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jeudi 1 février 2018

A Sotchi, le sommet sur la Syrie tourne au fiasco

1er février 2018

A Sotchi, le sommet sur la Syrie tourne au fiasco

Les pourparlers en Russie, boycottés par l'opposition syrienne, les Kurdes et les Occidentaux, ont été émaillés de nombreux incidents

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Organisé par le Kremlin et ses alliés turc et iranien à Sotchi, la station balnéaire du sud de la Russie, le Congrès national du dialogue syrien s'est achevé, mardi 30  janvier, sans avancée significative, mise à part la création d'un comité chargé de réformer la Constitution syrienne. " Les discussions ont été intenses, c'est normal en démocratie, tout à fait normal ", a déclaré l'émissaire de l'ONU, Staffan de Mistura, en allusion aux nombreux couacs qui ont émaillé la journée. " C'est un travail délicat, mais c'est notre travail ", a-t-il ajouté, sans doute soulagé de prendre le relais et d'annoncer que le travail se poursuivrait sous l'égide de l'ONU, " dans le respect de la résolution 2254 ".
A ce stade, cependant, tout reste à faire, à commencer par établir la composition du comité qui devra inclure, selon M. de Mistura, " les représentants du gouvernement, l'opposition la plus large, la société civile et les femmes ".
Le projet de Constitution avait déjà été discuté lors des derniers pourparlers sous l'égide de l'ONU, à Vienne le 26  janvier, sans aboutir du fait de l'intransigeance des représentants du régime Assad. L'étape de Sotchi, un processus parallèle à celui des Nations unies, constitue un tout petit pas supplémentaire. " Nous n'avions pas l'intention de voler l'initiative à Genève (…). Notre objectif était de faire tout notre possible pour réanimer le processus, en lui donnant une impulsion qui permettrait de sortir du point mort ", a assuré Alexandre Lavrentiev, représentant spécial de Vladimir Poutine sur la Syrie.
Préparé depuis des mois par le Kremlin dans l'espoir de transformer les succès militaires russes en Syrie en amorce de solution politique, le sommet de Sotchi, plusieurs fois repoussé et finalement réduit à une journée, n'a cessé de revoir ses ambitions à la baisse. La présence du régime, volontairement limitée à celle du parti Baas et à quelques députés, n'a pas suffi à désamorcer la défiance de l'opposition. Après l'échec de Vienne, le Comité des négociations syriennes (CNS), qui regroupe la quasi-totalité des factions anti-Assad, avait annoncé sa décision de boycotter Sotchi, tout comme les Kurdes syriens visés depuis deux semaines par une offensive de l'armée turque dans l'enclave d'Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie.
" Agresseurs ! "Mardi, les discussions se sont donc déroulées essentiellement avec des opposants proches de Moscou et d'anciens dignitaires syriens, assez peu représentatifs. " Ni régime ni opposition. Toute solution entre les deux est impossible car la confrontation leur rapporte plus, et ce qui nous importe à nous, c'est la société syrienne ", insistait Sami Khiyami, ex-ambassadeur syrien à Londres. Aujourd'hui résident à Beyrouth, il se dit prêt à toutes les discussions, du moment qu'elles excluent " les Frères musulmans ".
Imperturbable, Alexandre Lavrentiev a évoqué une " atmosphère constructive " malgré les tensions qui ont ponctué toute la journée. Il y eut tout d'abord l'épisode des quelque 70  opposants syriens venus par avion d'Ankara et repartis sans même avoir quitté l'aéroport de Sotchi. En cause : le drapeau national syrien, qu'ils réfutent, placardé partout dans la ville sur d'immenses panneaux.
La tension est encore montée d'un cran tandis que la conférence commençait enfin, avec deux heures de retard. Alors que le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, achevait de donner lecture d'une lettre de bienvenue de Vladimir Poutine aux participants, des cris ont éclaté dans la salle. " Agresseurs ! ", a soudain crié un homme." Gloire à la Russie ", a aussitôt riposté un autre.
Le point culminant était atteint en fin de journée, quand le ministère turc des affaires étrangères a réclamé à son allié russe des explications sur la présence, dans cette même salle, de Mihraç Ural. Considéré comme le chef d'un groupe alaouite turc d'obédience marxiste baptisé Acilciler, ce dernier, qui a fait allégeance au régime de Bachar Al-Assad, est accusé par les autorités d'Ankara d'être le responsable d'un attentat meurtrier commis en mai  2013 à Reyhanli, près de la frontière syrienne.
A Sotchi, les partenaires iranien et turc sont restés inaudibles. Tant bien que mal, la prochaine réunion a été fixée fin février à Astana, au Kazakhstan, théâtre des accords de cessez-le-feu et de désescalade noués par la Russie et ses alliés l'année dernière.
Isabelle Mandraud
© Le Monde

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