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mercredi 28 février 2018

Après la tuerie de Parkland, la NRA sous pression médiatique


28 février 2018

Après la tuerie de Parkland, la NRA sous pression médiatique

Des entreprises ont coupé leurs liens avec le lobby, tandis que le gouverneur républicain de Floride veut mieux contrôler les ventes d'armes

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La bataille se joue sur les médias sociaux, et pour l'instant, les lycéens gagnent. " Federal Express, vous avez peut-être trois heures avant que #BoycottFedEx devienne une tendance ", a menacé sur Twitter -David Hogg, l'un des survivants de la fusillade du lycée de Parkland (Floride), qui a fait dix-sept morts le 14  février. L'entreprise de courrier refuse de supprimer la réduction de 26 % qu'elle offre aux membres de la National Rifle Association (NRA), le lobby pro-armes américain, comme le lui enjoignent les lycéens.
Mais la plupart des entreprises coupent leurs liens avec la NRA et annulent les avantages accordés à ses 5  millions de membres : les compagnies aériennes Delta et United, les loueurs de voitures Enterprise et Alamo ou encore l'assureur MetLife. A Wall Street, le premier fonds d'investissement du monde, BlackRock (5 000  milliards de dollars d'actifs), a donné une journée à ses gestionnaires pour identifier les investissements non seulement chez les fabricants d'armes, mais aussi ceux qui les distribuent. Inquiets, les magasins Walmart ont précisé qu'ils ne vendaient plus de fusils d'assaut depuis 2015.
La puissante association a dénoncé les entreprises qui " ont décidé de punir l'appartenance à la NRA, ont une attitude honteuse et font preuve de lâcheté civique ". -Jamais la NRA n'a été sous aussi forte pression médiatique. Reste à savoir l'impact de ce choc dans l'Amérique profonde, auprès des parlementaires et, surtout, lors des élections de mi-mandat en novembre.
" Enfants manipulés "La NRA n'a pas le pouvoir de faire basculer le pouvoir entre les démocrates et les républicains : les candidats soutenus par la NRA l'ont emporté dans 73  % des cas en  2016, lors de la victoire de -Donald Trump et des républicains, mais seulement dans 44  % des cas en  2008, lors de la victoire de Barack Obama. La bataille se joue au sein du Parti républicain : qu'un candidat ne soutienne pas ses thèses dans une primaire, et la NRA lance un contre-candidat à sa solde qui l'emporte le plus souvent.
Mais, vendredi 23  février, le gouverneur républicain de Floride, Rick Scott, a pris le risque de demander un relèvement à 21 ans de l'âge minimal pour acheter une arme. Contre la NRA. Il a reçu le soutien de Donald Trump, qui recevait lundi trente-cinq gouverneurs. " Ne vous inquiétez pas de la NRA. Ils sont de notre côté ", a indiqué M. Trump. " Et vous savez quoi, s'ils ne sont pas avec vous, nous aurons à les combattre de temps en temps ", a précisé le président en dépit des 30  millions dépensés par la NRA en sa faveur lors de son élection de 2016. Car M.  Trump, qui a reçu ce week-end le patron de l'association, Wayne LaPierre, estime qu'il faut " faire quelque chose ".
Directeur général de la NRA depuis 1991, M.  LaPierre, 68 ans, résiste. Jeudi, lors de la réunion des conservateurs américains près de Washington, il a accusé les " médias nationaux " d'avoir transformé un enjeu de sécurité en enjeu politique et de manipuler les enfants. " Ils haïssent la NRA, ils haïssent le deuxième amendement - de la Constitution, qui garantit selon la jurisprudence de la Cour suprême le droit de posséder des armes pour se défendre - , ils haïssent la liberté individuelle ", a-t-il reproché, accusant le Parti démocrate, " depuis la décennie Obama ", d'avoir été pris en main par " des socialistes de type européen ".
Dénonçant que Karl Marx soit, selon lui, l'économiste le plus enseigné, et mettant au défi un conservateur d'aller tester sa liberté de parole sur le campus de Berkeley en Californie, conspuant les milliardaires Soros et Bloomberg, il revendique un discours politique global, à la droite du Parti républicain. Sur les armes, M. LaPierre répété combien son association était pour l'interdiction des armes pour les repris de justice et les déséquilibrés. Mais il a redit son credo : " Pour arrêter un sale type avec un pistolet, il faut un brave type avec un pistolet. "
M.  LaPierre avait tenu le même propos après le massacre dans l'école primaire de Sandy Hook (28 morts le 14 décembre 2012). Avec succès, puisque l'interdiction des fusils d'assaut avait été rejetée par le Sénat avec l'appui de quinze démocrates.
La NRA n'a pas toujours été l'association radicalisée qu'elle est devenue. Fondée en  1871, elle visait à entraîner les civils, incapables d'utiliser la mire de leur fusil. En  1934, après la guerre des gangs due à la prohibition puis la tentative d'assassinat de Franklin Roosevelt, la NRA soutient l'enregistrement et la taxe des armes les plus dangereuses. Après l'assassinat de John Kennedy avec une arme achetée par correspondance dans un magazine de la NRA, l'association ne s'oppose pas à l'idée d'un contrôle du commerce des armes entre Etats et à l'interdiction des achats par correspondance. Mais il faut le double assassinat de Martin Luther King et de Robert Kennedy, au printemps 1968, pour que la loi soit enfin adoptée.
Puis survient la révolution de palais, en  1977, qui radicalise la NRA sur les positions d'aujourd'hui. A chacun son analyse. Pour Wayne LaPierre, le deuxième amendement est " un don de Dieu ". Si les républicains invoquent la résistance à l'oppression et la tentative de désarmement des Anglais avant la révolution, le pasteur de Floride Russell Meyer, explique cet amendement par l'esclavage qui justifiait un usage de la force par les Blancs.
Au fil des décennies, la NRA a conquis les populations souvent rurales, qui n'imaginent pas -vivre sans armes, en formant ses membres, en incitant les femmes à l'autodéfense et en lançant des programmes de sécurisation des enfants. Cette approche, peu compréhensible pour un esprit européen, dans un pays où vingt-cinq enfants de moins de 17 ans meurent chaque semaine par arme à feu, reçoit un certain écho.
La NRA entend concentrer la polémique sur les circonstances de la tuerie de Parkland. " Ils veulent mettre sous le tapisl'échec de la sécurité de l'école, l'échec de la famille, l'échec du système psychiatrique américain et même l'incroyable échec du FBI ", a estimé Wayne LaPierre. La défaillance de tous ces garde-fous, si elle se confirme, est aujourd'hui le meilleur argument de la NRA.
Arnaud Leparmentier
© Le Monde

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