Santosh n'en est pas encore revenu. Vendredi 29 juin, il a vu des agents de la municipalité de Bombay débarquer devant son minuscule étal et vérifier qu'il ne donnait plus de sacs en plastique aux clients qui viennent lui acheter ses bijoux de pacotille. Le marchand de rue, qui vit avec sa famille sur le trottoir le plus passant du quartier historique de Colaba, n'utilise plus de plastique depuis qu'en mars, les autorités ont annoncé la fin prochaine de ce matériau lorsqu'il n'est pas réutilisable. Mais à sa grande surprise, les inspecteurs ont fouillé dans ses affaires et trouvé à redire aux sacs en tissu qu'il utilise désormais.
" Ils ont dit que mes nouveaux sacs n'étaient pas conformes et ils m'ont donné une amende de 5 000 roupies - 62,8 euros -
", raconte Santosh.
" J'ai dépensé 300 roupies - 3,8 euros -
pour me procurer une centaine de sacs en tissu qui ont finalement été saisis. Avec l'amende, ma perte est énorme et du coup, je suis obligé d'emballer mes marchandises dans du papier journal. "
L'interdiction, qui porte sur les sacs de courses, les emballages de nourriture, les pailles, la vaisselle et les petites bouteilles en plastique, est officiellement en vigueur depuis le 23 juin. Elle devait démarrer à la fin de l'hiver mais, à la suite d'un recours des fédérations de la filière plastique, la justice avait suspendu le dispositif pour trois mois, afin de donner aux professionnels le temps de s'organiser et d'écouler leurs derniers stocks.
" Effort général "Si vingt-cinq des vingt-neuf Etats de l'Union indienne bannissent partiellement ou totalement le plastique non réutilisable, le Maharashtra (115 millions d'habitants) et sa capitale, Bombay, sont les premiers à appliquer des sanctions. D'où, sans doute, le zèle des 225 contrôleurs déployés sur le terrain. Les fabricants, les commerçants et tous les utilisateurs finaux sont désormais passibles d'une amende de 5 000 roupies, laquelle passe à 10 000 roupies (125,60 euros) en cas de récidive, et à 25 000 roupies (314 euros) et trois mois d'emprisonnement en cas de deuxième récidive.
Des dizaines de grandes enseignes, dont McDonald's et Starbucks, ont dû payer après avoir été contrôlées. Il faut dire que le premier ministre, Narendra Modi, parle du plastique comme d'une
" menace pour l'humanité " et a chargé son gouvernement de faire disparaître le matériau honni d'ici à 2022.
Sur la longue artère de Colaba, la quasi-totalité des détaillants ont pris leurs dispositions et se disent
" heureux " de cette petite révolution.
" Depuis que les médias ont montré à quel point la mer est polluée, on est tous contents de participer à l'effort général ", affirme Deepak, un pharmacien passé depuis un an aux sacs en papier pour envelopper ses médicaments. Pour Mahmood, qui écoule ses dernières mangues en ce début de mousson, l'affaire est coûteuse.
" Avant, j'achetais 30 roupies - 38 centimes d'euro - l
es 50 sacs en plastique. Maintenant, je dois débourser 80 roupies - 1 euro -
pour 35 sacs en papier, explique-t-il.
Mais ça ne fait rien, c'est pour la bonne cause ".
En face, Vikram l'épicier a trouvé un fournisseur de sacs en bagasse, un matériau issu de la cellulose de la canne à sucre.
" Pour l'instant, on peut encore donner aux clients les sacs en plastique de plus de 50 microns d'épaisseur qui ont des poignées, car ils peuvent être réutilisés. Pareil pour les bouteilles d'eau de plus de 500 ml, elles sont toujours autorisées ", précise-t-il.
Certains continuent néanmoins à faire de la résistance, arguant de la soudaineté avec laquelle l'interdiction a été appliquée. L'association des fabricants de sacs en plastique estime ainsi que
" le secteur va perdre 2,2 milliards de dollars " et que " 300 000 emplois se -trouvent menacés ". En une -semaine, plusieurs dizaines de milliers de boutiques ont été -contrôlées, 1,5 million de roupies (18 840 euros) d'amendes ramassées et plus d'une tonne et demie de plastique saisie.
Député de Colaba – un quartier de Bombay – sous les couleurs du Parti du peuple indien (BJP, nationaliste hindou), le parti de M. Modi, Raj Purohit, trouve que tout va trop vite. Il réclame une période de transition qui courrait
" jusqu'en décembre 2019 ", le temps de mettre en place des alternatives pérennes, comme le métal, le bois et le jute, et surtout une filière de recyclage du plastique digne de ce nom.
Dimanche 1er juillet, le gouvernement du Maharashtra a envoyé un message d'apaisement, en accordant un nouveau répit de trois mois aux sacs en plastique inférieur à 50 microns, mais uniquement chez les petits détaillants. Raison invoquée : la mousson et ses pluies diluviennes, qui rendent l'usage du papier impossible jusqu'en septembre. De quoi mettre en colère les écologistes, qui craignent que le plastique réapparaisse tôt ou tard.
" Au Maharashtra, 8 000 tonnes de sacs en polyéthylène sont utilisées chaque année, c'est une bonne raison pour montrer l'exemple ", estime la blogueuse Vandana Vasudevan, qui rappelle qu'une simple paille en plastique employée pour boire l'eau d'une noix de coco met deux cents ans à se décomposer.
Guillaume Delacroix
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