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jeudi 27 décembre 2012

11ème rapport du COR,note de présentation et commentaires de la CGT


 Un document d'analyse de la CGT 
Espace revendicatif – activité retraite                         Montreuil, le 21 décembre 2012

11ème rapport du COR - 16 décembre 2012  - Perspectives 2020, 2040, 2060

Note de présentation et commentaires



L
’objet de ce rapport (le 11ème) est d’actualiser les perspectives des régimes de retraites obligatoires, à moyen et long terme (horizons 2020, 2040, 2060), au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques et d’élaborer des projections de leurs situations financières.

Cet exercice a lieu régulièrement. Les dernières projections du COR datent d’avril 2010, elles n’avaient consisté qu’en une actualisation des prévisions économiques précédentes (datant de 2007 donc avant la crise). Le présent rapport est plus complet. Il prend en compte les réformes intervenues en 2010 et 2011 (base et complémentaires) ; il intègre davantage de projections, y compris une projection basée sur une productivité plus élevée à la demande de la CGT. Enfin, il comporte des prévisions réalisées par les 33 régimes les plus importants (seulement 5 en 2010).
Un second rapport du COR (le 12ème) sera présenté le 22 janvier 2013, qui aura pour but de « faire un état des lieux du système français de retraite et de son adéquation à ses objectifs ».

Ces deux rapports constitueront, du point de vue du gouvernement, la base du diagnostic préalable à l’ouverture d’une « concertation sur les retraites » programmée pour le premier semestre 2013.



PRESENTATION DU RAPPORT

Le document comprend quatre parties :
1 les hypothèses retenues pour les projections
2 les perspectives financières
3 les perspectives pour les assurés (âges et niveau de pension)
4 les conditions de l’équilibre du système de retraite

1 les hypothèses retenues pour les projections


Les hypothèses démographiques
Le rapport retient le scénario central de l’INSEE avec un taux de fécondité de 1,95 enfant par femme, un solde migratoire de + 100 000 / an et des gains d’espérance de vie à 60 ans de un trimestre tous les deux ans.
La population active [qui comprend celle en emploi + celle au chômage] continuerait d’augmenter. Mais le ratio actifs / inactifs de + de 60 ans passerait de 2,1 en 2010 à 1,5 en 2060.


Les hypothèses et scénarios économiques
Comme cela est le cas dans chacun des rapports successifs, plusieurs scénarios sont étudiés.


Croissance annuelle de la productivité du travail à long terme
Taux de chômage à long terme
Scénario A’
2 0 %
4,5 %
Scénario A
1,8 %
4,5 %
Scénario B
1,5 %
4,5 %
Scénario C
1,3 %
7,0 %
Scénario C’
1,0 %
7,0 %
Les scénarios A, B et C correspondent aux prévisions des services de Bercy. Le scénario A’ répond à une demande de la CGT et le scénario C’ à une demande du Medef.


Remarques concernant ces hypothèses : le recours à différentes hypothèses est utile en ce qu’il aide à appréhender la nature et l’ampleur des mesures à prendre en fonction des évolutions économiques. Mais, à partir de là, les démarches peuvent être bien différentes. Pour la CGT, il faut agir sur la conjoncture économique afin d’améliorer la situation à la source. C’est pourquoi nous avons défendu une hypothèse (A’) plus volontariste ; pour nous il ne s’agit pas seulement d’une éventualité mais aussi d’un objectif.
A l’opposé, le Medef a imposé la prise en compte d’une hypothèse (C’) particulièrement dramatisante. Et il en joue pour appeler au sacrifice. Et nombre de commentateurs retiendront prioritairement cette vue de l’avenir comme inéluctable.
La bataille sur les « projections » est donc aussi une bataille syndicale.


Des hypothèses à législation inchangée
Les projections sont réalisées « à législation inchangée », seules les évolutions de la réglementation en cours de mise en œuvre sont prises en compte : allongement de la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein (166 trimestres en 2020), relèvement progressif des âges légaux de la retraite (jusqu’à 62 et 67 ans), possibilité de partir à la retraite à 60 ans pour certaines personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans, relèvements programmés de taux de cotisation...


2 les perspectives financières

Les perspectives du COR s’appuient sur des projections réalisées par chacun des régimes obligatoires.

Les effectifs de cotisants et de retraités évolueraient dans les conditions suivantes, en fonction des différents scénarios économiques :


Cotisants
Retraités de droit direct
Rapport démographique
2011
25,7
15,1
1,65
2020
27

1,65
2030
de 27,7 à 28,4


2040


1,40
2060
de 28,8 à 29,5
21,8
1,35
Nombre de cotisants et de retraités en millions


Perspectives financières selon les scénarios :


Hypothèses favorables
Hypothèses défavorables
Point de part de PIB
2011
-14,0
+ 0,7
2017
-18,8
+ 0,9
2020
-20,8
-24,9
de + 0,9 à + 1
2050
équilibre
déficit
+ 1,50
2060
+ 93, 0
- 105, 0
De – 2,9 à +1,7
Perspectives financières, selon les hypothèses, en milliards d’€

Remarques : le COR lui-même appelle à la mesure concernant les projections au-delà de 2020 et souligne la grande sensibilité sur le long terme des hypothèses démographiques et économiques. On peut observer ainsi que l’hypothèse mise à l’étude sur proposition CGT aboutit à un excédent de 93 milliards alors que celle du Medef produit un déficit de 105 milliards.
Seconde remarque : pour les années 2012 à 2017, le COR se contente de reprendre les prévisions inscrites dans le PLFSS. Il est important de noter que celles-ci s’inscrivent dans la procédure dite du semestre européen, c’est-à-dire les projections destinées à montrer à la Commission européenne que les finances publiques et sociales françaises seront à l’équilibre en 2017.
Troisième remarque : les perspectives à court et moyen terme apparaissent dans les projections de ce rapport, plus favorables que celles publiées en 2010.


3 Les perspectives de retraite pour les assurés

Les âges de départ
Les comportements de départ à la retraite ont évolué récemment et continueront à évoluer dans le sens d’un report de l’âge.
Dans le régime général, l’âge moyen effectif de départ était de 61,5 ans en 2010 (62 ans en 2011). La prévision est une augmentation jusqu’à 64 ans en 2035 avec une stabilité jusqu’en 2060. A noter une réduction de l’écart entre hommes et femmes.
Dans la Fonction publique d’Etat : de 57,1 ans en 2010 (du fait des militaires, des catégories « actives » et de la possibilité de départ anticipé des parents de 3 enfants) l’âge de départ passerait à 58,7 ans. L’évolution à la CNRACL (Fonction publique territoriale et hospitalière) serait un passage de 58,4 ans 62,4 en 2025.

Les niveaux de pension
A court et moyen terme, on enregistrerait une progression de la pension moyenne au fil des générations. Mais il s’agit là d’un effet purement mécanique (appelé effet noria) qui traduit le fait que la pension des nouveaux retraités est supérieure à celle des retraités qui décèdent. En réalité, le taux de remplacement va baisser.

Remarques :
            - Le niveau de l’augmentation moyenne des retraites du régime général est très lié à l’hypothèse de rendements des régimes complémentaires Agirc et Arrco. Or, ces régimes (par points) sont aujourd’hui confrontés à une forte demande du Medef de réduction des rendements.
            - L’indexation actuelle des pensions sur les prix (et non pas sur les salaires comme le demande la CGT) produit une augmentation de toute façon inférieure à celle des revenus d’activité. Le COR estime que la pension moyenne, rapportée au revenu moyen d’activité va perdre entre 10 % et 28 % selon les scénarios économiques.
-  La perte sera même de 14 % à 35 % si le Medef trouve des alliés pour imposer des rendements décroissants dans les complémentaires.


4        les conditions de l’équilibre selon le COR

Le COR présente différents « choix possibles », à partir des trois « leviers » que sont :
- le rapport entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d’activité (le taux de remplacement) ;
            - le niveau des ressources (les cotisations) ;
            - l’âge effectif moyen de départ (combinaison critères d’âge et durée exigée).


A l’horizon 2020, si l’ajustement se faisait sur un seul des trois leviers, en supposant acquise la hausse projetée d’environ 1 an de l’âge effectif moyen de départ à la retraite par rapport à 2011, il faudrait pour atteindre l’équilibre annuel en 2020 :
- soit une hausse du taux de prélèvement moyen [cotisations] de 1,1 point par rapport au taux moyen atteint en 2020 ;
- soit une baisse du rapport entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d’activité [taux de remplacement] de 5 % par rapport à 2011 ;
- soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif moyen de départ d’environ 6 mois, c’est-à-dire un décalage au total d’environ un an et demi par rapport à 2011 [donc un passage de 62 à 63,5 ans].

En 2040 et 2060, toujours dans l’hypothèse où un seul des leviers serait utilisé et en supposant acquise la hausse projetée de deux ans de l’âge effectif moyen de départ à la retraite par rapport à 2011, il faudrait pour atteindre l’équilibre annuel :
- soit une hausse du taux de prélèvement moyen [cotisations] de respectivement 5 et 6,2 points ;
- soit une baisse du rapport entre la pension moyenne nette et le revenu moyen net d’activité [taux de remplacement] de respectivement 20 et 25,3 % par rapport à 2011 ;
- soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif moyen de départ à la retraite d’un peu plus de 4 ans en 2040, soit au total un peu plus de 6 ans par rapport à 2011 [donc 68 ans !] et de près de 5 ans en 2060, soit un décalage total de près de 7 ans par rapport à 2011 [donc 69 ans !].



ELEMENTS D’ANALYSE


L
e chiffrage des besoins de financement du système de retraite réalisé par le COR est sans surprise. Le contexte économique ne s’est pas amélioré depuis 2010. Il se confirme que la variable principale à court terme comme à long terme est l’emploi. La faible croissance de la masse salariale réduit relativement les recettes des régimes. Les besoins de financement des régimes de retraite à horizon 2020 sont compris dans une fourchette de 21 à 25 milliards d’€.

Sans surprise également, la réaction du patronat et de la droite, qui se saisissent de ce constat pour réclamer de nouveaux sacrifices aux retraités comme aux actifs. La présidente du Medef réclame déjà un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite. Alors que l’on a trouvé des centaines de milliards pour « sauver le système financier » on ne trouverait pas les ressources indispensables pour pérenniser notre système de retraite ? En 2017, le VOR prévoit un déficit de 18 milliards, c’est moins que les 20 milliards du crédit d’impôts « compétitivité » décidé par le gouvernement.

Les nouvelles projections du COR, plus complètes que celles de 2010, justifient que l’on sorte d’une vision réductrice dans laquelle le recul de l’âge de la retraite, la baisse du niveau des pensions ou l’augmentation du taux de cotisation sont les trois seuls leviers d’action possibles pour rééquilibrer les régimes de pensions.

Les cinq scénarios du COR mettent en valeur le fait que coexistent deux problèmes différents de financement des retraites.

- A un horizon de long terme (au-delà de 2020) c’est l’évolution respective de la démographie, de la population réellement active et de la croissance structurelle de l’économie qui commande l’équilibre des régimes de retraite.

Au demeurant, le long terme est beaucoup moins inquiétant pour les retraites que l’on a bien voulu le dire jusqu’à présent. Le nombre de retraités continue à croître fortement jusqu’en 2035, puis plus modérément une fois passé le pic qui correspond, avec un décalage de 80 ans, au baby-boom d’après-guerre. Les ressources dépendent quant à elles, du taux de croissance de l’économie. Financer à l’horizon 2060 les 3 puis 5 points de PIB indispensables pour ouvrir un droit à la retraite pour tous à soixante ans avec un taux de remplacement du revenu d’activité par celui de la pension d’au moins 75 %, – aucune pension ne devant par ailleurs être inférieure au SMIC – est tout à fait crédible.
A cet horizon de très long terme, le PIB augmente de 80% soit 1600 milliards dans l’hypothèse très pessimiste retenue par le COR. Il est multiplié par 1,7 et augmente de 3400 milliards dans le scénario le plus favorable. De quoi trouver les ressources suffisantes pour couvrir les 105 milliards de besoin de financement dans le scénario pessimiste. Dans le scénario le plus favorable il y aurait un excédent de 90 milliards. Encore faut-il créer les conditions de cette croissance !

            - Mais, à court terme, (d’ici à 2020) le problème est différent. C’est l’emprise de la logique financière qui déstabilise les retraites en plombant l’activité. Dans les dix ans à venir, seul un partage de la richesse plus favorable aux salariés permettra de financer les retraites.

En effet, les chiffres rendus publics démontrent qu’à l’horizon 2020 la retraite est d’abord malade de la crise, de la réduction des emplois et de la stagnation des salaires. Dans l’immédiat il faut donc dégager des ressources supplémentaires. D’où la proposition que nous faisons, d’une réforme du financement du système de retraite.

- La priorité est la sortie de la politique d’exonération de cotisations patronales qui va coûter plus de 50 milliards d’€ aux finances publiques. Il faut étendre, au-delà du relèvement du forfait social, les cotisations pour la retraite à tous les éléments de rémunération, primes, intéressement, participation soit 120 Milliards d’€ de rémunérations para-salariales qui échappent aujourd’hui totalement ou partiellement aux cotisations sociales si l’on en croit la Cour des Comptes. C’est au bas mot 10 à 15 Milliards d’€ qui pourraient revenir aux régimes de retraites.

- Il s’agit en second lieu de mettre à contribution des revenus financiers des entreprises au moins à hauteur de la cotisation des salariés. Seuls les revenus tirés des placements financiers des personnes physiques sont imposés. Il s’agirait d’instaurer un prélèvement spécifique pour les sociétés de capitaux qui perçoivent bon an mal an 250 Milliards de revenus financiers. Un prélèvement voisin du niveau de la cotisation patronale retraite rapporterait chaque année 20 Milliards d’euros ;

-                     Enfin, une réforme du mode de contribution sociale des entreprises est indispensable. Il faut sortir d’une pure logique d’assurance qui permet aux employeurs les moins vertueux de reporter sur les autres les coûts liés à leur comportement. En effet plus l’entreprise réduit ses effectifs et ses salaires plus elle réduit ses contributions aux régimes sociaux, dont les régimes de retraite. Nous proposons de transformer la contribution patronale aux institutions sociales sur la base d’une modulation des cotisations permettant notamment de tenir compte de leur gestion de l’emploi et du travail.


Un second rapport du COR traitera en Janvier du fonctionnement du système de retraite.

La CGT plaidera pour que le rapport mette clairement en valeur en quoi le durcissement continu des conditions d’acquisition des droits à la retraite, depuis la première réforme de 1993, a accru les injustices du système et a fait structurellement baisser le niveau des pensions sans pour autant résoudre les problèmes de financement. La CGT refusera qu’il se limite à examiner les dispositifs de redistribution du système en faisant l’impasse sur les reculs enregistrés depuis vingt ans.
Ce n’est pas en continuant, une fois de plus, dans cette voie que l’on dégagera les solutions indispensables et urgentes.
Aucune réforme sérieuse et durable, garantissant l’avenir et redonnant confiance aux jeunes générations, ne peut écarter une révision en profondeur et une augmentation du financement. Ce qui implique que la question du partage des richesses, telle qu’il s’opère aujourd’hui, soit clairement affrontée.
C’est bien le problème essentiel que pose l'idée d’une « réforme systémique », qui parait en réalité comme une fuite face à la question d'un nouveau partage des richesses.

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