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DES HOMMES ORDINAIRES
C’est le titre d’un ouvrage de Christopher Browning, historien américain, spécialiste de l’Holocauste.
« À l'aube du 13 juillet 1942, les hommes du 101ème bataillon de police de réserve allemande entrent dans le village polonais de Josefow. Arrivés en Pologne quelques jours auparavant, la plupart d'entre eux sont des pères de famille trop âgés pour être envoyés au front. Dans le civil, ils étaient ouvriers, vendeurs, artisans, employés de bureau. Au soir de ce 13 juillet, ils se sont emparés des 1 800 Juifs de Josefow, ont désigné 300 hommes comme " Juifs de labeur ", et ont abattu à bout portant, au fusil, 1 500 femmes, enfants et vieillards. La plupart de ces réservistes ordinaires étaient devenus adultes avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir et n’avaient jamais été des nazis militants ni des racistes fanatiques. Pourtant en seize mois, ces hommes vont assassiner directement, d’une balle dans la tête, 38 000 Juifs, et en déporter 45 000 autres vers les chambres à gaz de Treblinka – un total de 83 000 victimes pour un bataillon de moins de 500 hommes. Utilisant les témoignages de 210 anciens de ce bataillon, Christopher Browning les laisse raconter avec leurs propres mots leur participation à la Solution finale – ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont pensé, comment ils ont rationalisé leur conduite meurtrière. Christopher Browning établit le bilan incontestable de l’activité d’extermination de ce bataillon, et accorde un soin minutieux à analyser l’environnement social et les actions personnelles des individus qui le composaient : il nous offre ainsi la preuve la plus accablante jamais établie à ce jour de l’ordinaire aptitude humaine à une extraordinaire inhumanité. » Fin de citation. Si l’auteur a pu écrire l’histoire du bataillon 101, c’est qu’une fraction de cette unité a fait l’objet, en Allemagne fédérale, d’une enquête judiciaire dans les années 1960. Les peines qui furent prononcées au terme de procès successifs apparaîtront dérisoires au regard des crimes commis. Ces hommes ordinaires furent jugés en effet par d’autres hommes ordinaires pas forcément sortis grandis, eux aussi, de l’histoire hitlérienne. Les graines semées par les « apôtres noirs », selon la locution de Primo Levi, a pris racine en Allemagne avec une déconcertante rapidité, et ce dans toutes les classes sociales et a provoqué une prolifération de haine qui aujourd’hui encore empoisonne l’Europe et le monde. L’alliance des voyous nazis avec la haute finance, la grande industrie et l’aristocratie a cessé de nous étonner. En fait, cette alliance de voyous avec les notables a existé et existe encore sous toutes les latitudes. Mais sous le IIIème Reich, cette connivence a atteint des sommets. Toutefois, ce n’est pas de cela qu’il est question dans l’ouvrage de Browning. Les gens du 101ème venaient des couches modestes et prolétariennes de la ville de Hambourg. Ce n’étaient ni des SS, ni de sadiques bourgeois, ni forcément des adeptes de l’extrême droite. C’étaient des hommes ordinaires. Ce qui va suivre est hallucinant, mais il en est ainsi : en effet, bien que le choix leur a été offert, ils pouvaient, pour les plus âgés d’entre eux, ne pas participer aux massacres, il n’y eut que peu de refus : un communiste, un social-démocrate, et quelques autres encore. Mais tout le reste participa aux crimes sans état d’âme particulier. Leur nom est caché par un pseudonyme : c’était la condition imposée à l’auteur pour avoir accès aux archives. En complément, permettez-moi de conseiller de lire ou relire le –Discours de la servitude volontaire- d’Etienne de La Boétie-, publié en 1576. C’est un réquisitoire contre l’absolutisme. Cette thèse entend nous démontrer que la servitude que l’on croit forcée est en vérité souvent volontaire. Sinon, comment concevoir qu’un petit nombre d’individus parvient à contraindre les autres à obéir aussi servilement ? De fait, tout pouvoir, même lorsqu’il s’impose par la force des armes, ne peut dominer et exploiter durablement une société, sans la collaboration, active ou résignée, d’une partie de ses membres. « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres. » Manifestement, ce propos de La Boétie n’avait que peu d’écho sous le régime nazi… |
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DES HOMMES ORDINAIRES
C’est le titre d’un ouvrage de Christopher Browning, historien américain, spéc...
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