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dimanche 29 juillet 2018

La croissance manque toujours de ressort


28 juillet 2018

La croissance manque toujours de ressort

En France, le PIB a progressé de 0,2 % au deuxième trimestre, un rythme égal à celui du trimestre précédent

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ACCORD TRUMP-JUNCKER : L'EUROPE DIVISÉE
L'accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne annoncé par le président américain, Donald Trump, et le patron de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, crée des lignes de faille en -Europe. Jeudi 26 juillet, à Madrid, Emmanuel Macron a jugé " utiles " les discussions menées la veille entre M. Trump et M. Juncker. Toutefois, il a prévenu qu'il n'était " pas favorable à ce que nous nous lancions dans la négociation d'un vaste accord commercial, à la manière du TTIP - le traité de libre-échange transatlantique - , parce que le contexte ne le permet pas ", réaffirmant son opposition à y inclure l'agriculture. De son côté, l'Allemagne, dont les excédents commerciaux record se trouvent dans le collimateur de la politique protectionniste de M. Trump, a fait part de son satisfecit.
L'économie française va-t-elle sortir de sa torpeur ? D'après les estimations de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), rendues publiques vendredi 27  juillet, elle peine en tout cas à retrouver un plan de vol. Après une année 2017 achevée sur un rythme élevé (+ 0,7 % aux troisième et quatrième trimestres), l'activité avait nettement ralenti à 0,2 % en début d'année. Entre mars et juin, l'accélération espérée ne s'est pas produite et le produit intérieur brut (PIB) a progressé au même rythme (+ 0,2  %) au deuxième trimestre qu'au premier. C'est un dixième de point de moins que ce qui était anticipé par les prévisionnistes. Une mollesse qui risque d'obliger le gouvernement à revoir ses calculs.
Malgré les résultats décevants du premier semestre, il mise en effet toujours sur une croissance de 2  % cette année. Une dynamique censée permettre au déficit public d'avoisiner les 2,3  %. Mais, même si le trou d'air est " désormais derrière nous ", comme l'affirmait, peut-être un peu hâtivement, le 18  juillet, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, devant la commission des finances de l'Assemblée, l'horizon est loin d'être dégagé. L'Insee, dans sa dernière note de conjoncture, estimait la progression annuelle de l'activité à 1,7  %. Bien moins que les 2,3  % enregistrés en  2017.
Cause de cette inflexion : l'anémie de la consommation des ménages. Après avoir crû de 0,2  % au premier trimestre, elle vire dans le rouge au deuxième (- 0,1 %). Une évolution probablement due à la contraction du pouvoir d'achat. " En janvier, elle était liée à la hausse de la fiscalité, rappelle Stéphane Colliac, d'Euler Hermes. Mais, au deuxième trimestre, elle s'explique davantage par l'inflation, qui a atteint son niveau le plus élevé depuis 2012 du fait de la hausse du prix du pétrole. "
Les économistes tablent toutefois sur unrebond des dépenses des Français à la fin de l'année. Les ménages, qui ont dû puiser dans leur épargne, devraient voir la hausse de la contribution sociale généralisée enfin compensée par l'entière suppression des cotisations salariales à l'automne.
Moral plombéCertains bénéficieront aussi de la réduction de la taxe d'habitation. " Mais il faut reconnaître, note Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, que l'environnement international est beaucoup moins porteur qu'il y a six mois. "
Les incertitudes engendrées par les tensions commerciales entre les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne, couplées aux difficultés pour parvenir à un accord sur le Brexit, n'en finissent pas de plomber le moral des acteurs économiques. Et c'est compter sans le flou politique entretenu par la coalition populiste au pouvoir en Italie, qui fait craindre pour la soutenabilité de la dette du pays.
Résultat : bien qu'il reste très au-dessus de sa moyenne de long terme, l'indicateur du climat des affaires continue de piquer du nez depuis mars. Tous les secteurs sont concernés, à l'exception du bâtiment, généralement moins réactif aux soubresauts de l'activité. Les plus optimistes, convaincus de la solidité de la reprise, se rassurent en scrutant l'évolution des investissements. Alors qu'elles avaient marqué le pas au premier trimestre, les dépenses des entreprises ont en effet repris des couleurs, progressant de 1,1 % au deuxième trimestre après 0,1  %.
" Il n'y a pas de raison d'être -catastrophiste, estime Emmanuel Jessua, économiste chez CŒ-Rexecode, un think tank proche du patronat. On a assisté à un freinage, pas à un coup d'arrêt. Et les tensions qui persistent sur le marché du travail sont plutôt susceptibles de soutenir les investissements. " Le taux d'utilisation des capacités de production a baissé à 85,3  %, mais reste historiquement élevé. Ce qui devrait inciter les entreprises à s'équiper, d'autant qu'ayant reconstitué leurs marges sous le précédent quinquennat elles disposent encore de liquidités pour s'autofinancer. Financement également facilité par le bas niveau des taux d'emprunt.
Il faut donc s'attendre, selon -Stéphane Colliac, à un rebond de la production manufacturière. Cette dernière donnait des signes de faiblesse en début d'année, mais " dans le secteur automobile, par exemple, les nouvelles immatriculations ont atteint des records en juin. Les constructeurs qui ont beaucoup déstocké en début d'année vont devoir se relancer. " Biens et services confondus, la production totale augmente de 0,2  % au deuxième trimestre, portée notamment par la construction.
La dynamique est également soutenue par l'investissement public. Il s'est relevé courant 2017 et devrait encore accélérer pour atteindre, selon les prévisions de l'Insee, une croissance annuelle de 2,4  %. " Les dépenses qui n'ont pas été faites ces dernières années le sont aujourd'hui dans des projets comme le Grand Paris ", souligne M. Colliac. Le vrai problème, selon l'analyste, c'est que l'économie française est guidée par un nouveau paradigme. " Historiquement, relève-t-il, c'est l'évolution de la consommation qui était le premier déterminant de la progression de l'activité. Elle représente encore aujourd'hui 55  % du PIB. Seulement, depuis 2017, ce sont les entreprises qui tirent la croissance. " Un renversement qui s'explique, depuis plusieurs années, par des politiques économiques et fiscales très favorables aux sociétés, beaucoup moins aux consommateurs.
Élise Barthet
© Le Monde

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