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dimanche 8 juillet 2018

Devant le Congrès, Macron cherche un nouvel élan .....


8 juillet 2018

Devant le Congrès, Macron cherche un nouvel élan

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 Emmanuel Macron doit tenir, lundi 9 juillet, un discours de politique générale devant le Parlement réuni en Congrès, un point d'orgue prévu tous les ans
 C'est l'occasion pour le chef de l'Etat de rassurer sa majorité alors que sa popularité s'érode, même si un tiers des Français le soutiennent toujours
 Les députés de la majorité sont nombreux à réclamer un virage social, alors que le président entend gouverner à droite pour fracturer l'opposition
 Emmanuel Macron devrait souligner les réformes engagées, donner sa vision de l'état du pays et de l'Europe, avant d'en dessiner les perspectives
 Le discours, suivi d'un débat sans vote, hérisse une partie des parlementaires, qui dénoncent cet exercice " monarchique "
Pages 6-7
© Le Monde




8 juillet 2018

Un Congrès pour tenter de se donner un nouvel élan

Emmanuel Macron prendra la parole devant les parlementaires lundi pour expliquer sa politique et essayer de se sortir d'une mauvaise séquence

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Une heure pour convaincre. Alors qu'il fait face à une défiance inédite dans les enquêtes d'opinion, Emmanuel -Macron tiendra, lundi 9 juillet à 15 heures, un discours de politique générale lors du Congrès du Parlement, exceptionnellement réuni dans l'aile du Midi du château de Versailles. Quelque 900 députés et sénateurs viendront l'écouter, même si les élus de La France -insoumise (LFI) ainsi qu'une petite partie de ceux des Républicains (LR) ont annoncé qu'ils boycotteraient l'événement, dénonçant un exercice de " monarque " où les parlementaires sont réduits à l'état de " pots de fleurs de la communication présidentielle ".
C'était une promesse d'Emmanuel Macron lors de la campagne : réunir chaque année les chambres de l'Assemblée nationale et du -Sénat pour leur faire un point sur l'avancement de son mandat. " Tous les ans, je reviendrai devant vous pour vous rendre compte ", avait-il confirmé lors de sa première allocution à Versailles, le 3 juillet 2017. Une pratique directement inspirée des Etats-Unis et du discours sur l'état de l'Union prononcé chaque année à Washington, au cours duquel le président américain présente son programme pour l'année aux membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Son intervention sera suivie d'un débat entre les groupes, sans vote final.
Depuis plusieurs semaines, -Emmanuel Macron travaille son discours. Outre sa plume Sylvain Fort et sa garde rapprochée à l'Elysée, le chef de l'Etat consulte beaucoup. Mercredi 4 juillet, plusieurs députés ont été encore invités au Château pour échanger avec des conseillers sur le sujet. " Mais le président écoute plus qu'il ne dit ce qu'il va faire ", assure l'un des habitués de ces discussions. Selon son entourage, M. Macron devrait rester enfermé tout le week-end dans la résidence de la Lanterne, à Versailles, afin de peaufiner son texte. " Il y sera seul puisque c'est un lieu où les conseillers ne sont pas autorisés ", souffle un proche.
" Pas un catalogue La Redoute "A quarante-huit heures de l'événement, difficile de savoir ce que dira le chef de l'Etat. Beaucoup tablaient sur des annonces en matière de lutte contre la pauvreté. Mais l'Elysée a indiqué, mercredi, que le plan porté par Agnès Buzyn, la ministre des solidarités, ne sera présenté qu'à la rentrée. Il pourrait toutefois évoquer sa philosophie en la matière. En revanche, M. Macron devrait confirmer la tenue d'un sommet social avec les syndicats et le patronat le 17 juillet, pour " évoquer la suite des grandes transformations -sociales ", a indiqué le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, à l'issue du conseil des ministres, qui se tenait exceptionnellement vendredi.
D'autres s'attendent à des précisions à propos de la révision de la Constitution, qui concerne directement les parlementaires. -Emmanuel Macron devrait aussi rappeler la logique des réformes qui ont été lancées depuis un an, en insistant notamment sur le dédoublement des classes de CP, la plus consensuelle de ses mesures. " Le président va faire un bilan, dire l'état du pays, rappeler ce qui a été fait. Et donner les perspectives,avance Bruno Roger-Petit, le porte-parole de l'Elysée. Mais il ne s'agira pas d'un catalogue La Redoute. Il doit porter un discours de sens, être dans le réel, le concret. Dire ce qu'on a changé et ce qu'on veut encore changer. "
" Les Français ont perçu une succession de transformations. Il y a un lien entre elles : les réformes de la formation et de la SNCF, par exemple, visent toutes deux à permettre une société de la mobilité. Je pense que le président va rappeler la cohérence de cette action ", abonde Gabriel Attal, député (LRM) des Hauts-de-Seine. " Quoi qu'on en dise, on n'a pas trouvé mieux que Macron pour raconter le macronisme ", veut croire un autre parlementaire.
Avec ce moment très solennel, les partisans d'Emmanuel Macron entendent aussi montrer qu'il y a toujours un capitaine à la tête du navire, malgré les soubresauts et les vicissitudes de l'actualité. " Il y a dans le pays une demande d'autorité voire de bonapartisme qui ne faiblit pas. La mise en scène du discours du Congrès peut être l'un des moyens d'y répondre ", -estime un député de la majorité. " La parole du président de la République doit scander la marche, et la solennité qu'il y a à Versailles en fait en soi un moment républicain ", reconnaît-on à Matignon.
Seule certitude, ce discours intervient à un moment difficile pour Emmanuel Macron. Depuis plusieurs semaines, le chef de l'Etat accumule les mauvaises séquences et voit sa popularité atteindre un étiage inédit. Selon une étude Kantar Sofres publiée le 6 juillet, seulement 32 % des Français lui font désormais confiance, un recul de six points en un mois et de douze points par rapport au début de l'année. Depuis 1981, seul François Hollande a fait pire, avec 27 % à ce stade de son mandat. Autre -signe inquiétant, les trois quarts des Français estiment aujourd'hui que la politique menée par l'exécutif est injuste, selon un sondage Elabe dévoilé le même jour, et 66 % qu'elle ne permettra pas d'améliorer la situation du pays.
Outre l'accumulation de faux pas de communication (la vidéo sur le " pognon de dingue ", les remontrances à un collégien, la blague sur la " mafia des Bretons "…), c'est surtout l'absence de résultats tangibles après quatorze mois de mandat qui expliquerait ce " décrochage affectif ", selon des proches du chef de l'Etat. " Au-delà des histoires de jambes gauche et droite, on parle beaucoup de transformations qui n'ont pas encore produit leurs effets ", développe Philippe Grangeon, membre du bureau exécutif de LRM et visiteur régulier d'Emmanuel Macron.
" Trente ans d'incurie "Au sein de la majorité, certains élus pointent ainsi avec appréhension la résistance du Rassemblement national (ex-Front national) dans les intentions de vote. Selon un sondage IFOP publié le 29 juin, 19 % des Français disent ainsi avoir l'intention de voter pour la liste RN aux élections européennes de 2019 et 23 % pour LRM. " En province, personne ne me parle de la jambe gauche du gouvernement, mais certains disent qu'on n'a rien fait et qu'ils votent toujours Le Pen. Un an après l'élection, c'est un fait, on n'a pas réparé trente ans d'incurie ", met en garde un membre du gouvernement.
Jusqu'ici, le camp d'Emmanuel Macron se rassurait en affirmant que " le socle n'est pas fissuré ". Comprendre : les électeurs d'Emmanuel Macron du premier tour de la présidentielle sont toujours là. C'est ce que montraient en tout cas il y a encore peu de temps les études d'opinion, où les sympathisants de LRM sont les plus enthousiastes quant aux réformes de l'exécutif. Mais certains pointent des " signaux faibles "préoccupants. Selon l'IFOP, les électeurs macronistes du 23 avril 2017 ne sont ainsi plus que 66 % à dire qu'ils voteront LRM aux européennes. Soit une perte d'un tiers des électeurs macronistes en un an. De quoi donner des sueurs froides aux stratèges de la majorité.
Virginie Malingre et Cédric Pietralunga
© Le Monde

8 juillet 2018

Une popularité présidentielle qui s'érode à gauche comme à droite

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Ces derniers mois, Emmanuel Macron a été un objet d'étude inédit pour les sondeurs. Contrairement à ses prédécesseurs, impopulaires après quelques mois d'exercice du pouvoir, le président de la République résistait dans les études d'opinion. Il arrivait à maintenir une cote de popularité honnête des deux -côtés de l'échiquier même si sa politique était perçue plus à droite qu'à gauche. Depuis quelques semaines, les sondages racontent une autre histoire, un peu moins originale. Emmanuel Macron plaît moins aux sympathisants socialistes. Et s'il séduit encore dans les rangs de droite, certains sondages récents montrent une érosion parmi cet électorat.
Certes, le socle électoral du chef de l'Etat est solide, comme se plaît à le répéter son entourage. Tous les sondages le disent : près de 80  % de ceux qui ont voté pour lui au premier tour du scrutin présidentiel de 2017 (24,01  % des votants) lui restent acquis. Mais le centre de gravité de ce socle a évolué. Aujourd'hui, explique Chloé Morin, directrice de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean-Jaurès, " près de 70  % des électeurs du premier tour d'Emmanuel Macron se déclarent de centre ou de centre-droit ". C'est bien plus que le 23  avril 2017, quand plus de la moitié d'entre eux étaient issus des rangs socialistes.
Par ailleurs, Emmanuel Macron reste populaire auprès d'un peu plus d'un tiers des Français. Un score certes en baisse, qui se rapproche du creux de l'été 2017, mais qui ne marque pas non plus un effondrement. " Au même moment de leur quinquennat, Nicolas Sarkozy faisait à peu près autant, François Hollande avait plus baissé, commente Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise de l'IFOP. Ça n'est donc pas si mal, mais l'état de grâce s'est dissipé. "
S'ils n'ont pas déserté, les sympathisants socialistes s'éloignent doucement. Selon le baromètre Ipsos-Le Point publié le 27  juin, 35  % d'entre eux restent favorables à Emmanuel Macron, contre près de 44 % deux mois plus tôt. La promesse présidentielle du " en même temps " a perdu de sa crédibilité à leurs yeux. Et ils apprécient peu l'exercice très vertical du pouvoir élyséen, en contradiction avec les promesses d'horizontalité. " Notre histoire, c'est une histoire de commando dans la conquête, mais on ne peut pas gérer la France comme un commando ", admet un intime du président.
" Attentistes "" Les Français retiennent plus la baisse de l'ISF, la “flat tax” sur les revenus du patrimoine, ou la baisse de l'impôt sur les sociétés que la réforme de la formation ou le dédoublement des classes de CP, expliqueBrice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos. Ils ont aussi le sentiment que la politique du gouvernement profite immédiatement aux riches quand eux doivent attendre avant d'en voir les résultats. "" Pour les personnes de gauche, -l'expression “président des riches” colle à Macron,admet un ministre. Les Français qui ne sont plus attentistesnous quittent.Il faut qu'on se réapproprie le “en même temps”. Si on pense que le “en même temps” ça ne marche plus, on est mort. "
A droite, en revanche, la politique d'Emmanuel Macron plaît. Selon le baromètre Ipsos-Le Point, 44  % des sympathisants Les Républicains (LR) avaient en juin un jugement favorable sur le président (29 % en mai). Sauf que certains sondages plus récents montrent une baisse très nette à droite. Dans l'enquête Kantar Sofres-OnePoint publiée dans Le FigaroMagazine vendredi, le chef de l'Etat voit sa cote de confiance baisser de 6 points au sein de l'électorat LR et de 12 points chez les retraités. Sans doute en partie à cause de cette photo où l'on voit le président poser avec des danseurs transgenres à l'Elysée le soir de la Fête de la musique ou à cause des craintes des plus de 50 ans sur l'avenir des pensions de réversion… " La grande chance d'Emmanuel Macron, c'est qu'il n'y a pas d'offre politique crédible, commente un ancien membre de son équipe de campagne. Mais ça ne durera pas éternellement. "
V. M.
© Le Monde


8 juillet 2018

Des députés réclament un virage social

Une partie de la majorité LRM appelle le chef de l'Etat à contrebalancer la " politique de droite "

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DES PARLEMENTAIRES N'IRONT PAS AU CONGRÈS
Les députés du groupe La France insoumise et quelques autres du parti Les Républicains, tels Fabien Di Filippo, Pierre Cordier et Julien Dive, boycotteront le Congrès afin de ne pas cautionner ce qu'ils considèrent comme une opération de communication du chef de l'Etat. S'il reste tel quel, le nombre d'absents devrait cependant être inférieur à celui du 3 juillet 2017. Au total, 55 parlementaires avaient boudé la première intervention d'Emmanuel Macron à Versailles, dont l'ensemble des élus communistes, qui assisteront cette année au discours. Leurs présidents de groupe à l'Assemblée et au Sénat, André Chassaigne et Eliane Assassi, n'honoreront cependant pas l'invitation à déjeuner du chef de l'Etat, lundi, de même que les présidents des groupes parlementaires LR et les députés PS membres du bureau de l'Assemblée.
Le cercle de ceux qui trouvent que le compte n'y est pas s'élargit. Un an après l'accession d'Emmanuel Macron à l'Elysée, une partie des députés La République en marche (LRM) déplorent un déséquilibre à droite de la politique menée par le chef de l'Etat et pressent ce dernier de rectifier le tir, avant le discours qu'il doit prononcer, lundi 9  juillet, devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles.
" J'appelle à un rééquilibrage de la politique menée depuis un an, en faveur d'une politique sociale plus affirmée ", écrit ainsi le député macroniste du Doubs Frédéric Barbier dans une tribune au Monde, jugeant " urgent " de " bâtir un projet global, cohérent et ambitieux " en matière de lutte contre l'exclusion et la pauvreté. " Il manque pour l'instant une véritable colonne vertébrale à un projet social mobilisateur, fédérateur, transformateur pour notre pays ", regrette cet ancien élu socialiste. Un appel en forme de cri du cœur, qui s'inscrit dans le constat dressé, il y a un peu plus d'un mois, par les trois économistes ayant inspiré le programme d'Emmanuel Macron. Dans une note confidentielle adressée le 4  juin à l'Elysée et révélée par Le Monde, Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry tiraient la sonnette d'alarme au sujet " d'un pouvoir indifférent à la question sociale ".
Une crainte exprimée depuis plusieurs mois à mezza voce dans la majorité, alimentée à la fois par les menaces de coupes dans les aides sociales ou la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune. Sauf que cette fois, certains élus macronistes osent exprimer leurs critiques et leurs attentes publiquement. " Il faut qu'on donne une dynamique et une lisibilité supplémentaire aux questions sociales et environnementales. Nous devons mener des réformes plus ambitieuses dans ce domaine ", juge ainsi le député LRM de l'Isère Jean-Charles Colas-Roy.
" On est à un tournant "Pour son collègue, Jean-Louis Touraine, l'action du gouvernement doit davantage incarner la promesse du " en même temps " sur laquelle M. Macron a été élu, en renforçant la politique visant à " protéger " les Français face à celle de " libérer "l'économie. " On entend dans le pays une demande d'équilibre ", souligne le député du Rhône, estimant que l'exécutif doit appliquer " des mesures de gauche " pour contrebalancer la " politique de droite " déjà à l'œuvre. Ce dernier fait partie du " pôle social " du groupe majoritaire, fort d'une trentaine d'élus LRM, qui ont décidé de se regrouper, depuis novembre 2017, afin de plaider pour une politique davantage portée sur la défense des plus démunis. A leur tête, la députée Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales, qui ne cesse de réclamer un virage de la part de l'exécutif depuis le début du quinquennat. Jeudi, elle a appelé M.  Macron à définir devant le Congrès " le cadre de la transformation de notre modèle social ", après le report à la rentrée du plan pauvreté.
Ces dernières semaines, ce message a été relayé par d'autres élus du groupe LRM, au-delà du pôle qu'elle anime. Comme si l'inquiétude faisait tache d'huile au sein de la majorité, alors que M. Macron avait promis de déployer en  2018 " un grand projet social ". Dans un entretien à L'Obs publié le 19  juin, le député LRM de Paris et vice-président de l'Assemblée nationale, Hugues Renson, a ainsi jugé nécessaire de " porter une ambition sociale renouvelée " lors du " deuxième temps du quinquennat ", après " l'urgence " de la première année, où il s'agissait de " créer des richesses ".
A leur tour, des historiques de la campagne d'Emmanuel Macron, tels Sacha Houlié, Aurélien Taché, Pierre Person ou Guillaume Chiche, préconisent de mieux définir le macronisme, de façon à mettre en avant la jambe gauche du projet, après une première année de mandat où s'est installée l'idée que le chef de l'Etat était " le président des riches ". " Notre réflexion vise à mieux valoriser notre politique sociale ", résume M. Houlié. " On est à un tournant, estime une membre du pôle social, la députée du Bas-Rhin Martine Wonner. Il y avait un vrai challenge la première année à mettre en place les réformes sur le monde du travail. Au bout d'un an, ceux qui viennent de la gauche et du PS ont envie que les problématiques sociales soient réellement prises en compte. "
D'autant que ce déséquilibre est confirmé par les sondages. 76 % des Français estiment que la politique menée par M. Macron est " injuste et que les efforts ne sont pas répartis équitablement selon les capacités de chacun ", d'après un sondage Elabe paru jeudi. Alors que le couple exécutif se trouve en chute quasi continue dans les études d'opinion depuis le début de l'année, l'entourage du chef de l'Etat a bien identifié ce point faible. " Le message président des riches est inscrit à gauche, se désole un proche de M. Macron. Tous les Français qui ne sont plus attentistes nous quittent. " Et les soutiens du président de la République se trouvent de plus en plus à droite. Selon Odoxa, 48 % des sympathisants Les Républicains disent aujourd'hui le soutenir contre 27  % seulement de ceux du Parti socialiste.
Une évolution jugée " dangereuse " par plusieurs députés LRM, qui craignent que le chef de l'Etat perde une grande partie des électeurs de gauche, sans avoir le soutien de ceux de droite le jour venu. " Les gens qui ont voté pour nous ne nous soutiennent plus. Et ceux qui nous soutiennent aujourd'hui ne voteront pas pour nous, car un électeur de droite préférera toujours l'original à la copie ", grimace un député macroniste.
Tous les députés ne partagent pas ce point de vue. " C'est une erreur de lecture, estime la porte-parole du groupe LRM Aurore Bergé.  La politique sociale est une politique émancipatrice, et nous le faisons par notre politique éducative, par le remboursement de 100 % des soins en santé, par la mise en place du Pass culture. " Au sein du gouvernement, on juge cette demande de rééquilibrage vouée à l'échec. " Si demain, on met un coup de barre à gauche, ça n'aura aucun effet dans l'opinion ", anticipe un ministre de poids, défaitiste, estimant que " flamber 5  milliards d'euros sur le social ne changerait rien à la perception globale ". Au contraire, la stratégie validée par les macronistes vise à poursuivre l'opération de fracturation de la droite. Au risque d'accroître le fossé entre l'exécutif et le groupe parlementaire. " Macron et Philippe sont convaincus de la nécessité de gouverner à droite, car ils partent du principe que le danger vient d'abord de là pour 2022, explique un élu LRM proche de l'Elysée. Le problème, c'est que deux tiers de nos députés sont élus sur des territoires de gauche ou de centre gauche. " D'où un décalage entre le centre de gravité politique de l'exécutif et celui du groupe macroniste à l'Assemblée.
Alexandre Lemarié, et Manon Rescan
© Le Monde

8 juillet 2018

Le libéralisme présidentiel à l'épreuve

La confrontation de Macron avec le réel fait apparaître des zones de fragilité de sa politique nationale et internationale

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Et si Emmanuel Macron était arrivé trop tard ? Si le plus jeune président que la République ait osé se donner était déjà daté parce que le monde a changé bien plus vite que lui ? Alors que le chef de l'Etat s'apprête à rendre compte de sa -première année de mandat devant le congrès, un doute s'insinue. Son ambition reste intacte : à 40 ans, il veut remettre le pays en mouvement, porter haut et loin la voix de la France, incarner sur la scène européenne et mondiale ce camp des progressistes qu'il a contribué à faire émerger, par-delà le clivage gauche-droite, en remportant le 7  mai 2017 son match contre -Marine Le Pen.
Sa jeunesse joue pour lui : il y a eu, ces douze derniers mois, un effet Macron, notamment dans les capitales étrangères. Mais sa confrontation au réel fait aussi apparaître des zones de fragilité à la fois domestiques et mondiales. Il peut bien séduire, il n'entraîne pas. Or, c'était le pari de départ, lorsqu'il a créé La République en marche. Et cela se paie d'une image de solitaire qui doit s'occuper de tout pour que cela avance (un peu), au risque, comme Nicolas Sarkozy avant lui, de se durcir et de s'isoler.
La gauche lui a collé au front l'étiquette de " président des riches ", la droite celle de " président des villes ". En réalité, Emmanuel Macron est fondamentalement un libéral qui évolue dans un monde qui l'est de moins en moins. Il manque cruellement d'alliés pour faire réussir sa politique. Son élection a résulté de la jonction de deux familles politiques poussées à se rassembler par la pression des extrêmes. D'un côté, les libéraux de droite que Valéry Giscard d'Estaing avait tenté, dès le milieu des années 1970, de rendre majoritaires avant de se retrouver pris en tenaille entre le RPR et le PS. De l'autre, les libéraux de gauche qui se sont affirmés au milieu des -années 2000 lorsque, dans la -foulée de Tony Blair et de Gerhard Schröder, Dominique Strauss- Kahn a commencé à théoriser un " socialisme de la production " susceptible de relayer une politique de redistribution à bout de souffle. Il a fallu ensuite plus d'une décennie de maturation pour que ce libéralisme de gauche trouve un débouché électoral. Entre-temps, le blairisme est passé de mode et Donald Trump a surgi.
Le président des Etats-Unis fait vivre son slogan " America first " en imposant des droits de douane à ses alliés assortis de spectaculaires coups de menton pour ne pas perdre la classe moyenne blanche qui a contribué à le porter au pouvoir. Ce faisant, il enfonce un coin dans le libéralisme et complique la tâche d'Emmanuel Macron, car comment expliquer que le bon fonctionnement de l'ascenseur social repose sur le jeu de la libre concurrence et du libre-échange si la deuxième puissance exportatrice mondiale s'en exonère ?
En introduisant le virus de la guerre commerciale au sein du monde capitaliste, M. Trump perturbe l'affrontement binaire que M. Macron tente d'installer entre " progressistes " et " nationalistes " : il donne des armes au Front national et à La France insoumise qui, face aux délocalisations, n'ont cessé de plaider pour le réarmement commercial.
L'Europe aurait pu être la réponse au trumpisme, mais elle est devenue l'autre souci du président français. Sur ce terrain-là aussi domine l'impression qu'Emmanuel Macron, malgré sa volonté, arrive trop tard et que, par une étrange fatalité, la série de rendez-vous manqués entre la France et l'Allemagne est appelée à continuer. Jusqu'à présent, Paris faisait défaut, faute de sérieux dans la -maîtrise du déficit budgétaire. Cette fois, c'est Berlin qui se dérobe. Le chef de l'Etat a beau multiplier les réformes structurelles – marché du travail, santé, retraite, rail, etc. –, la chancelière, prise en otage par ses alliés de la CSU, ne répond qu'a minima à ses demandes d'intégration de la zone euro.
Banderilles de l'extrême droiteNon seulement le couple Merkel-Macron bat de l'aile, mais il n'est plus tout à fait le maître du jeu en Europe. L'extrême droite y plante ses banderilles de l'Europe centrale aux pays fondateurs avec l'espoir d'en maîtriser l'agenda. Le psychodrame déclenché par l'Italie sur l'accueil des migrants constitue, à cet égard, un sérieux avertissement car la crise a dévoilé la fragilité intrinsèque de l'Union européenne : ses membres ne partagent plus les mêmes valeurs.
Avant même le début de son mandat, M. Macron avait lié le sort du pays à celui de l'Europe, si bien que l'assombrissement de la scène européenne a des répercussions non négligeables en interne. L'effet de levier attendu ne fonctionne pas, le récit optimiste développé pendant la campagne s'est arrêté net. Faute d'oppositions structurées, les réformes s'enchaînent, mais le fil conducteur est perdu, et l'équilibre rompu.
La droitisation de l'Europe oblige le président à composer pour ne pas risquer le hors-jeu. Son approche de la question migratoire s'est durcie, ce qui lui a fait perdre une partie de ses soutiens au sein de la gauche humaniste, sans lui assurer de percée décisive au sein des classes moyennes. Là, c'est son étiquette de " président des riches " qui fait barrage. Elle joue comme un repoussoir auprès de cet électorat central que les populistes ont pris pour cœur de cible parce que les frustrations y sont fortes en matière de pouvoir d'achat et de reconnaissance. A l'approche des européennes de mai  2019, le danger pour M. Macron est de n'avoir pas encore marqué de point décisif sur la question cruciale de l'ascenseur social, celle sur laquelle il était le plus attendu.
Françoise Fressoz
© Le Monde

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