Translate

mercredi 23 avril 2014

Éduquer et former, sous la dictature du marché du travail

Investig'Action - Michelcollon.info l'info décodée
http://michelcollon.info

 
19 avril 2014
Article en PDF : Enregistrer au format PDF

Le discours dominant sur l’éducation considère celle-ci comme un « capital humain », dont le développement serait profitable à la fois aux individus (employabilité) et aux sociétés (croissance économique). Ce discours idéologique a pour fonction principale de justifier une adéquation fine de l’école aux évolutions du marché du travail. Or, l’étude des documents les plus récents de l’OCDE et de l’Union européenne révèle que cette évolution engendre, non pas un développement quantitatif ou qualitatif de l’enseignement, mais sa polarisation et son repli sur les « compétences » de base.

                                
Le dogme du « capital humain »
Depuis le sommet de Lisbonne en 2000, la vision européenne de l’éducation est dominée par une conception qui la réduit à un instrument des politiques économiques. On entendra encore sporadiquement que les systèmes d’éducation doivent « assurer l’épanouissement personnel » des citoyens, « tout en promouvant les valeurs démocratiques, la cohésion sociale, la citoyenneté active et le dialogue interculturel » (Conseil européen, 2012b, p. 393/5). Mais pour le reste, il n’est plus question que du « rôle de premier plan » de l’éducation et de la formation « en tant que moteur essentiel de la croissance et de la compétitivité » ou encore du « rôle essentiel que jouent les investissements dans le capital humain pour (...) préparer une reprise créatrice d’emplois » (Conseil européen, 2013, p. 1).
On aurait pu croire que l’éclatement de la « bulle internet » en 2000-2001, qui a vu le NASDAQ perdre 60% de sa valeur en une année, puis la Grande Récession de 2008 et l’actuelle crise des finances publiques européennes allaient tempérer quelque peu l’optimisme de ceux qui croyaient que l’investissement dans le capital humain permettrait de garantir la croissance et la prospérité. Hélas, les tenants du libéralisme économique ne lâchent pas leurs doctrines si facilement. Pour le directeur du CEDEFOP (le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle),« permettre aux Européens d’acquérir les compétences nécessaires pour jeter les bases de l’innovation et pouvoir répondre aux futurs besoins du marché de l’emploi est l’une des conditions sine qua non pour surmonter la crise »(CEDEFOP, 2012a, p1).
Leur doctrine théorique est simple : si l’on assure aux employeurs « les meilleures chances de recruter des personnes qualifiées », cela encouragera les entreprises « à offrir plus d’opportunités à leur personnel et à accroître leur engagement en faveur du développement de la main-d’œuvre » (Conseil européen, 2012b, p. 2-5). Cette pensée repose sur l’acceptation de la théorie selon laquelle des économies disposant de davantage de « capital humain » (tel que mesuré par le niveau des compétences cognitives) « verront croître davantage leurs gains de productivité » (OECD, 2010, p. 10).
Les économistes Eric Hanushek (Hoover Institution, université de Stanford) et Ludger Woessmann (université de Munich) figurent parmi les grands promoteurs actuels de cette rhétorique. Leurs travaux sont abondamment cités par les instances européennes et par l’OCDE. Pourtant, leurs recherches ne montrent rien de plus que l’existence d’une corrélation entre les niveaux de compétence des travailleurs d’un pays (tels qu’estimés à partir d’études internationales comme TIMMS ou PISA) et le taux de croissance du PIB. ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire