| HADRIEN MATHOUX RÉDACTEUR EN CHEF POLITIQUE Vertige Quoi qu'il arrive, rien ne sera plus comme avant. On a coutume de l'entendre, au point qu'on est parfois fatigués par l'argument : trop d'élections sont qualifiées de scrutin « le plus important de l'Histoire » par les candidats pour qu'on les croie. Mais cette fois-ci, nous assistons sans doute possible à l'une des élections législatives les plus significatives depuis l'avènement de la Ve République.
Jugez plutôt : le Rassemblement national, héritier d'un Front national confiné dans la marginalité puis considéré pendant des décennies comme le diable absolu du paysage politique, « l'extrême droite » autour de laquelle un « cordon sanitaire » devait s'ériger en toutes circonstances, est aux portes du pouvoir. Largement en tête du premier tour, le parti, qui a prospéré sur les abandons et les compromissions des partis de gouvernement et la dérive incontrôlée de la gauche, pourrait obtenir une majorité absolue ce dimanche.
En face, les vieux mantras ont été ressuscités : un « front républicain » constitué de désistements en pagaille au profit de l'adversaire du RN a été mis sur pied par la gauche et les macronistes. On parle même d'un improbable gouvernement d'union nationale qui irait des communistes à la droite, entre partis d'accord sur rien sauf la nécessité d'empêcher au RN l'accès à Matignon. L'efficacité de ce barrage est incertaine : en de nombreux endroits, et dans de nombreux esprits, la formule ne marche plus, usée par le temps et l'absence de changement.
À gauche, l'enjeu peut paraître périphérique, mais il est pourtant incontournable : en progrès dans les métropoles et les banlieues, le Nouveau front populaire risque de disparaître dans la ruralité, emportée par la vague du RN. Si ces figures emblématiques (François Ruffin, Fabien Roussel, Philippe Brun) sont effacées, le repli sociologique de la gauche pourrait connaître une apogée, et le rétrécissement autour des obsessions idéologiques de la bourgeoisie urbaine être parachevé. Autant dire que lundi matin, rien ne sera plus comme avant. Twitter @hadrienmathoux
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