés, la " méthode Rocard " ne ressemble en rien à celle utilisée aujourd'hui à propos de la SNCF.
Prudence et calmePour Hubert Prévot alors chargé d'accompagner sur le terrain la réforme des PTT, trois facteurs guidaient celle-ci : le temps qu'il s'agissait de donner à la concertation et à la négociation collective avant le vote de la loi par le Parlement ; la prudence et le calme. Dans les faits, diverses séquences ponctuèrent la réforme. De l'automne 1988 à l'été 1989, une large consultation des personnels, des syndicats et des usagers se met en place. Se tiennent 8 000 réunions de salariés qui mobilisent 200 000 personnes ; en appui des débats, une publication centrale : le Journal du débat public donna lieu à sept numéros chacun tiré à 500 000 exemplaires ; 80 000 agents s'exprimèrent en direct par vidéotransmission ou Minitel ; sept colloques furent organisés en province et à Paris sur les enjeux de la réforme, l'attente des Français ou des entreprises.
En parallèle, 10 millions de questionnaires furent mis à la disposition du public dans les bureaux de poste et les agences de télécommunications, 300 000 réponses étant fournies aux usagers soucieux du futur de l'entreprise. La deuxième séquence qui débute à l'automne 1989 entraîne l'ouverture d'une négociation avec les syndicats au sujet des classifications des personnels. Enfin, en mars 1990, la dernière séquence se concrétise avec la présentation en conseil des ministres du projet de loi réformant l'entreprise, la loi étant adoptée par les parlementaires le 27  juin 1990 (André Darrigrand dans Politiques et management public, volume 20, n°  4, 2002).
Autre temps, autres mœurs ? Certes, 2018 n'est pas 1988 et les contraintes économiques ou européennes qui pèsent sur les entreprises publiques se sont modifiées et intensifiées. Est-ce ceci qui fait que la réforme de la SNCF révèle avec force la primauté du politique sur le dialogue social ? Ou la fermeté de l'Etat face aux revendications et aux manifestations syndicales ? Bien sûr, rien n'est univoque. Très tôt, le pouvoir fit des concessions à l'égard des cheminots en place avec le fameux " sac à dos social " impliquant des garanties sur les salaires, les retraites ou la sécurité d'emploi par exemple. Et des amendements directement proposés par les syndicats réformistes – la CFDT et l'UNSA – furent inclus dans la loi récemment votée. Mais les négociations à venir pour définir la nouvelle convention collective du secteur des transports ferroviaires, se dérouleront bien – quant à elles – dans un cadre contraint : celui imposé par l'Etat et le législateur.
Lors de la réforme des PTT, le gouvernement Rocard donnait la priorité à la consultation et à la négociation par rapport au vote de la loi. Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui où le gouvernement se situe selon un double principe qui impacte " l'esprit et la lettre " de la réforme de la SNCF : d'un côté, l'affirmation déterminée d'un libéralisme économique et européen ; de l'autre, l'affirmation tout aussi déterminée de l'autorité de l'Etat et d'une posture parfois " gaullienne " face aux intérêts multiples et particuliers qui traversent le monde social en général.
A l'évidence, la démarche du pouvoir liée à sa détermination a pu déstabiliser les syndicats et les " habitus " qui sont les leurs. S'agit-il là d'une démarche ad hoc qui ne concerne que la seule SNCF, voire d'autres réformes achevées ou à venir comme celle des retraites ? Ou d'une démarche plus globale appelée à bouleverser de façon radicale les rapports entre l'Etat et les partenaires sociaux liés à une conception du dialogue social datant des années 1970 ? Face à un pouvoir qui affirme son hégémonie sur le terrain des transformations sociales, quid demain de l'interprofessionnel ou de l'action des syndicats hors du champ de l'entreprise ou de la branche ? Au vu de la situation présente, ces questions se posent et elles débordent amplement le cadre singulier de la réforme de la SNCF pour impliquer le dialogue social dans sa totalité.
Guy Groux
© Le Monde



1er juillet 2018

Une volonté de réduire les bastions syndicaux

Contestataires ou réformistes, les syndicats voient contester par le gouvernement leur rôle d'acteurs de la démocratie sociale, note l'universitaire Sophie Béroud

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Des spécialistes du syndicalisme au Royaume-Uni estiment que l'accélération des réformes néolibérales dans ce pays dans les années 1980-1990 et l'affaiblissement des liens entre les travaillistes du New Labour et les TUC, les syndicats traditionnels, ont créé un espace plus important pour les courants syndicaux contestataires (radical unionism). On peut s'interroger par contraste sur la situation française, alors que l'élection d'Emmanuel Macron a ouvert une période difficile pour tous les syndicats et que les espaces laissés à un " syndicalisme de lutte " comme à un syndicalisme à prétention " réformiste " semblent se restreindre de façon parallèle.
Il ne s'agit pas de figer des catégories et d'y enfermer les organisations : cela a d'autant moins de sens que ces dernières évoluent et qu'elles sont à comprendre de façon relationnelle. Cependant, l'évocation du Royaume-Uni n'a rien d'anodin : sommes-nous en train d'assister à l'équivalent de la grande offensive thatchérienne contre les syndicats britanniques et, en particulier, à sa bataille contre les mineurs ?
La volonté du gouvernement Philippe d'avancer très vite, avec tout d'abord l'achèvement de la profonde transformation du droit du travail et des institutions représentatives du personnel au travers des ordonnances, puis avec la réforme de la SNCF, semble aller dans ce sens. L'objectif d'affaiblir les syndicats engagés dans la contestation de ces mesures, en fermant toute possibilité de négociation, est manifeste : non seulement la mobilisation ne doit pas payer, mais les syndicats dits " contestataires " doivent en sortir affaiblis, y compris dans leurs derniers " bastions ".
Cette configuration politique crée des conditions nouvelles pour toutes les organisations syndicales. Du côté de la CGT comme de Solidaires – et par intermittence de FO –, acteurs centraux des résistances contre le démantèlement des acquis sociaux, la question est celle des conditions à réunir aujourd'hui pour obtenir une victoire. D'une certaine manière, les transformations au sein du champ politique leur posent problème et, en particulier, les difficultés des forces de la gauche radicale et communiste à travailler ensemble et à se faire entendre.
Solidarités à construireCette question des alliances est apparue de façon forte au cours de ce printemps 2018 : devant la difficulté à faire converger les luttes sectorielles, la tentation de construire des initiatives avec des forces politiques, à l'image de la manifestation du 26  mai, a pu apparaître comme une solution, tout en engendrant des tensions dans la CGT entre des militants communistes et ceux de La France insoumise. Comment aller plus loin, en effet, dans une mobilisation, alors que les premiers jours de grève à la SNCF ont été suivis de façon massive par les agents ? Cette question des alliances à reconstruire ne s'arrête pas aux relations avec les partis de gauche. La dureté des politiques menées soulève la question des coalitions possibles, avec des associations comme Attac ou la Fondation Copernic, pour faire entendre un discours alternatif à la doxa dominante, pour aider à populariser une mobilisation.
Alors que le gouvernement cherche à enfermer ces syndicats contestataires, et en particulier la CGT, dans un bras de fer destiné à les affaiblir et à les isoler, ils doivent faire face à plusieurs enjeux. Le premier est celui de leur redéploiement au sein du salariat, pour sortir des seules grandes entreprises et s'implanter plus fortement dans des secteurs d'activité précarisés. Le deuxième concerne leur fonctionnement interne – c'est le cas à la CGT, mais aussi à Solidaires – pour dépasser les cloisonnements liés aux champs professionnels et produire des solidarités transversales (qui se manifestent aussi dans les soutiens aux luttes).
Enfin, la question des revendications mises en avant, susceptibles de construire ces solidarités, constitue un sujet crucial, comme le montre la grève à la SNCF. De ce point de vue, et alors même que cet écueil avait déjà été repéré lors des mobilisations contre la privatisation de France Télécom et contre la transformation en société anonyme d'EDF, l'assimilation de la lutte des cheminots CGT à la seule défense de leur statut n'aide pas à désenclaver la mobilisation.
Du côté d'organisations comme la CFDT ou l'UNSA qui mettent en avant leur attachement au dialogue social, la situation actuelle n'est pas non plus très favorable, tant le gouvernement semble réduire la démocratie sociale au niveau national et interprofessionnel à la portion congrue. Certes, la CFDT a été consacrée première organisation par la dernière mesure de représentativité dans le secteur privé, en mars  2017. Le fait d'améliorer ses résultats électoraux lors des élections dans les fonctions publiques à l'automne 2018 conforterait sa position, ce qui s'est traduit par son implication tactique dans les mobilisations menées par les fonctionnaires ces derniers mois.
Mais quel sera le sens de ce leadership si le gouvernement accorde peu de place aux interlocuteurs sociaux dans la fabrique de ses politiques ? De plus, et comme dans les autres organisations – on pense ici à la CFE-CGC ou à la CFTC –, les équipes de la CFDT sont confrontées dans les entreprises à l'émergence d'une forme de représentation syndicale de plus en plus intégrée à l'ordre managérial, qui peut heurter leurs pratiques, ce qui pourrait entretenir des tensions internes.
Sophie Béroud
© Le Monde


1er juillet 2018

Reconstituer du collectif

Les confédérations doivent apprendre à gérer autrement le pluralisme et à retrouver les lieux où les salariés travaillent, estime le politologue Jean-Marie Pernot

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Etre puissant, c'est se rendre incontournable. Que ce soit par la lutte ou par la coopération, les syndicats français se sont jusque-là montrés impuissants à s'opposer à la vague Macron et, surtout, à mobiliser ceux qui, dans un passé encore récent, manifestaient à leur appel. Mais, au-delà de ce moment où l'arrogance des gouvernants ne laisse pas beaucoup d'espace à l'objection, les questions posées au syndicalisme en France s'inscrivent dans une perspective plus longue et plus large.
Plus large, en effet, car, comme pour beaucoup de sujets économiques et sociaux, il convient de situer le syndicalisme en France dans son environnement européen. De manière différente selon les pays, l'affaiblissement des syndicats est général et, parfois, considérable sur les quinze ou vingt dernières années. Le syndicalisme français n'est donc pas l'homme malade d'une Europe syndicale où tout irait bien, il est à l'unisson d'une tendance, il l'amplifie parfois avec ses caractères propres bien connus : nombre d'adhérents stable, mais à un niveau très faible, une forte intégration institutionnelle, un manque d'indépendance financière, etc. Enfin, sa capacité à peser dans le débat national en faisant vivre les références au service public, aux inégalités et aux politiques sociales en général, est en très net recul ces dernières années.
Il convient cependant de se départir d'un certain catastrophisme, car, sur d'autres plans, le syndicalisme n'enregistre pas que des échecs. Les syndicats sont, malgré tout, présents dans beaucoup d'entreprises, ils y mènent des luttes légitimes et ils signent nombre d'accords locaux qui ne semblent pas pénaliser la compétitivité, le tout, dans un contexte dont le moins qu'on puisse dire est qu'il ne leur est pas favorable.
Si les pressions du contexte sont nombreuses, il ne faut pas négliger la contribution que les syndicats français apportent eux-mêmes à leur affaiblissement. Les années à venir devraient les contraindre à plusieurs changements, on se contentera d'en souligner deux, majeurs selon nous.
Gestion passive de la segmentationSi la dispute porte sur ce qui doit l'entourer, l'opinion commune semble accepter comme allant de soi le primat de la négociation d'entreprise. Mais de quelle entreprise s'agit-il ? En une trentaine d'années, le " travailleur collectif " qu'était l'entreprise a explosé : les salariés liés par leur contrat de travail à l'entreprise sont souvent minoritaires parmi le grand nombre de prestataires, intérimaires, CDD, stagiaires. Les trois quarts des entreprises sont dans un rapport de sous-traitance, soit donneur d'ordre, soit preneur d'ordre ou le plus souvent les deux. L'externalisation et la sous-traitance ont transformé l'entreprise en palais des courants d'air.
La soi-disant négociation d'entreprise concerne en réalité les seuls travailleurs liés par contrat au donneur d'ordre principal et à quelques gros sous-traitants. Elle engendre dans les faits une sorte de corporatisme limité au sommet de la chaîne de valeur. Sauf à entériner la nouvelle division du travail capitaliste, les syndicats doivent impérativement recomposer des logiques inclusives du salariat et rompre avec cette gestion passive de la segmentation. La branche n'est plus le lieu déterminant de cette solidarité, la chaîne de valeur et le territoire définissent désormais l'espace de constitution des communautés d'action.
Un effort de réorganisation avait été opéré au début du XXe  siècle lorsque le machinisme avait transformé la fabrique en une entreprise moderne, lieu d'une solidarité organique nouvelle entre travailleurs, ainsi que le relevait Emile Durkheim dans sa thèse (1893). La CGT avait su alors redéfinir ses espaces internes : ses syndicats ne se sont plus organisés par métiers mais en fonction du produit auquel ils concouraient (le bâtiment, la métallurgie, etc.). La recomposition actuelle de l'organisation et de la division du travail rend impérative une redéfinition globale des lieux de la négociation collective et des structures syndicales (syndicats de base, fédérations, unions locales). Or les syndicats en sont loin, cramponnés à leurs sections ou leurs syndicats d'entreprise et à des fédérations professionnelles totalement dépassées.
Reconstituer du collectif est un enjeu partagé par tous les syndicats d'Europe. Ce qui est spécifique à la France, c'est la guerre de tous contre tous entre un nombre sans cesse croissant d'organisations, toutes aussi bardées de certitudes. Chaque centrale syndicale pense que c'est dans la distinction vis-à-vis de ses concurrentes qu'elle va retrouver de l'espace. C'est une impasse, chacun peut en voir le résultat : l'image des syndicats s'est dégradée depuis 2012, c'est-à-dire après l'explosion de l'unité syndicale que Nicolas Sarkozy avait créée contre lui. Quand il y a eu des mouvements victorieux, c'est qu'ils ont été conduits dans l'unité jusqu'au bout.
Les syndicats n'intéressent plus le gros des travailleurs qui n'ont cure de ces affrontements permanents attisés par les doctrinaires de chaque camp. Mieux vaudrait prendre appui sur les relations unitaires qui existent ici ou là – elles ne sont pas partout mauvaises – et reprendre par le bas des démarches qui ne supposent pas d'être d'accord sur tout mais de privilégier ce qui fait cause commune. Il ne s'agit pas de faire disparaître par enchantement les divergences bien réelles mais de gérer autrement le pluralisme. La sortie du marasme sera solidaire entre les syndicats : sans rupture avec l'état actuel de leurs relations, il n'y a aucun espoir de retrouver un crédit auprès du grand nombre des travailleurs.
Jean-Marie Pernot
© Le Monde


1er juillet 2018

Sur le terrain, des relations sociales riches

Dans les entreprises, toutes les organisations syndicales signent de nombreux accords sur une large palette de sujets, rappelle Fabrice Romans, spécialiste du temps de travail

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Trains à l'arrêt, quais bondés, pneus brûlés, chemise arrachée  : les images spectaculaires véhiculées ces dernières années sont loin de refléter les relations entre employeurs et syndicats dans toute leur diversité. Qui prend la peine de se pencher sur les chiffres de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) – le service statistique du ministère du travail – découvre que, chaque année, dans le secteur privé, ce sont 50  000 accords qui sont signés entre les directions des entreprises et les représentants de leurs salariés.
En  2016, la CGT a signé 84 % des accords conclus dans les entreprises où elle est représentée par un délégué syndical, la CFDT 94 %. Et, même si c'est difficile à concevoir pour un usager de trains de banlieue, les derniers chiffres (2017) de l'enquête Reponse (Relations professionnelles et négociations d'entreprise) de la Dares montrent une tendance à la baisse des formes de conflits collectifs sur le lieu de travail.
Pour questionner la légitimité des syndicats, certains mettent en avant la faiblesse du taux de syndicalisation –  11  % de salariés français adhéraient à un syndicat en  2013, soit tout de même environ 2,5 millions de personnes, public et privé confondus –, mais omettent parfois d'indiquer que la légitimité des syndicats n'est pas fondée en droit sur le nombre de leurs militants, mais bien sur leurs résultats aux élections professionnelles. Ainsi, de 2014 à 2016, dans les établissements de plus de 10 salariés du secteur marchand et associatif, plus de 6 salariés sur 10 ont voté à au moins une élection de représentants du personnel.
Syndiqués ou non, plus de 600 000 représentants du personnel, dont près de 40 % de femmes, légitimés par un vote, ont pour engagement de porter les aspirations et les revendications de leurs collègues.
De nettes marges de progrèsAu niveau des branches professionnelles, les syndicats négocient les conventions collectives, qui couvrent 90 % des salariés. Dans les entreprises, les représentants du personnel participent aux réunions d'instances (comité d'entreprise, comité social et économique…), aux négociations collectives (sur les salaires, l'égalité femmes-hommes…), et, très souvent, à des discussions plus informelles avec leurs directions. Les sujets le plus souvent évoqués lors de ces discussions sont ceux qui concernent le quotidien des salariés  : horaires, plannings, tensions individuelles ou collectives, conditions de travail, sécurité…
Elections, négociations, discussions, accords signés  : ces données, qui montrent une certaine vigueur du dialogue social dans au moins une partie des entreprises, laissent toutefois apparaître de nettes marges de progrès. Si des instances représentatives du personnel existent dans la quasi-totalité des grandes entreprises, c'est loin d'être le cas dans les petites  : malgré l'obligation légale d'y organiser des élections, dans plus d'un établissement sur deux comptant 11 à 19  salariés, les salariés ne disposaient en  2017 d'aucun représentant.
Et plus généralement, même lorsqu'un représentant du personnel est présent dans l'établissement, dans 38  % des cas, celui qui est interrogé dans l'enquête Reponse nous indique que, selon lui, il n'y a pas suffisamment de candidats. La première explication avancée par ces représentants pour expliquer ce phénomène est l'individualisme et le désintérêt des salariés, même si d'autres raisons sont parfois citées : difficulté de concilier travail et fonctions représentatives, peur des représailles de la part de la direction, manque d'information.
Cette difficulté à impliquer les salariés dans les relations sociales de leur entreprise se traduit par une baisse constatée ces dernières années de la participation de ceux-ci aux élections professionnelles et de leur participation à des actions organisées par les représentants du personnel (réunions, manifestations, pétitions…). Au-delà des diagnostics parcellaires et des clichés habituels, l'observation des relations dans les entreprises françaises brosse ainsi le tableau contrasté d'un dialogue social consistant mais qui peine à impliquer les premiers concernés, à savoir les salariés.
Fabrice Romans
© Le Monde

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