Il invoquait la légitime défense. Il plaide désormais " le tir accidentel ". Le CRS auteur du coup de feu qui a tué Aboubakar F., mardi 3 juillet, dans le quartier du Breil, à Nantes (Loire-Atlantique), a livré une nouvelle version des faits devant les enquêteurs de l'inspection générale de la police nationale (IGPN), vendredi 6 juillet.
A l'issue de sa garde à vue, le brigadier-chef de la compagnie républicaine de sécurité de Bergerac a été mis en examen vendredi soir, à Nantes, pour " coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique avec usage d'une arme ".
Après avoir été présenté aux deux juges d'instruction saisis de ce dossier sensible, le policier a été placé sous contrôle judiciaire, conformément aux réquisitions du parquet. Il lui est notamment interdit de porter une arme et de paraître à Nantes, selon son avocat, Laurent-Franck Lienard. Pour éviter que son image ne soit diffusée par l'un des nombreux médias présents à Nantes pour la couverture de cette affaire, au quatrième étage du palais de justice, les couloirs de l'instruction avaient été sécurisés et toutes les fenêtres obstruées, quelques heures avant le défèrement du policier.
Après avoir été entendu une première fois sous le régime de l'audition libre, mercredi matin, au lendemain du drame, le -fonctionnaire avait été placé en garde à vue jeudi midi.
" Il a reconnu avoir fait une déclaration qui n'était pas conforme à la -vérité ", a déclaré vendredi -Laurent-Franck Lienard. Le policier avait en effet assuré, dans un premier temps, qu'il avait tiré dans un contexte de
" légitime défense ", " en raison de la dangerosité " de l'automobiliste et pour
" protéger les personnes qui pouvaient se trouver à proximité, sur la trajectoire du véhicule ".
Dorénavant, il déclare que le tir,
" accidentel ", serait parti après un
" corps-à-corps "avec Aboubakar F., dans l'habitacle de la voiture. Selon ses déclarations, le CRS cherchait alors à
" se saisir du volant pour arrêter la manœuvre du conducteur, qui effectuait une marche arrière ", a rapporté vendredi Pierre Sennès, procureur de la République de Nantes, lors d'une conférence de presse. Un récit que plusieurs témoins du quartier,
" scandalisés " par sa remise en liberté, considèrent comme
" absolument faux "." C'est encore un mensonge ! Jamais, il n'y a eu de corps-à-corps ", affirme notamment un habitant de la cité, qui connaissait bien la victime.
" Et le CRS qui avait soi-disant été blessé aux genoux ? Il a disparu ? Il y a beaucoup trop de contre-vérités dans tout ça ! "
Véhicules calcinés
" Il ne m'appartient pas d'arbitrer entre ces différentes versions ", a commenté Pierre Sennès vendredi soir. Les investigations, qui s'annoncent longues, vont désormais se prolonger sous l'autorité des juges d'instruction. Pour faire toute la lumière sur ce drame, de nouvelles expertises vont être diligentées. Ainsi, le procureur de la République a fait savoir qu'une nouvelle autopsie serait notamment pratiquée
" pour déterminer la distance de tir et sa trajectoire ".
Les premiers légistes qui avaient examiné le corps du défunt avaient en effet estimé que le tir avait été tiré
" légèrement du haut vers le bas ". L'éventuelle présence de résidus de poudre sera également étudiée. Les enquêteurs vont également chercher à recueillir de nouveaux témoignages et enregistrements vidéo,
" qui auraient pu être diffusés et qui ne seraient pas en leur possession ", a précisé Pierre -Sennès.
" Un important travail d'investigations va se poursuivre ", a-t-il ajouté.
" Et la famille va désormais pouvoir se constituer partie civile et avoir accès à l'intégralité du dossier. "
Le procureur de la République avait également appelé au calme, vendredi soir.
" Il faut maintenant laisser la justice travailler. Il faut que les troubles qui agitent la ville cessent. Pour respecter les -attentes légitimes de la famille d'Aboubakar F. et connaître les circonstances précises entourant la mort de son fils. "
Après un début de soirée calme, vendredi, Nantes a connu une quatrième nuit de vives tensions. Les premières flammes se sont élevées peu après minuit, dans les quartiers nantais du Breil et de Bellevue, mais aussi à Orvault et Rezé, en périphérie de Nantes. A 8 heures, samedi 7 juillet, sept véhicules avaient été calcinés, selon les autorités. Dans les cités du Breil et de Bellevue, les forces de l'ordre ont essuyé des jets de cocktails Molotov et répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes. Un début d'incendie a également touché un bâtiment du bailleur social Nantes Habitat dans le quartier du Breil.
Anne-Hélène Dorison
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