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vendredi 19 juillet 2024

LSDJ (La Sélection du Jour) - POLITIQUE Une dissolution qui porte bien son nom - le 19.07.2024

 



La Sélection Du Jour
19 JUILLET 2024 - N°2248

POLITIQUE

Une dissolution qui porte bien son nom

Paris, 2024-07-18. Discours de victoire de Yael Braun-Pivet réélue présidente de l’Assemblée Nationale. Photo : Martin Noda/Hans Lucas/AFP
Si la réélection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée Nationale plutôt qu'un communiste rassure nombre de Français, elle n'éclaircit pas un avenir que la paralysie des institutions annonce chaotique.

Les Français ont peur du blocage et de la confusion créés par la dissolution de l'Assemblée nationale. 77 % des personnes interrogées se disent inquiètes de la situation politique du pays dans un sondage CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD (11 juillet). Les Français sont aussi dépités : à quoi auront servi leurs trois votes ? Un président naguère « jupitérien » et « maître des horloges » très affaibli ; un gouvernement fantôme ; une Assemblée séparée en trois « blocs » dont l'un, le déjà feu Nouveau front populaire, autoproclamé vainqueur du dernier scrutin, a entrepris aussitôt de s'entre-déchirer ...Et ce bateau ivre qu'est devenu la France fait des ronds dans l'eau en s'approchant insensiblement du mur de la dette tandis que des pirates et des marins révoltés entendent imposer leurs lois à bord.

On voudrait se rassurer en avançant que la Constitution de la Vème République est solide. Encore faudrait-il qu'elle soit respectée. N'est-ce pas tordre l'esprit de la Constitution que de permettre à des ministres démissionnaires mais restés provisoirement en charge pour gérer les affaires courantes de siéger de nouveau à l'Assemblée, dès lors que leur démission a été acceptée par le Président de la République ? Avec les autres députés nouvellement élus ou réélus, 14 ministres-députés ont participé au vote reconduisant le 18 juillet Yaël Braun-Pivet à la présidence de l'Assemblée Nationale. Que devient dans ce cas de figure le grand principe de séparation des pouvoirs législatif et exécutif ?

Autre exemple, celui de la composition du bureau de l'Assemblée nationale  : selon le règlement, ce bureau (vice-présidents, questeurs, secrétaires) doit refléter la configuration politique issue des urnes . Mais peu importe aux députés de gauche et à une partie des macronistes ! Ils ont entrepris d'empêcher tout élu RN d'accéder à un poste de responsabilité au nom du « barrage républicain », alors que deux élus RN, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, siégeaient dans ce bureau comme vice-présidents lors de la précédente législature … Après les alliances ubuesques du second tour des législatives qui ont barré la route au RN, cette exclusion est manigancée par le Nouveau Front populaire : « Les présidents des quatre groupes du NFP - Insoumis, Écologistes, socialistes et communistes - ont appelé, mardi 16 juillet, leurs homologues d'Ensemble, d'Horizons, du MoDem et de la Droite républicaine (ex-LR) à s'accorder pour faire barrage au RN. » (Ouest-France, 18 juillet). On ne sait encore à l'heure où nous écrivons (19 juillet, 18h) s'ils parviendront à leur fin (Yaël Braun Pivet vient d'annoncer l'annulation du premier tour de l'élection des 6 vice-présidences de l'Assemblée parce que « à l'issue du dépouillement, il est apparu que 10 enveloppes en trop ont été déposées dans les urnes »...) Ce nouveau barrage serait encore un pied-de-nez aux 11 millions d'électeurs qui ont voté à deux reprises (aux européennes puis au premier tour des législatives) en plaçant en tête le parti du duo Le Pen/Bardella.

Pendant que cette partie de poker menteur, lancée, il est vrai, par un maître en la matière, se joue à l'Assemblée nationale, les Français conscients que leur pays est devenu le canard boiteux de l'Europe, se demandent par qui, quand et comment sortir de ce bourbier. Sûrement pas par les bricolages et les ravaudages actuellement en cours.

Dans une tribune publiée par Le Figaro (17 juillet, en lien ci-dessous), le philosophe Pierre Manent remonte aux causes de la paralysie de notre vie politique révélée par la dissolution de l'Assemblée nationale. La principale est l'affadissement de partis qui n'arrivent plus à se distinguer par une claire vision politique : « Ayant laissé se détendre le ressort de notre régime politique, à savoir l'alternance entre partis majoritaires proposant des perspectives politiques nettement distinctes, nous ne savons plus former de majorité capable de gouverner. »Si la diabolisation du RN fonctionne encore dans cette partie de poker, elle ne l'empêche pas d'engranger de plus en plus d'électeurs non par attrait d'un programme aux contours flous et encore mouvants, mais par désillusion ou dégoût de la « tambouille » des autres partis.

Mais où sont passées les institutions européennes dans ce tableau ? Pour Pierre Manent, « le salut ne viendra pas de « l'Europe » qui s'éclipse dès que l'urgence frappe à la porte, moins encore du peuple-humanité qui ne trouve unité et énergie que dans la haine. Le salut ne viendra que de « nous », peuple français qui se gouverne selon le régime de la république représentative, régime dont nos hautes juridictions n'ont de cesse d'obscurcir la légitimité et de contraindre le fonctionnement. Personne ne viendra à notre secours si nous ne voulons pas nous gouverner nous-mêmes », conclut le philosophe.


Philippe Oswald

Pierre Manent: «Aux sources de la paralysie de la vie politique française»

>>> Lire l'article sur Le Figaro
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