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mercredi 4 juillet 2018

Au Mexique, la gauche d'AMLO triomphe


3 juillet 2018

Mexique : victoire historique de la gauche

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 Andres Manuel Lopez Obrador a largement remporté l'élection présidentielle, dimanche 1er juillet. Ses principaux adversaires ont reconnu leur défaite
 Donald Trump a félicité le vainqueur dont le parti, le Morena, pourrait aussi emporter les législatives et régionales qui se déroulaient le même jour
 Discrédité, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui était au pouvoir de 1929 à 2000, puis de 2012 à 2018, est le grand perdant du scrutin
Jugé populiste par ses détracteurs, " AMLO " a promis de combattre la corruption qui mine la vie politique et de mieux redistribuer les richesses
 Il devra améliorer la sécurité de ses concitoyens dans un pays gangrené par la guerre que se livrent les cartels de la drogue
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© Le Monde



3 juillet 2018

Au Mexique, la gauche d'AMLO triomphe

La victoire d'Andres Manuel Lopez Obrador met fin à des décennies de règne du PRI (centre) et de la droite

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LES DATES
1929
Le président Plutarco Elias Calles, leader de la révolution contre le régime de Porfirio Diaz, fonde le Parti national révolutionnaire.
1946
La formation devient le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).
1968
Massacre de Tlatelolco : la répression de manifestations étudiantes fait des centaines de morts. C'est le début d'une ère autoritaire et répressive du PRI, dont le règne sera ensuite marqué par la corruption et le népotisme.
1994
Début de la rébellion indigène du Chiapas, menée par l'Armée zapatiste de libération nationale.
2000
Pour la première fois depuis 1929, le PRI perd les élections présidentielles, au profit du candidat du Parti action nationale (PAN, droite), Vicente Fox.
2012
Le PRI revient au pouvoir avec l'élection d'Enrique Peña Nieto, qui l'emporte avec 38 % des voix, contre 31 % pour Andres Manuel Lopez Obrador.
CLAUDIA SHEINBAUM SERA LA PREMIÈRE FEMME À DIRIGER MEXICO
Membre du parti de gauche Mouvement de régénération nationale (Morena) du nouveau président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, Claudia Sheinbaum est devenue, dimanche 1er juillet, la première femme élue au poste de maire de la ville de Mexico, selon un sondage réalisé à la sortie des urnes. Cette scientifique de l'environnement, âgée de 56 ans, militante de gauche de longue date, est titulaire d'un doctorat en ingénierie énergétique et a été consultante pour les Nations unies. Son élection met un terme à plus de vingt ans de domination du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) dans la mégapole mexicaine.
Le 1er  juillet 2018 fera date dans l'histoire du Mexique. Andres Manuel Lopez Obrador (" AMLO ") a remporté, dimanche, l'élection présidentielle. La victoire écrasante de l'éternel opposant de 64 ans marque un virage à gauche inédit depuis des décennies. Le pourfendeur de la corruption a annoncé " un changement profond " du pays, avant de rejoindre une immense foule en liesse sur la place principale de Mexico. Des défis colossaux l'attendent pour soigner les maux d'une nation, minée par les inégalités et l'insécurité.
Celui que les Mexicains surnomment " AMLO " est crédité entre 53  % et 53,8  % des suffrages, selon une première estimation officielle à la sortie des urnes. Ses deux principaux adversaires, Ricardo Anaya (22  %), à la tête d'une coalition droite-gauche, et José Antonio Meade (16  %), candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (centre, au pouvoir), ont reconnu leur défaite avant même l'annonce des estimations de l'Institut électoral (INE).
L'ampleur totale du triomphe d'AMLO ne sera connue que dans l'après-midi de lundi. Le décompte préliminaire de l'INE a été retardé pour ce plus important scrutin de l'histoire du pays, mêlant la présidentielle à des élections législatives, régionales et municipales (plus de 18 000 mandats). Des résultats au compte-gouttes laissent présager au moins cinq postes de gouverneur sur les neuf en jeu pour son parti ainsi qu'une possible majorité au Congrès pour sa coalition menée par son Mouvement de régénération nationale (Morena, gauche), créé en  2014.
Le taux de participation (63  %), important au Mexique, révèle la soif de renouveau des électeurs. Sept sur dix rejettent la gestion du président sortant, Enrique Peña Nieto, du PRI. L'ancien parti hégémonique a gouverné le pays de 1929 à 2000 puis de 2012 à 2018, après une alternance de douze ans de la droite, avec le Parti action nationale (PAN).
Le discours antisystème de cet infatigable tribun a fait mouche auprès des électeurs, excédés par le système clientéliste et corrompu du PRI, perpétué par l'alternance du PAN. Ce régime, baptisé par AMLO " la mafia du PRIAN ", a ignoré les inégalités (64  % des richesses détenues par 10  % de la population) et s'est lancé dans une guerre sanguinaire contre les cartels de la drogue (plus de 200 000 homicides depuis douze ans). Lui promet de " pacifier le pays " en s'attaquant aux causes de la violence, proposant notamment une " amnistie " des narcotrafiquants soumise à un référendum.
Pour l'emporter, après ses défaites aux précédents scrutins présidentiels de 2006 et 2012, le vétéran de la gauche a élargi son électorat. Sa coalition avec le Parti rencontre sociale (PES, évangélique) et sa main tendue à des leaders syndicaux, certains accusés de corruption, ont soulevé les critiques au sein de la gauche. Ce pragmatique a aussi ouvert les bras à des dizaines d'anciens responsables du PRI et du PAN.
" Quatrième transformation "Après les estimations de l'INE, AMLO a déclaré " le début de la quatrième transformation du Mexique ", après l'indépendance (1821), la réforme (instaurant notamment la laïcité, 1857-1861) et la révolution (1910). Son projet " ordonné et pacifique " prévoit de s'attaquer au " cancer de la corruption " qui a plongé, selon lui, 43  % des Mexicains dans la pauvreté, faisant le lit de la criminalité. AMLO annonce une politique économique et sociale " plus juste " que celles instaurées ces trente dernières années par le PRI et le PAN, axées sur la stabilité financière et la loi des marchés.
AMLO représente une gauche nationaliste qui privilégie un Etat interventionniste et redistributeur des richesses. " Pour le bien de tous, les pauvres d'abord ", a-t-il déclaré dimanche. Son -programme vise à réduire jusqu'à 50  % les salaires des hauts fonctionnaires, dont le sien. -Selon lui, la fin de la corruption permettra aussi de récupérer 21,3  milliards d'euros. " Cette somme servira à développer le marché intérieur, à doubler les retraites, à créer des emplois pour les jeunes, sans -augmenter les impôts ni la dette publique ", a martelé, dimanche, le président élu. Le tout en annonçant une croissance de 4  % à 6  %, contre 2  % ces six dernières années.
" C'est une revanche pour nous, les gens d'en bas ", se réjouit Ernesto Rodriguez, maçon de 36 ans, venu applaudir son champion qui était accompagné de Claudia Sheinbaum, élue maire de Mexico – un poste qu'il a occupé de 2000 à 2005 – devenant la première femme édile de la capitale. Mais tous ne partagent pas son enthousiasme : " AMLO est un démagogue, populiste et autoritaire ", peste Heron Ramirez, ingénieur de 47 ans, à quelques rues de là.
D'autres doutent de ses promesses ambitieuses. Pour Carlos Elizondo, politologue à l'université du Tec de Monterrey, " il aura du mal à mettre fin à la corruption, ancrée dans les institutions publiques, et à financer son programme social sans hausse d'impôts ". Sans parler des interrogations sur sa future relation avec le président américain, Donald Trump, qui l'a félicité dimanche sur Twitter, se disant " prêt à travailler " avec lui. AMLO a répété vouloir " travailler dans un respect mutuel " et " le convaincre " d'une " coopération mutuelle " sur les sujets épineux de la crise migratoire ou de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain. " Personne ne convainc Trump ", avertit Adolfo Laborde, politologue à l'université Anahuac.
" Une authentique démocratie "" Nous respecterons tous nos engagements ", a promis, dimanche, le président élu. Et Irma Sandoval, future ministre de la fonction publique désignée par AMLO, d'assurer qu'" il est déterminé à instaurer une authentique démocratie ". Cette spécialiste de la lutte contre la corruption à l'Université autonome du Mexique explique qu'" il suffit de faire appliquer la loi pour désarticuler les structures de connivence entre les élites politiques et économiques ". Pour rassurer les milieux d'affaires, AMLO a rappelé, dimanche, que " la liberté d'entreprendre serait respectée ", tout en précisant que les contrats publics seraient " révisés pour vérifier s'il y a des anomalies ", pouvant porter préjudice à l'Etat.
C'est le visage fermé que Juan Pablo Castanon, président du principal syndicat patronal, a félicité, dimanche, AMLO, tentant de masquer les tensions existantes avec celui qui a dénoncé " les élites voraces " au cours de sa campagne. Avec 53  % des suffrages, le principal défi du nouveau président, qui entrera en fonctions le 1er décembre, sera de réconcilier un pays divisé. " Je ne vous décevrai pas ! ", a clamé l'intéressé sur la place principale de Mexico. En face, la foule en délire scandait : " Tu n'es pas seul ! "
Frédéric Saliba
© Le Monde

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