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samedi 16 juin 2018

Le football, enjeu politique russe


15 juin 2018

Le football, enjeu politique russe

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L'affiche officielle de la Coupe du monde 2018 met en scène un immense personnage stoppant d'une main un ballon. En Russie, cet homme, éternellement vêtu de noir, n'est pas n'importe qui : il s'agit du légendaire Lev Yachine, mort en  1990, et considéré, aujourd'hui encore, comme le meilleur gardien de but de tous les temps. " On dit que Vladimir Poutine en personne aurait donné son feu vert pour cette affiche d'un style très rétro et d'inspiration typiquement soviétique, qui rappelle les grandes heures du sport national et les années de la guerre froide ", écrivent le journaliste Régis Genté (RFI, Le Figaro) et le -docu-men-tariste Nicolas Jallot.
Ballon d'or en  1963 – il est le seul gardien à avoir été -récompensé à ce jour –, champion olympique à -Melbourne en  1956 avec l'URSS et vainqueur de l'Euro en  1960, Lev Yachine, surnommé " l'Araignée noire " en raison de sa tenue, incarne le footballeur soviétique par excellence. L'année de son décès, il est nommé Héros du travail socialiste, la plus haute distinction décernée par l'Etat. " Avec Yachine, le pouvoir russe assume une fois -encore sa nostalgie de l'Union soviétique ou du moins de la grandeur perdue de l'Etat, soulignent, avec justesse, les auteurs. Cet héritage est essentiel pour le président -Vladimir Poutine, même s'il ne s'agit que de football. Le football reste au service du pouvoir, instrument de propagande, hier soviétique, aujourd'hui russe. "
Sport révolutionnaireMalgré un niveau plus faible les années passant, le football russe est resté une arme diplomatique et de propagande pour les dirigeants. Les auteursde Futbol retracent, avec passion et précision, l'histoire politique et sportive du ballon rond de Russie, de l'arrivée de ce jeu dans le port de Saint-Pétersbourg vers la fin des années 1870, jusqu'à la présidence de Vladimir Poutine.
L'ouvrage se lit comme un roman, tant il regorge d'anecdotes et de portraits de personnages qui ont construit le football soviétique. On peut citer le destin irréel de Nikolai Starostin (1902-1996), l'un des fondateurs du Spartak Moscou, qui a contribué à populariser ce sport mais a tout de même été envoyé au goulag, suspecté par le NKVD (Commissariat du peuple aux affaires intérieures) de chercher à vouloir renverser le pouvoir et à rendre le -football soviétique plus " bourgeois ". Il y a aussi le -compositeur Dmitri Chostakovitch (1906-1975), qui a compris avant tout le monde que le foot portait en lui des gènes contestataires, voire révolutionnaires. " Le stade de football, c'est le seul endroit en Union soviétique où vous pouvez être non seulement pour, mais aussi contre ! ", a-t-il un jour déclaré. Populaire, le football permet alors, dans un pays encore largement verrouillé, au peuple de s'exprimer. Futbol explique avec justesse cet enjeu politique -derrière le sport.
Mustapha Kessous
© Le Monde

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