POLITIQUE - Le 8 mai 1982, François Mitterrand honorait la mémoire de Jeanne d’Arc comme l'avaient fait avant lui Charles de Gaulle et Valérie Giscard d'Estaing. Trente ans plus tard, Nicolas Sarkozy rendait aussi hommage à la "Pucelle d'Orléans", dénonçant le détournement de l'image de Jeanne d'Arc par le FN, qui en a fait un symbole contre les "envahisseurs" étrangers. "Jeanne n'appartient à aucun parti, à aucune faction, à aucun clan", avait dit Nicolas Sarkozy.
Ce mercredi 23 avril à Carmaux, François Hollande peut faire siens les mots de son prédécesseur pour rendre hommage à Jean Jaurès, dont on célèbre cette année le centenaire de la mort.
Lors d'un discours prononcé dans la salle François Mitterrand de Carmaux, le président le plus impopulaire de la Ve République a tenté de flatter sa gauche quelques heures seulement après la présentation en Conseil des ministre d'un plan de stabilité inflexible comprenant 50 milliards d'économie d'ici 2017. "Jaurès enseignait la patience de la réforme, la constance de l'action, la ténacité de l'effort", a expliqué François Hollande, citant encore l'illustre socialiste: "L'histoire enseigne la difficulté des grandes tâches, la lenteur des accomplissements."
Alors qu'il a définitivement troqué ses habits de président socialiste pour ceux de social-démocrate, François Hollande aurait mis un "soin particulier" à rédiger cette intervention, a fait savoir un de ses conseillers.
Car la gauche n'a plus le monopole de Jean Jaurès. Convoqué à plusieurs reprises par Nicolas Sarkozy dès la campagne pour l'élection présidentielle de 2007 ("Je me sens l'héritier de Jaurès"), le premier président du Parti socialiste français est depuis plusieurs années écartelé par des responsables politiques de tous bords.
Le point commun entre Jean-Luc Mélenchon, le co-président du Parti de Gauche, et Steeve Briois, le bras-droit de Marine Le Pen? Les deux hommes ont un portrait de Jean Jaurès en bonne place dans leur bureau.
"Ne vous plaignez pas de cette captation d’héritage, elle peut surprendre, elle peut être désagréable, mais si c’était le plus bel hommage que l’on puisse rendre aux noms qui ont marqué profondément l’histoire de France qui incarnent là encore le patrimoine national", avait dit en 2007 le Premier secrétaire du PS.
Ou constater avec lucidité que la gauche de gouvernement qu'il mène depuis deux ans a perdu tout son crédit auprès d'un certain électorat populaire et ouvrier. "Jean Jaurès n’appartient pas au PS et Charles de Gaulle n’appartient pas à l’UMP", avait dit Franck Louvrier, conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, avant la visite de ce dernier à Orléans en 2012. Charles de Gaulle avait d'ailleurs lui-même rendu hommage à Jean Jaurès en février 1960, rappelle Marianne.
François Hollande lui-même, lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2012, avait tenté lors d'un discours prononcé à Carmaux peu avant le premier tour, de faire sien les défis de Jaurès.
"Nous avons cette référence, et personne n’a le doit de la prendre - où plutôt, nous la livrons à tous les républicains", avait-il dit en 2012.
Convoquer Jean Jaurès serait ainsi permis à tous. En tout cas à tous ceux qui osent. Son souvenir est disputé depuis son assassinat par un nationaliste le 31 juillet 1914. Les communistes et la droite nationaliste s'étaient -pour des raisons radicalement différentes- opposés aux socialistes quand la dépouille de Jean Jaurès a été admise au Panthéon.
Il serait désormais risqué de s’accaparer jalousement l'héritage et la figure du natif de Castres. Mais il serait en revanche convenable et convenu de s'y référer. "Le risque est (…) de susciter au mieux de l'indifférence", indique à Atlantico Olivier Rouquan, docteur en science politique.
Personnage complexe, Jean Jaurès offre par ailleurs une multitude de prises à ceux qui veulent agripper son souvenir. "Une plasticité de l'héritage", un "couteau suisse de la politique française", selon Marianne, où chacun trouvera son compte pour peu qu'il sache chercher.
Le PS louera son humanisme (il fut historien de la Révolution française) et l'unification du socialisme français qu'il a mené. L'UMP plaidera pour son réformisme. Le FN et l'extrême-gauche souligneront son idée de la justice sociale et de la laïcité (il est un des rédacteurs de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État). Tous loueront son pacifisme (il consacre les dernières années de sa vie à empêcher, en vain, le déclenchement de la 1ère Guerre mondiale) et son indépendance.
"Son oeuvre et ses combats ont pris une telle couleur d’universalité que n’importe qui peut aller puiser en eux, sans demander la permission à quiconque", écrit sur Agoravox le magistrat Philippe Bilger.
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