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lundi 2 juillet 2018

La dureté de Trump face à l'Iran pèse sur le pétrole


1er juillet 2018

La dureté de Trump face à l'Iran pèse sur le pétrole

En isolant Téhéran sur le plan pétrolier, Washington fait grimper les prix. Le baril a atteint 79 dollars vendredi

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Tout ça pour ça ! Les délégués de l'OPEP avaient mis tout leur talent de négociateurs dans la bataille pour parvenir à un accord. Vendredi 22 juin,l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), bientôt suivie par son allié russe, annonçait une hausse modérée de la production pour stabiliser les prix du pétrole.
Un accord obtenu sous pression du président américain, Donald Trump, qui avait accusé l'OPEP, à grands coups de Tweet rageurs, de maintenir " artificiellement  élevés "les prix du pétrole. Certes, l'accord n'était pas très explicite, mais il donnait carte blanche à l'Arabie saoudite, notamment, pour augmenter sa production dans le but d'équilibrer le marché.
Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Après sa sortie tonitruante de l'accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a affiché sa volonté d'exercer une pression maximale sur Téhéran. Or l'Iran, troisième pays producteur de l'OPEP, a une économie très dépendante des hydrocarbures. Mardi 26 juin, un responsable du département d'Etat américain a ainsi déclaré à des journalistes que tous les pays se devaient d'arrêter totalement leurs importations de pétrole iranien d'ici au 4 novembre, s'ils veulent éviter les sanctions américaines. Des déclarations qui ont eu un impact immédiat sur un marché pétrolier déjà tendu.
Les Etats-Unis ont déjà prévenu un certain nombre de pays importateurs d'or noir iranien, comme le Japon, la Corée du Sud ou l'Inde, qu'ils devaient agir immédiatement pour que les achats soient totalement stoppés au 4  novembre. Lors du dernier embargo américain et européen sur l'Iran, plusieurs pays avaient obtenu des exemptions spécifiques. La Chine et l'Inde n'avaient jamais cessé leurs importations. " C'est une de nos principales priorités de sécurité nationale. Je n'irai pas jusqu'à dire zéro exemption de manière définitive, mais la position est bien que nous n'octroyons pas d'exemptions ", a prévenu ce responsable du département d'Etat.
La donne est différente, et la ligne américaine bien plus dure. Les conséquences sont déjà palpables : selon l'agence Reuters, l'Inde, plus gros acheteur de pétrole iranien, prépare un plan d'urgence pour arrêter rapidement ses importations. Plusieurs raffineries et banques européennes ont annoncé se désengager. Les pétroliers européens ne sont pas prêts à risquer des sanctions américaines pour pouvoir continuer à commercer avec Téhéran. " L'Etat français, lui, pourrait importer, s'assurer lui-même, ouvrir un compte à la Banque de France pour un armateur grec sans intérêts aux Etats-Unis ", fantasme un dirigeant du secteur. Mais cette option paraît bien peu réaliste.
Les Chinois, très gros consommateurs, vont-ils continuer à importer du pétrole iranien ? Plusieurs experts estiment que Pékin, qui fait face à une guerre commerciale lancée par Washington, pourrait faire payer son alignement sur le sujet. " Si c'est une priorité absolue pour les Etats-Unis, la question pour les Chinois sera : que peuvent-ils obtenir s'ils jouent le jeu des Américains ? ", s'interroge un cadre pétrolier.
Mais la conséquence de cette ligne dure peut déjà se lire dans les prix du pétrole : alors que les prix semblaient connaître une certaine stabilité autour de 74  dollars (63 euros) après l'accord trouvé à Vienne par l'OPEP, la tendance est de nouveau orientée à la hausse. Vendredi, le baril a atteint 79  dollars, l'un de ses niveaux les plus hauts depuis trois ans.
Et pour cause : la perte de centaines de milliers de barils de pétrole iranien vient s'ajouter à d'autres difficultés majeures. En premier lieu, la déroute du Venezuela se poursuit. Le pays a perdu 700 000 barils par jour en un an, et la crise économique et politique se poursuit. Le régime vénézuélien semble incapable de reprendre la main sur la production de la compagnie nationale PDVSA. Mercredi, onze cadres de l'entreprise ont été arrêtés pour " sabotage ", quelques jours après que le ministre du pétrole a promis un retour rapide à un niveau de production élevé.
Excès de confianceDans le même temps, la situation s'est envenimée en Libye, où la guerre fait rage dans le croissant pétrolier entre forces loyales au gouvernement de Tripoli et partisans du maréchal Haftar. Vendredi, la compagnie pétrolière nationale libyenne, la NOC, a annoncé que le blocage des ports porterait la perte à 800 000 barils par jour, soit la quasi-totalité de la production du pays.
L'ancienne conseillère de George Bush, Meghan O'Sullivan, estime, dans une tribune à Bloomberg le 28 juin, que la stratégie de Trump de s'en prendre dans le même temps à l'Iran et au Venezuela à un moment de tension sur les marchés illustre l'excès de confiance du président américain : " Trump a renforcé la pertinence de l'OPEP, alors que le sens même du cartel était remis en question. Compte tenu de son animosité historique vis-à-vis de l'OPEP, le résultat n'était certainement pas prévu. "
Surtout, cela éloigne Donald Trump de son objectif affiché : faire baisser les prix du pétrole, pour entraîner une baisse des prix des carburants aux Etats-Unis, alors que les Américains s'apprêtent à faire des centaines de milliers de kilomètres en voiture cet été. Et qu'à leur retour, ils entreront de plain-pied dans la campagne pour les élections de mi-mandat au Congrès.
Nabil Wakim
© Le Monde


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