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mercredi 19 décembre 2012

Obélix chez les Belges

Un article lu sur le site de:http://la-sociale.viabloga.com

La Sociale

Analyses et débats pour le renouveau d'une pensée de l'émancipation


Obélix chez les Belges

Lettre bernoise n°47

Par Gabriel Galice • Lettres genevoises • Lundi 17/12/2012 • 0 commentaires  • Lu 104 fois • Version imprimable 

Mon cher Albert,

Les fêtes de fin d’année sont le temps des films, des blagues et des farces.

Pour ne pas être en reste, l’Obélix Depardieu multiplie les farces de plus en plus grasses. Après s’être exhibé avec Nicolas Sarkozy pendant la campagne des présidentielles, avec l’alléchante Gulnara Karimova, fille à papa du dictateur ouzbek, pour pousser la chansonnette, après avoir boxé un automobiliste, le voici qui s’exile en Belgique avec des commentaires oiseux, dont celui-ci n’est pas le moindre : "Nous n'avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde."
Nonobstant les jugements psychologiques et moraux, qui ont leur intérêt et leur limite, l’affaire Gérard Depardieu nous instruit comme cas d’école sociologique et illustration du temps. Karl  s’avère, là-dessus,  moins dépassé qu’on le prétend : « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » Propulsé par Agnès Varda, Michel Audiard, Marguerite Duras, Gégé exploita un réel talent centré sur une formidable énergie. Acteur efflanqué, puis entrepreneur, il soutiendra François Mitterrand et renflouera le Parti Communiste Français. Devenu rentier replet, il appuiera Nicolas Sarkozy « qui ne fait que du bien. » A qui ?

Pour autant, mon cher Albert, tous les artistes, bourgeois ou embourgeoisés, même de droite, ne prônent pas l’exil fiscal. Michel Sardou et Line Renaud se montrent plus civiques que l’engraissé Gégé. Des conseillers fiscaux enseignent aux détenteurs de fortunes et de patrimoines les moyens légaux d’échapper aux tourments les plus extrêmes sans recourir à l’exil. L’outrecuidant Gégé n’est pas célèbre pour sa finesse ou son raffinement.

Il s’identifie au dessus du panier, interlope et cosmopolite, peu soucieux de citoyenneté. Le citoyen du monde invoqué par Gégé est une inconsistante commodité rhétorique. La citoyenneté commence par la solidarité avec ses voisins et compatriotes. Jean-Jacques Rousseau, déjà, moquait les cosmopolites « qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’il dédaignent de remplir autour d’eux. » Or l’obligation fiscale est l’expression de la solidarité civique, ainsi que le rappelle l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés. » Christopher Lash nous instruit de la révolte des élites et de la trahison de la démocratie. Jeune, Gégé était rebelle, vieillissant, il se montre rétif à l’impôt : édifiante trajectoire, assez banale au fond.

Au même moment, le mélancolique Michel Houellebecq rentre de son exil irlandais. Nous ne perdons pas au change. Je te souhaite, mon cher Albert, de ne pas avoir d’anicroche, en ta plate autant que plaisante Belgique, avec l’irascible, incontrôlable et emblématique Gégé.

Ton Guillaume tel que tu le connais : détrompé.

Berne, ce 16 décembre de l’an de grâce 2012, jour de la sainte Alice.

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