Indécis quant à vos lectures de vacances ? Le « New York Times » a pensé à vous. Le quotidien vient de publier sa liste des 100 meilleurs livres du XXIe siècle, soit ceux parus à partir du 1er janvier 2000. Plutôt que laisser les pauvres journalistes littéraires trimer, un panel composé de 500 personnes du milieu (romanciers, essayistes, libraires, poètes, bibliothécaires, éditeurs, critiques…) a été sollicité. À charge pour les participants de définir ce que signifie « meilleur ».
Parmi eux, quelques jurés de luxe, aux propositions parfois étonnantes. Stephen King compte dans son top 10 un roman de… Stephen King, « Dôme ». On n’est jamais mieux servi que par soi-même. L’écrivaine Jami Attenberg soumet un recueil de poèmes inconnu de nos services, « There are more beautiful things than Beyonce » (il y a des choses plus belles que Beyonce), par Morgan Parker, et ça, c’est du titre ou on ne s’y connaît pas. Quant à l’avocat et auteur de thrillers Scott Turow, il décroche la médaille du meilleur supporter, citant Elena Ferrante quatre fois sur dix places. A moins qu’il ne soit lui-même Elena Ferrante − vu le mystère qui entoure son identité, tout est possible.
Il faut saluer le travail de titan de nos confrères pour cette longue liste, éclectique et somme toute sympathique. Ils sont bien conscients que toute sélection appelle son lot de critiques et de coupages de cheveux en quatre. Leurs propres lecteurs ne s’en sont d’ailleurs pas privés. D’aucuns se demandent dans quel vortex sont tombés la littérature de genre ou la poésie. D’autres déplorent l’absence de Sally Rooney, Louise Erdrich, Karl Ove Knausgaard, J.M. Coetzee, Paul Auster, Margaret Atwood et bien d’autres.
S’il faut faire une remarque de ce côté de l’Atlantique, on peut souligner à quel point la liste est américano-centrée. Ce qui n’est pas très surprenant, mais quand même un peu dommage. On dénombre seulement dix auteurs étrangers, dont Elena Ferrante (à la 1ère place !), Roberto Bolaño, Jon Fosse, Svetlana Alexievich, Han Kang… Quels livres remporteraient la loterie si on posait la même question aux lecteurs français ? « Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu ? « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal ? « D’autres vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère ? « Le Lambeau » de Philippe Lançon ? « King Kong Théorie » de Virginie Despentes ? « Triste tigre » de Neige Sinno ? L’honneur est sauf : notre trésor national et prix Nobel, la grande Annie Ernaux, est représentée, à la 37e place pour « Les Années ».
Et puis il y a le statut un peu étrange des deux romans graphiques qui sont parvenus à se hisser dans le top : « Persepolis » de Marjane Satrapi et « Fun Home » d’Alison Bechdel. Leurs qualités littéraires sont indéniables, mais n’y a-t-il pas comme un décalage à les comparer aux autres ouvrages ? C’est un peu comme dire à des sculpteurs que leur travail est d’une excellence telle qu’ils méritent de figurer parmi les meilleurs peintres. Signalons aussi que ce sont deux récits autobiographiques, manifestement toujours le seul créneau respectable pour la BD. Comme si on décelait moins le talent face à un superhéros ou un personnage à gros nez.
Amandine Schmitt
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