Ami des marchés financiers, ennemi d'une gauche brésilienne pétrie du discours " le pétrole est à nous ", Pedro Parente, 65 ans, président de la compagnie publique pétrolière Petrobras, a présenté, vendredi 1er juin, sa démission. Un geste " irrévocable et irréversible ", écrit-il dans une lettre adressée au président de la République, Michel Temer. En Bourse, l'annonce a provoqué la dégringolade du cours de l'action de 15 %.
L'ingénieur est la (première ?) victime de l'épineuse crise des camionneurs. Une grève de dix jours provoquée par la hausse brutale des prix du diesel qui a plongé le Brésil dans le chaos. Bloquant les livraisons d'essence, de biens de consommation, de médicaments, les routiers, soutenus par 87 % de la population, avaient fait de Pedro Parente leur bête noire.
Des profits en hausseArrivé à la tête de la major en mai 2016 avec pour mission de redresser un groupe perclus de dettes dont le nom n'était plus que le synonyme d'un scandale de corruption, Pedro Parente a voulu gérer Petrobras comme une société privée et non plus comme un jouet de l'Etat. Pour cela, il a notamment modifié radicalement la politique des prix. Autrefois largement subventionné, le carburant revendu devait désormais suivre, au jour le jour, les évolutions du marché mondial et du dollar, monnaie de référence pour le prix du baril. Cette volte-face tarifaire a porté ses fruits, permettant au groupe d'afficher des profits en nette hausse au premier trimestre.
" Je me sens autorisé à dire que ce que j'avais promis a été tenu ", écrit M. Parente dans sa lettre.
Mais l'escalade des prix de l'or noir de ces derniers mois ainsi que l'envolée du billet vert ont mis à mal le " modèle Parente ". Quand les marchés saluaient l'intransigeance du patron, la société brésilienne enrageait.
" Le gouvernement précédent - de la présidente de gauche Dilma Rousseff -
subventionnait de façon excessive les prix en pensant ainsi contrôler l'inflation, mais la politique de Pedro Parente a été dans l'excès inverse et provoqué une volatilité extrême ", commente Laura Carvalho professeure d'économie à l'université de Sao Paulo (USP).
Après dix jours d'une crise aiguë, gérée maladroitement et relayée in fine par des mouvements politiques radicaux appelant les militaires à renverser le président de la République, le gouvernement a cédé, promettant de réduire le prix du diesel, sans toutefois en faire porter le coût à Petrobras. Au total, la facture s'élève à 9,6 milliards de reais (2,2 milliards d'euros) pour l'Etat, compensée en partie par des coupes infligées aux ministères des transports, de la santé, de l'éducation et du développement social.
La démission de M. Parente soulagera l'opinion car elle ouvre la voie à une possible modification de la politique tarifaire de Petrobras, mais elle accentue la fragilité du gouvernement de Michel Temer. A quelques mois de la fin de son mandat, le très impopulaire chef d'Etat semble désormais en être réduit à gérer les urgences d'un pays sous haute tension.
Claire Gatinois
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