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dimanche 29 juillet 2018

Brexit : " Un échec n'est dans l'intérêt de personne "


28 juillet 2018

Brexit : " Un échec n'est dans l'intérêt de personne "

David Lidington, bras droit de Theresa May, défend le principe d'une " super-association " avec l'UE

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LE PROFIL
David Lidington
A 62 ans, David Lidington est le numéro deux du gouvernement britannique, chargé de coordonner les différents ministères. Après un long passage aux affaires européennes de 2010 à 2016, sous David Cameron, ce conservateur a fait campagne pour rester dans l'Union européenne lors du référendum de juin 2016. Depuis, il plaide pour une sortie en douceur, contre l'avis de son ancien collègue, Boris Johnson, chef de file des " hard brexiters ", qui a démissionné le 9 juillet du gouvernement, lorsque Theresa May a opté pour un partenariat étroit avec l'UE.
David Lidington est numéro deux du gouvernement de Theresa May. Il avertit les Européens qu'il est grand temps de relancer les tractations, afin d'éviter un divorce brutal en mars  2019.


Craignez-vous un échec des -négociations du Brexit ?

Ce n'est dans l'intérêt de personne. Nous faisons évidemment des plans d'urgence pour nous préparer à toutes les options. En cas d'échec des négociations, le Royaume-Uni ne serait pas le seul touché. A court terme, cela créerait une série de perturbations économiques sur les deux rives de la Manche, pas seulement à Douvres, mais aussi à Calais. L'Irlande connaîtrait aussi de sérieuses difficultés. En outre, un non-accord mènerait à une longue période d'acrimonie et de rancune entre Londres et les Vingt-Sept, qui rendrait difficile toute relance en profondeur de notre coopération.


N'avez-vous pas le sentiment que les " hard brexiters " souhaitent un tel échec ?

Le nombre de gens qui cherchent activement un clash l'année prochaine est très réduit. La plupart des responsables politiques britanniques savent qu'il s'agit d'un équilibre à trouver entre souveraineté et accès commercial. Les démocraties européennes font face à d'énormes défis stratégiques. Nos modèles économiques sont ébranlés par l'économie numérique. On doit se demander qui se réjouirait d'un éventuel échec. Ce serait M. Poutine. On voit bien que la Russie est plus agressive…


M.  Trump pourrait se réjouir aussi, lui qui vient de soutenir les partisans d'une rupture brutale avec l'UE…

Un de nos objectifs est de convaincre les Etats-Unis qu'il est de leur intérêt stratégique, et de l'intérêt de leur population, de poursuivre leur engagement international et leur alliance transatlantique. M. Trump fait écho à une tendance de plus en plus forte au sein de l'opinion publique américaine, soucieuse de placer les intérêts des Etats-Unis en premier. C'est pour cela qu'il a été élu. Nous devons, ensemble, faire ce travail de persuasion.


Comment réagissez-vous aux commentaires de M. Trump en faveur de Boris Johnson, qu'il a soutenu après sa démission du gouvernement May ?

C'est une question de relation personnelle. Ce genre de commentaire en réponse à une question est parfois surinterprété. Ce que j'ai vu, c'est ce qu'il a dit après avoir rencontré Mme May. Il est sorti de leur entretien en disant que leur relation était extrêmement forte, et qu'ils travaillaient bien ensemble. Nous sommes d'accord sur de nombreux points, nous sommes en désaccord sur quelques autres. La première ministre a travaillé très dur en marge du récent sommet de l'OTAN pour persuader le président Trump de la valeur de cette alliance pour les Etats-Unis, ainsi que pour l'ensemble des Occidentaux.


La démission de M.  Johnson est-elle une clarification qui va simplifier la vie du gouvernement May ?

(rires) La première ministre était prête à prendre le risque de démissions pour trouver un compromis au sein de son cabinet sur les modalités de la relation future avec l'UE. Le gouvernement veut aller de l'avant sur cette base. Cette relation doit être fondée, selon nous, sur quatre piliers : un large accord de libre-échange ; un traité portant sur la sécurité ; un arrangement pour la coopération politique, en particulier dans le domaine des affaires étrangères ; et un pilier concernant les questions institutionnelles, comme le statut d'associé aux agences communautaires, celle sur les médicaments par exemple. Nous cherchons la mise en place d'une " super-association " avec l'UE.


Vos propositions sont-elles suffisamment prises au sérieux par l'UE ?

La première réaction a été constructive et prudente. Il s'agit maintenant de s'engager sur les détails avec Michel Barnier, le négociateur européen. Il doit y avoir une décision de la part des Vingt-Sept sur les modalités du partenariat envisagé avec le Royaume-Uni. Notre proximité géographique ne va pas changer. Nous allons continuer à être une économie très importante, proche de l'UE à vingt-sept. Nous aurons toujours des intérêts stratégiques économiques et sécuritaires vitaux en commun.
Il est important que les Européens affrontent la réalité du Brexit. Nous devons trouver une façon de satisfaire les demandes de nos citoyens, qu'il s'agisse de leur prospérité ou de leur sécurité. La France et le Royaume-Uni ont été les victimes d'attaques terroristes. La coopération pratique entre nos polices et nos services ne doit pas diminuer. Imaginez la situation en cas de nouvel attentat, s'il s'avère que les polices, en France et au Royaume-Uni, avaient des éléments sur le projet mais n'ont pas été capables de se les échanger en raison de l'absence d'accord sécuritaire… l'opinion ne nous le pardonnerait pas.


Pourquoi voulez-vous désormais rester dans l'Union douanière en gardant un accès au marché unique ?

Nous proposons un modèle qui permettrait la libre circulation des biens entre l'UE à vingt-sept et le Royaume-Uni. Ce dispositif serait fondé sur un arrangement douanier entre nous et la poursuite de notre alignement réglementaire sur les normes de l'UE. C'est dans l'intérêt des Vingt-Sept, étant donné qu'ils ont un surplus commercial avec le Royaume-Uni. Cela évitera les frictions commerciales. Cela évitera de créer des files de camions sur l'autoroute en direction de Calais. Cela réduit aussi le problème de la frontière irlandaise, sans créer une frontière dure entre les deux Irlandes ou une séparation entre l'Irlande du Nord et les autres parties du Royaume-Uni, qui serait anticonstitutionnelle.
Désormais, les Européens ne peuvent pas dire qu'ils ne savent pas ce que demandons. Il faut en discuter avec précision. Cet automne, nous devons nous mettre d'accord sur le texte légal de retrait, ainsi que sur une déclaration politique suffisamment précise au sujet de notre futur partenariat. Les deux sont inextricablement liés dans le cadre de l'article  50 - sur la sortie de l'UE - et dans la réalité politique, afin de convaincre nos Parlements de soutenir un accord.


Que pensez-vous de l'hypothèse d'un second référendum à l'issue des négociations ?

Tous les partis ont dit, en  2016, que ce vote était un moment décisif. J'ai fait campagne pour rester dans l'UE, le résultat m'a bouleversé. Si vous dites maintenant que vous trouvez mauvaise l'idée d'une sortie et que vous voulez la laisser de côté, vous fragilisez encore la confiance dans nos institutions. L'opinion publique ne donne pas beaucoup de signes de retournement, même si le maintien dans l'UE est parfois -légèrement en tête de certains sondages.
Propos recueillis, par Philippe Ricard
© Le Monde

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