LES ENLEVEMENTS D’ENFANTS A PARIS 1750 Il y a hélas bel et bien eu des enlèvements d’enfants à Paris, en 1750. Et en mai, plusieurs jours de légitime émeute. De nos jours, des écrivains ont tellement conté d’histoires et de facéties sur cette affaire, qu’il vaut peut-être mieux, dans un premier temps, laisser la parole à des contemporains du règne de Louis XV, tel Edmond Jean François Barbier. Barbier (1689-1771) est un mémorialiste et avocat. De 1718 à 1762, il tiendra jour par jour un compte scrupuleusement exact des événements de son temps, et fera en quelque sorte la soudure entre les Mémoires de Saint-Simon qui s’arrêtent en 1723 et les Mémoires secrets de Bachaumont qui commencent en 1762. Avocat au Parlement de Paris, Barbier nous livre dans son Journal d’un avocat de Paris un témoignage froid et détaillé sur la période précitée. Barbier est considéré comme l’un des chroniqueurs les plus consultés par les historiens. Que nous dit-il à propos de cette affaire ? « Le bruit de l’enlèvement des enfants continue et cause une fermentation dans le peuple ; bien des gens ont peine à croire ce fait, et s’imaginent que c’est quelque homme qu’on a voulu prendre pour dettes, et qui se sera avisé de crier qu’on lui avait pris son enfant ; ce qui aura occasionné tout ce tumulte ; mais le fait est pourtant très constant, l’établissement des vers à soie et d’une manufacture de cire verte, que l’on ferait blanchir après dans le Mississipi, est certain. » « La nouvelle France en Amérique est un pays de quinze cents lieues de continent, dont le Canada fait une très petite partie au nord, et la plus grande partie est inhabitée ; ce qu’on appelle même le Mississipi, l’est encore très peu. Ces projets sont très beaux et peuvent être très avantageux, et il se peut faire que dans trois cents ans cette partie du monde devienne un royaume de plusieurs États très considérables. Mais ici, comme la politique est plus cachée, on a apparemment voulu peupler plus secrètement notre Mississipi, et, pour cet effet, indépendamment de ce qu’on peut prendre d’enfants dans les hôpitaux, on a donné des ordres secrets d’enlever tous les petits vagabonds libertins qui jouent dans les carrefours et sur les ports, comme il y a effectivement nombre d’enfants de cette espèce ; on a promis une certaine récompense aux exempts, archers, mouches qui savent roder dans Paris, pour chaque enfant des deux sexes, afin de peupler dans la suite. On les conduit à l’hôpital Saint-Louis, hors la ville, où faute de police on les fait mourir de faim. Tous ces exempts, archers et gens de cette espèce, qui sont des coquins par état, pour gagner la rétribution promise, que l’on dit être de quinze livres et même plus par chaque enfant, ont cherché à attraper, par finesse, caresse et autrement, toutes sortes d’enfants, garçons et filles dans la ville, indistinctement, même en présence de leurs pères et mères, dans les rues, au sortir des églises; cela paraît certain par tous les rapports que j’en ai entendu faire. On a même battu la caisse pour des enfants perdus; en sorte que depuis deux mois il faut qu’on en ait enlevé un grand nombre, de façon ou d’autre, sans que le peuple s’en soit aperçu et en ait deviné la cause ; mais enfin cela s’est répandu ; le peuple a été animé, et l’on dit qu’avant le tumulte du quartier Saint-Antoine, il y en avait déjà eu dans le faubourg Saint-Marcel; ceci n’a cependant point empêché ces espions de la police de continuer leur capture, et les officiers de police n’y ont point mis ordre ; ce qui est de plus mal, c’est qu’on dit que dans le commencement, pour retirer et ravoir un enfant de bourgeois, il en coûtait de l’argent comme cent livres, et qu’on disait que c’était pour en payer d’autres. » A la même date, dans son journal, d'Argenson, ministre de la Guerre de Louis XV, écrit: « Révoltes dans Paris pour des enfants enlevés par la maréchaussée sous le prétexte d’extirper la mendicité. On a enfermé des pauvres à Orléans, à l’hôpital Saint-Louis, mais il a fallu les faire sortir, les mesures étant mal prises pour leur subsistance; ils crevaient de faim. Les archers de Paris, dits archers de l’écuelle, ont arrêté de petits gueux, et quelquefois, se méprenant, ils ont arrêté des enfants de bourgeois. Grands attroupements de peuple le 17 et le 20; enfin le 23 mai, il y a eu sept à huit archers tués dans l’émeute. Le commissaire a paru et a pensé être déchiré. On a pillé quelques maisons, cassé les vitres de M. Duval, chef du guet. M. Berryer, lieutenant de police, a pris le parti de se cacher chez lui en bon capitaine. Rien de si imprudent que ces contraintes. Une mère à qui on enlève ses enfants devient d’abord bête furieuse et carnassière. On répand que le roi est ladre, et prend des bains de sang d’enfants comme un nouvel Hérode*. Les archers font exprès de telles méprises pour extorquer quelques pistoles aux bourgeois. » *Bien que Louis XV ait été un peu recommandable paroissien, ce point reste dans le cadre des rumeurs. A propos, le Berryer en question était un scélérat de la pire espèce. Protégé de la Pompadour, elle le fit nommer par le roi lieutenant général de police. Impliqué jusqu’au cou dans ce drame des enlèvements d’enfants, il finira pourtant garde des Sceaux de France ! Ci-dessous : L’Enlèvement de police. Claude Augustin Duflos. British museum. |
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1750
Il y a hélas bel et bien eu des enlèvements d’enfants à Paris...
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