Gérard Jouany Journaliste spécialiste des mobilités
La grève à Air France: pourquoi la direction a tout lâché!
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On a beau suivre minute par minute ce conflit à Air France, on est parfois interloqué par les derniers épisodes en cours. Au 10è jour de grève mercredi, nous avons entendu avec étonnement, le secrétaire d'État aux transports affirmer que le projet de Transavia Europe était abandonné et quelques minutes après le porte-parole de la direction de la compagnie expliquait que pas du tout. Le projet de Transavia Europe continuait de faire l'objet d'une négociation avec les syndicats de pilotes avec une obligation de conclure sous 3 mois.
Bigre ! Un tel couac gouvernemental pose quand même quelques questions à savoir : est-ce que Alexandre de Juniac a été lâché par le gouvernement ? Pas facile à dire, en tous cas le premier ministre Manuel Valls a simplement indiqué qu'il fallait en finir vite avec cette grève. Ce qui est incontestable c'est que le gouvernement a mis la pression sur la direction d'Air France.
Autre question : Alexandre de Juniac dont chacun avait remarqué le sans fautes dans ses précédentes négociations (8 000 personnes sont sorties de l'entreprise sans faire de vague), de Juniac a-t-il été naïf en entrant dans la discussion avec les pilotes ? N'a-t-il pas compris que ceux-ci étaient les seigneurs de la compagnie et que sans le dire, ils étaient les représentants indéboulonnables des derniers corporatismes français ?
Ce que l'opinion a eu du mal à comprendre c'est qu'il y avait en fait 2 sujets dans le débat : Transavia France et la future Transavia Europe, la seule qui intéressait Air France. Alexandre de Juniac a eu bien du mérite d'accepter des directs dans toutes les radios et les télévisions sans que nos confrères intervieweurs aient vraiment compris cette dualité.
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Ce qu'il faut dire avec force c'est que Transavia France n'est pas une véritable low cost puisque les pilotes, détachés d'Air France ou recrutés en propre, gagnent sensiblement le même salaire que s'ils étaient pilotes à Air France. On leur demande seulement de voler plus. D'ailleurs Transavia France qui transporte de plus en plus de passagers n'est toujours pas parvenu à faire des bénéfices depuis 2007, date de sa naissance.
D'où la volonté de la direction d'Air France KLM de lancer une vraie low cost avec des bases en Europe : Porto, Lisbonne et Munich devant ouvrir le bal avec des pilotes recrutés localement et payés moins cher qu'à Air France. C'en était trop pour les syndicalistes du SNPL qui ont parlé de délocalisation en Europe et de dumping social .
Et puis, sur le coup de 21 heures arrive le communiqué couperet. Air France annonceofficiellement qu'elle renonce à son projet de Transavia Europe ! Alain Vidalès a gagné. Pour les dirigeants de la compagnie, cela ressemble à une reddition en rase campagne. Le gouvernement n'a pas apprécié finalement le côté « Medef » de l'ex future et déjà défunte compagnie Transavia Europe. Pensez donc, on allait payer moins les pilotes portugais ou allemands volant sur des appareils français !!!
Apparemment la cogestion va rester le mode de fonctionnement chez Air France . La compagnie est divisée pour longtemps avec d'un côté les nantis, les pilotes et de l'autre le « petit » personnel. Ryanair et Easyjet boivent du petit lait. Ryanair a confirmé dans la foulée qu'elle achetait 150 Boeing de plus et qu'elle était prête à prendre d'ici 10 ans 80% du trafic low cost en Europe. Cela se fera sans doute sans Air France à qui il restera les lignes internationales et le haut de gamme.
Et aux dernières nouvelles, le SNPL ne veut toujours pas reprendre le travail... ces Messieurs qui ont gagné en veulent encore plus ! ET peut être de Juniac devra partir, car disent-ils « nous n'avons plus confiance en lui » !!
On l' a bien compris, la réforme, ce n'est pas pour Air France. Mais le temps travaille contre la compagnie : elle a déjà perdu plus d'un milliard d'euros en trois ans sur son réseau court moyen courrier. Créer une vraie low cost avait du sens. Un tel déficit est intenable à terme et on le sait, toutes les entreprises sont mortelles, y compris bien sur Air France.
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