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samedi 3 juin 2023

La lettre de Patrick Le Hyaric du samedi 3 juin 2023

 


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La Lettre du 3 juin 2023
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Bonjour à chacune et chacun,
 
Semaine de deuil. Deux amies, deux Résistants, deux camarades nous ont quittés cette semaine.
Odette Nilès, combattante d’un siècle, de son siècle, combattante de toujours de la Résistance à nos jours. Inlassablement. Internée dans plusieurs camps, dont celui de Châteaubriant, militante communiste à Drancy, aux côtés de son époux Maurice Nilès qui a été longtemps maire de la ville.

Après Maurice, Odette présida l’Amicale Chateaubriant-Voves-Rouillé qui organise la cérémonie d’hommage chaque année, le dernier week-end du mois de novembre, sur le site des « fusillés » de Châteaubriant où a été construit un musée.

Odette était une merveilleuse femme, douce et juste, posée et toujours en action pour les autres. Toujours jeune, à l’œil vif et pétillant. Elle savait mêler sérieux et dérision. Elle était devenue passeuse de ce passé où les nazis et Pétain chassaient les juifs, les communistes, les syndicalistes pour les déporter dans des camps de concentration, des camps de travail, des camps d’internement ou les exécutaient, où les exterminaient.

Il serait bon de s’en souvenir un peu plus, au-delà des commémorations officielles. On ne peut oublier l’histoire sous peine de se condamner à en revivre les pires heures. Odette alertait et combattait toutes les formes d’extrémisme de droite et sa banalisation. Elle n’oubliait pas la filiation des mouvements d’extrême droite dans le monde avec le nazisme allemand et le fascisme italien. Odette restait un repaire. Elle transmettait inlassablement la mémoire combattante et résistante aux jeunes générations.

Elle manque à la famille communiste et au-delà. Elle manque à la France pour laquelle elle a tant donné. Nous lui resterons fidèles.

Pierre Audin qui a consacré une grande partie de sa vie à rechercher aux côtés de sa mère Josette, et de sa sœur Michelle, les traces de son père Maurice, militant communiste torturé à mort par l’armée française en Algérie. Mathématicien comme son père, Pierre était humble, posé, discret. Il souhaitait que le plus grand nombre accède à la culture scientifique, considéré comme un langage universel et comme un atout pour la liberté. Au Palais de la Découverte, il transmettait avec ferveur ces disciplines aux jeunes générations.

L’une de ses grandes joies était d’avoir obtenu son passeport algérien il y a plus d’un an.
Une autre a été quand, en septembre 2018, le président de la République est venu au domicile de Josette reconnaître officiellement la responsabilité de l’État français dans l’assassinat de Maurice Audin.

Aboutissement d’un long combat auquel l’Humanité prit une part importante dès les années 1998 sous la houlette de Charles Silvestre puis de celle de Maud Vergnol qui a accompagné, poussé en avant avec la famille et le comité Audin le processus qui a permis cet acte du chef de l’État. L’aboutissement de ces combats et cette joie furent partagés le lendemain de cette reconnaissance à la fête de l’Humanité avec les équipes de l’Humanité, la famille, le secrétaire général du Parti communiste Pierre Laurent et le compagnon de ce combat Cédric Villani.

Nous avions été heureux de la contribution exceptionnelle de Pierre Audin à la réalisation d’un hors-série de l’Humanité, il y a quelques mois, et au livre « La torture, la guerre d’Algérie, la colonisation, la vérité est en marche, rien ne l’arrêtera » avec Charles Silvestre et Gilles Manceron.

Nous avions eu aussi plaisir à inaugurer avec lui un quai et un grand espace vert à Aubervilliers du nom de ses parents « Quai Maurice et Josette Audin ». Pierre avec sa sagesse nous manquera. Nous perdons une belle personne.
 
 
 
Les pousses au pire

Le spectre politique macroniste, celui de la droite et une certaine presse, nous a plongés toute la semaine dans les eaux marécageuses d’idées en putréfaction où baignent les idées d’extrême droite. Les résultats des élections en Turquie et en Espagne devraient pousser à examiner plus en profondeur une période ou les monstres sont sortis de leurs cages.

J’alerte souvent, parce que je suis inquiet, préoccupé.
Voyons le mauvais film français ! Un dimanche, la droite des Républicains produit un entretien dans le journal du dimanche sur une nouvelle politique de l’immigration dont Mme Le Pen dit qu’elle est « un copié–collé » de son programme. Cette droite qui insulte les communistes depuis un demi-siècle, parce qu’ils ne s’alignent pas sur « l’intégration capitaliste européenne », demande maintenant à ne pas appliquer le peu de règles européennes protectrices.

Le dimanche suivant, M. Darmanin leur crie dans un autre journal, « Chiche ! On pourrait faire une loi immigration ensemble ! »

Puis nous assistons à une séance aussi inélégante qu’ubuesque : le président de la République reproche en plein Conseil des ministres à sa Première ministre d’avoir acquiescé lorsqu’un journaliste lui a demandé si le Rassemblement national est l’héritier de Pétain.

Là encore, Le Pen crie victoire. Vous voyez bien s'enorgueillit-elle, même le président de la République nous blanchit. Puis vient cette séquence sur la fraude sociale lancée par le bavard Attal qui court les plateaux de télévision, avec ses dents qui s’usent tant elles rayent les parquets.

C’est connu les familles qui sont privées d’emploi et voient leurs allocations diminuer, celles et ceux qui arrivent au 15 du mois avec seulement 150 € sur leur compte en banque « fraudent ». On nous a déjà fait le coup à la rentrée scolaire lorsque les familles populaires achetaient, parait-il, des écrans plats avec la prime de rentrée scolaire. Cette sale thèse occupait Praud et Hanouna et les plateaux de CNews, mais aussi quelques allées du pouvoir.

Et, ceux qui sont au RSA devront maintenant aller travailler gratuitement, ce qui permettra de faire encore pression sur les maigres salaires de celles et ceux qui ont un travail.

Pour parfaire l’accusation, les chiffres les plus fantaisistes circulent alors que la Cour des comptes l’évalue entre 6 et 8 milliards d’euros. Cette somme inclut la fraude liée au système de santé, celle d'entreprises qui ne déclarent pas ou mal leurs salariés ou ne paient pas régulièrement leurs cotisations sociales. Il est avéré que les trois-quarts des « fraudes » sont le fait d’entreprises et de professionnels de la santé. Qu’à cela ne tienne !

En haut lieu, ceux qui ont un portefeuille bien rempli, mènent campagne contre ces « salauds de pauvres » qui prendraient de l’argent à aussi pauvre qu’eux. M. Le Maire s’est surpassé (sans mal sans doute) en stigmatisant il y a quelques jours des allocataires d’origine maghrébine. Les mêmes organisent le refus de faire voter l'Assemblée nationale sur une loi d’abrogation de la loi des 64 ans.

Enfin, la levée de boucliers de tous les ministres placés devant un micro pour fustiger la lauréate de la Palme d’or du Festival de Cannes, Justine Triet, qui a eu l’outrecuidance de donner son opinion sur la contre réforme des retraites et l’exception culturelle, au moment de recevoir sa récompense pour son film « Anatomie d’une chute ». Dans son intervention, elle vantait l’exception culturelle française qui lui a permis de faire son film tout en montrant que cette exception est menacée. Menacée par les grandes plateformes américaines contre lesquelles le pouvoir ne fait rien, l’assèchement des soutiens au secteur de l'audiovisuel public, la diminution de la fréquentation des salles phagocytée par les majors nord-américaines. En haut lieu la réalisatrice française n’a pas été félicitée pour sa palme comme il est de tradition…

Un paysage sombre avec le refus de la droite et des macronistes de laisser débattre un projet de loi d’abrogation de la loi des 64 ans. Un moment qui renforce l’idée que les parlementaires ne servent à rien et approfondit une crise démocratique et politique, qui fabrique de l’abstention et du vote extrême droite. Voici une semaine ou le pouvoir et la droite, main dans la main, ont marché sur les plates-bandes de l’extrême droite.
Une étude des mots utilisés et des phrases prononcées par les uns et les autres est édifiante.

Éric Ciotti :« Mettre un coup d’arrêt à l’immigration de masse ».
Bruno Le Maire : « Soyons basiques : faisons de la fermeté ».
Le Pen : « Il faut mettre en place une politique dissuasive d’immigration, en arrêtant les pompes aspirantes sociales. »
Emmanuel Macron en 2019 : « La France ne doit pas être trop attractive ».
Éric Ciotti « ce qui est en jeu, c’est la subsistance de notre nation, sa cohésion ; « le chaos migratoire conduit à l’insécurité, à la partition et au chaos politique ».
E. Zemmour : « l’immigration est le problème existentiel de la France ».
P. Charon, assistant parlementaire du groupe RN à l'Assemblée nationale à propos des LR : C’est « une copie quasi totale du programme de Le Pen jugé jusqu’ici irréaliste et pas crédible ».
De glissade en glissade, on valide les pires idées et on prépare l’opinion publique à les accepter.
Raison de plus pour mener frontalement la bataille idéologique. Examinons un autre mot utilisé par le président de la République : la décivilisation
 
 
Décivilisation ! Un mot pour une diversion ?

Intervenant en Conseil des ministres à la suite d’une série de violences et de meurtres ces dernières semaines, le président de la République a cru judicieux d'utiliser le mot de « décivilisation ». Qualifier ainsi la période relève d’un détournement de sens et constitue un gage donné à l’extrême droite. Comment, en effet, le garant des institutions peut-il décemment mettre dans le même sac, affublé d’un même vocable, la mort de trois policiers par un chauffard en excès de vitesse, alcoolisé et sous l’emprise de stupéfiants ; le meurtre d’une infirmière par un patient suivi pour troubles psychiatriques ; des règlements de compte meurtriers successifs à Marseille par les milieux du banditisme et du trafic drogue, les violences en début de cortèges de certaines manifestations - qui, soit dit en passant, profitent bien au pouvoir - ; et les insultes et les violences physiques à l’encontre des élus de la République.

Le trop grand mépris que doivent affronter les élus est nourri bien plus encore du ressentiment suscité par sa contre-réforme des retraites. Et le maire de Saint-Brévins-les-Pins, s'il a été harcelé et victime d’un incendie criminel, c'est par l’extrême droite paradant et mobilisée contre l’accueil de demandeurs d’asile. D’autres maires font l’objet de mêmes pressions, menaces et violences de la part de ces proto-fascistes qui prennent chaque jour pignon sur rue sans que le pouvoir s'en émeuve.

Répétons-le ! Aucune de ces violences, de ces meurtres, dégradations d’édifices publics, d’incivilités routières n’est tolérable. Pas plus que le harcèlement des femmes, dans la rue comme ailleurs, le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie. Caractériser de « décivilisation » un chapelet de faits de violences, qu’il faut évidemment condamner, aboutit à structurer un récit validant les campagnes sur l’insécurité, l’immigration ou le « séparatisme ».

Le président de la République ne fait que troquer par un autre, les mots « d’ensauvagement » ou de « barbarie » familiers aux droites extrêmes. Ce n’est ni un appel au civisme ni à la responsabilité, mais la reprise d’une théorie de « la déchéance civilisationnelle » qui menacerait la France dans ses fondements et son être.
Curieux et inquiétant rapprochement avec les discours du sinistre Zemmour, emprunté à Charles Maurras, déclarant que « la question civilisationnelle est l’enjeu des prochaines années ».

Les applaudissements bruyants de Le Pen, éructant de joie qu'« Emmanuel Macron vient une fois de plus de donner raison au Rassemblement national », devraient alerter. La patronne de l'extrême droite a vite été suivie par l’ultra droitier vendéen, M. Retailleau, dénonçant « une haine de cette civilisation que certains veulent nourrir dans l’Occident ». Le même qui avait qualifié les manifestations du 1er mai de « spectacle de décivilisation ».

Ce mot concept, ainsi utilisé, permet de détourner une nouvelle fois le regard de la violente bataille de classe menée par les classes dirigeantes contre la classe ouvrière et tous les travailleurs. Le président déplace volontairement le débat pour faire accepter les tensions du travail aliéné, le chômage et la précarité, les hausses de prix au profit d’une minorité de possédants, les discriminations de toute sorte et la violence infligée à toutes celles et ceux qui vont devoir travailler deux années de plus, alors qu’ils et elles sont éreintés avant 60 ans.

Pendant ce temps, les puissants pavoisent. On a ainsi pu entendre des actionnaires de la firme Total malmenés par une manifestation à l’occasion de leur Assemblée générale pavoiser sur la nécessité de respecter « la démocratie actionnariale », avant de voter une augmentation de 10 % de la rémunération de leur premier dirigeant.

Le même qu'ils ont encouragé à poursuivre l’extraction d’hydrocarbures en pillant des pays africains et en faisant fi des recommandations pour combattre les bouleversements climatiques. Ce groupe pétrolier est bien lui le symbole d’une « décivilisation ». La « décivilisation capitaliste » qui mène notre humanité vers l’abîme.

De cela, l’hôte de L’Élysée ne parlera jamais ! Son opération vise la diversion pour taire les combats contre la loi des 64 ans, les conditions drastiques imposées pour percevoir le revenu de solidarité active, la destruction du droit du travail, les pressions pour ne pas augmenter les salaires ou les revenus paysans.

Toutes ces régressions saupoudrées d'un discours aussi creux que dépourvu d’actes sur la transition écologique. Et pour cause ! Le pouvoir accepte le laminage de notre fret ferroviaire, détourne la législation européenne sur les pesticides, bétonne de bonnes terres agricoles pour construire le « Grand Paris ».

C’est la régression sociale, écologique, démocratique le saccage de l’héritage des Lumières, les coups de hache contre l’égalité des droits et l’intégration sociale qui entaillent notre humanité commune.

Ce détournement s'opère alors que la droite des « Républicains » et Darmanin préparent un covoiturage pour défendre, de mèche, un projet de loi inique sur l’immigration. Nous sommes confrontés à une politique qui, loin de porter en avant « la civilisation », répond aux orientations de l’extrême droite qui veut hiérarchiser les êtres humains selon leurs origines, leurs apparences, leurs croyances, leur sexe, leur genre.
À l’opposé total des penseurs de la civilisation qui ont dénoncé les idéologies fascisantes, l’inégalité entre les êtres humains et la hiérarchie des humanités, le colonialisme et l’acceptation de la domination de classes des puissants. Qu'ils sont loin les Norbert Elias, Lucien Sève ou Aimé Césaire dénonçant le fait colonial qui « à n’importe quel moment peut déboucher sur la négation pure et simple de la civilisation ».
Un mot organise ainsi un détournement des justes colères populaires pour les jeter contre l’épais mur des pires régressions sociales et des haines.
En y participant, le président de la République élargit le boulevard ou s’avance l’extrême droite et désarme tous les républicains.
 
 
En vous adressant mes amicales salutations, je vous souhaite une bonne semaine et la réussite de la journée de mobilisation de mardi.
 
Amicalement,

Patrick Le Hyaric
 
 
 
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