Ni oui ni non : Roger Torrent a dit " pouce ". Mardi 30 janvier, le président indépendantiste du Parlement catalan a ajourné sine die le débat d'investiture de Carles Puigdemont à la tête de l'exécutif régional. M. Torrent ne veut pas braver le Tribunal constitutionnel, qui a interdit cette investiture et l'a averti des conséquences pénales qu'aurait une désobéissance. Mais il ne souhaite pas non plus donner l'impression de céder devant Madrid et de laisser tomber le " président légitime " de la Catalogne, destitué le 27 octobre 2017 après la tentative de sécession de la région, et exilé à Bruxelles pour fuir la justice espagnole.
Sa décision a provoqué les premières fissures entre son parti, la Gauche républicaine catalane (ERC), et les deux autres formations indépendantistes, la liste de M. Puigdemont, Ensemble pour la Catalogne (JxC), et la formation d'extrême gauche séparatiste Candidature d'unité populaire (CUP), qui n'ont pas apprécié de ne pas avoir été informées en amont de sa décision. Et encore moins sa soumission au Tribunal constitutionnel.
M. Torrent a insisté, mardi, sur sa fidélité
" à la volonté majoritaire de la chambre "d'investir M. Puigdemont.
" Ce n'est ni Soraya Saenz de Santamaria - la numéro deux du gouvernement espagnol qui assure la présidence de la région depuis la mise sous tutelle, fin octobre -
, ni le Tribunal constitutionnel qui vont décider qui sera le président de la Généralité, a-t-il déclaré.
Tant que la position majoritaire - à la chambre -
se maintiendra, je ne proposerai pas d'autres candidats à l'investiture - que M. Puigdemont -
. "
Mais avant de convoquer de nouveau le débat d'investiture, il entend s'assurer qu'il sera
" effectif " et qu'il offrira
" toutes les garanties " légales, a-t-il précisé, en référence au risque qu'il soit immédiatement annulé par Madrid. Pour cela, il a demandé aux services juridiques du Parlement leur avis sur l'arrêt rendu par le Tribunal constitutionnel espagnol samedi 27 janvier.
" Agonie "Cet arrêt pose les conditions à l'investiture de M. Puigdemont. Non seulement celui-ci doit être présent au Parlement, et ne peut en aucun cas déléguer à un député la lecture de son discours ou le donner par voie électronique. Mais s'il décide de venir à la chambre régionale, l'ancien président de Catalogne doit impérativement obtenir l'accord du juge chargé de l'enquête pour " rébellion, sédition et malversation de fonds publics " ouverte contre lui et d'autres dirigeants indépendantistes. Le haut tribunal invite les indépendantistes, en somme, à proposer un autre candidat…
Mais Carles Puigdemont ne cédera pas. L'ancien président catalan exige d'être rétabli dans ses fonctions. Il l'a répété, mardi 30 janvier dans la soirée, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux :
" Il n'y a pas d'autre candidat que moi, ni de majorité alternative - à celle des indépendantistes -
", a-t-il tranché. En filigrane, il lance aussi un avertissement à ses anciens partenaires d'ERC qui pourraient être tentés de chercher un remplaçant : ce sera lui ou de nouvelles élections.
" Il n'est pas question de renoncer, de plier devant Madrid et de trahir le mandat populaire, assure un proche de Carles Puigdemont à Barcelone.
Si ERC ne veut pas le comprendre, nous sommes prêts pour de nouvelles élections. Non seulement nous n'avons pas peur des urnes, mais nous sommes convaincus que nous renforcerions notre résultat. "
Si le Parti populaire (droite, au pouvoir en Espagne) et les socialistes se sont félicités de la décision de M. Torrent, Inès Arrimadas, du parti unioniste Ciudadanos, a regretté qu'elle
" prolonge l'agonie du processus sécessionniste ".
A l'extérieur du Parlement, les manifestants, munis de masque à l'effigie de M. Puigdemont, n'en démordaient pas. Convoqués par l'Assemblée nationale catalane (ANC) et des comités de défense de la République (CDR), ils ont brisé les cordons policiers pour crier devant le Parlement leurs slogans :
" Ni un pas enrere " (" pas un pas en arrière ") ou
" Puigdemont, président ".
" Nous ne nous rendrons jamais, assurait Josep Joan Perez, docker de 43 ans, bière à la main.
Madrid ne nous a pas laissés faire un référendum. La seule chose qui nous reste, c'est la confrontation. " Sur un bout de trottoir, une petite dizaine de manifestants unionistes arborant le drapeau fictif de Tabarnia – nom inventé pour qualifier les deux provinces de Catalogne à majorité non indépendantiste, Barcelone et Tarragone – résumaient quant à eux d'un mot leur colère face au blocage annoncé
: " Au travail ! "
Sandrine Morel
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