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jeudi 30 juin 2022

Chronique du vingt-neuvième jour du mois de juin, en l’an de très très grande décrépitude vingt-deux par Julie d'Aiglemont

 

Vous l'attendiez avec impatience. Les miasmes micronniques tels des B52 m'ont quelque peu ralentie..mais la voici, longue et copieuse.
Chronique du vingt-neuvième jour du mois de juin, en l’an de très très grande décrépitude vingt-deux
Où il est question de ce qu’il advint des manœuvres royales pour se maintenir sur le trône…ainsi que de fulgurantes mais néanmoins bien commodes crises d’amnésie..
Oncques sous les ors de la Chambre Basse on n’entendit discours plus ranci, aux âcres et infâmes relents. Le vingt huitième jour de ce mois de juin de l’an vingt-deux, le doyen d’âge de cette digne assemblée, un Haineux dont nous ne retiendrons pas le nom, il ne le mérite point, régala celles et ceux de sa Faction, ainsi qu’à n’en point douter celles et ceux de la coalition impériale, l’En-Sang-Bleu, sans oublier les Raipoublicains, de ses vieilles et méchantes lubies nostalgiques de la Colonisation de l’Aljazair, du temps où l’on pouvait secouer le burnous et s’adonner avec joie à la gégène. Il reçut des ovations et s’en alla se répandre ensuite devant des gazetiers avides : « je ne sais pas si l’Ohaesse a commis des crimes, je sais que notre armée n’en a point commis ». Madame la ChatelHaine de Montretout déclara pompeusement que tout cela était fort bon et fort conforme aux principes de la vieille République, laquelle avait une fois de plus trépassé sous l’outrage. La bonne dame de Montretout avait semblait-il quelques oublis de mémoire. Elle n’avait plus souvenance que les spadassins de l’Ohaesse, fort prisés de son père, le vieux baron de Nacunoeille, avaient pratiqué moult et moult crimes, et qu’ils avaient même attenté à la vie de Charles 1er dit Mon-Général. Mais tout cela était oublié. On était au Royaume du Grand-Cul-Par-Dessus-Tête. Le nouveau nom de la Faction Impériale, la Rhainaisance, s’étalait avec éclat et on en sentait toutes les nuances s’épanouir à la Cour.
Ainsi la duchesse du Pic Vert-Marron fut-elle adoubée par ses pairs, avec la complaisance des Haineux, afin de succéder au très regretté duc d’Anfer, à la présidence de la Chambre Basse. C’était là une belle récompense pour cette Dévote qui avait tant œuvré pour la quiétude de Notre Turpide Freluquet, au temps où le Sieur de Grobras et ses frasques avaient menacé de faire choir le trône.
Les Haineux espéraient sans nul doute un retour de bons procédés. Le petit duc de Barretoidela, qui eût bien aimé être ChatelHain à la place de la ChatelHaine, courait tous les salons des gazettes pour affirmer que la présidence de la Commission des Cassettes devait revenir à l’un des leurs, le Sieur de l’Etanguille, afin que les petits et grands tripatouillages des uns et des autres continuassent d’être bien tenus secrets. Au lieu de quoi, il était grand danger que les Nupésiens n’y nommassent un Insoumis, monsieur Coquerelus, dont la probité était telle qu’elle était une véritable menace, pire une déclaration de guerre. Que n’était-ce donc ce brave Cadet Ruissellus qui briguât cette charge ? On eût pu faire une exception. Ce Cadet, qui variait d’opinion sur le Roy cent fois le jour – souvent Cadet varie, bien fol qui s’y fie – était pain béni pour la Dextre et les Haineux. Il ne manquait jamais une occasion de se démarquer des Nupésiens. Tantôt ne s’était-il point dérobé au portrait officiel de leur cohorte sur les marches du péristyle de la Chambre Basse, prétextant benoitement qu’un attroupement de gazetiers l’en avait empêché ? Madame Degoisus, une gazetière qui n’avait point la langue dans sa poche et qui n’avait pas prêté allégeance comme ses pairs à Sa Poudreuse Arrogance, se gaussa fort de ce Cadet, en faisant savoir qu’il eût été plus vraisemblable de faire accroire qu’il avait été pris par un mascaret sur la Seine.
Depuis l’Empire des Amériques, une funeste nouvelle pour les femmes était parvenue. Les vieux barbons séniles et les aigres douairières que Donald le Dingo avait laissé en navrant héritage de son règne calamiteux décidèrent que les femmes ne pourraient désormais plus décider d’elles-mêmes si d’aventure elles avaient été engrossées. En vertu d’une synecdoque toute religieuse, elles n’étaient que des ventres à féconder. La chose ne laissa de glacer chez nous tant on savait les droits chèrement acquis par les Riennes à la merci des ardeurs patriarcales. Les Insoumis avaient par deux fois tenté de faire inscrire ce droit imprescriptible des femmes à disposer d’elles-mêmes dans les lois fondamentales de la vieille République. Les Dévots ainsi que la Dextre s’y étaient opposés. La petite duchesse de la Gerbée, tout auréolée de son succès, eut une belle crise d’amnésie. Voulant se hausser du col, elle convoqua un parterre de gazetiers pour annoncer en fanfare que sa Faction la Rhainaisance allait œuvrer pour graver dans le marbre des lois de la République ce droit des Riennes sur elles-mêmes. Las ! son succès fut de courte durée. « Que faisiez-vous en l’an dix huit et en l’an dix-neuf ? » fut-il rétorqué à cette emprunteuse par madame Panotus. « Vous preniez les bains ? Qu’à cela ne tienne, madame, joignez-vous à nous, nous œuvrerons de concert. » Et de joindre le geste à la parole afin que la chose se fît.
C’était sans compter avec le duc de la Béarnaise qui fit savoir que cela n’était point entendable. De telle sorte que les Dévots rentrèrent sagement dans le rang. Comme ils n’avaient pas plus de cervelle et de jugeotte que leurs prédécesseurs, voire qu’ils étaient encore plus enclins à toutes les trahisons, fussent-elles contre leur gente pastourelle la petite duchesse, nul ne songea plus qu’à empêcher ces maudits Insoumis d’obtenir quelques charges à la Chambre Basse. Au diable les droits des Riennes !
Notre Turpide Bibelot avait confié les affres de former un nouveau gouvernement à son âme damnée, la grande-duchesse de la Très-Bornée dite aussi la Bien-Nommée. Au train où allaient les choses, on pouvait croire que cette bonne dame mettait en pratique le vieil adage populaire « on prend les mêmes et on recommence ». La duchesse du Beuffe-Mironton, quoique battue au Tournoi, se répandait en conseils des plus compassés sur les masques, lesquels faisaient leur grand retour en même temps que les miasmes micronniques. Sa commère madame Anne-Aumalie de Grande-Chevaline, qui se trouvait dans le même cas, faisait passer des vessies pour des lanternes, en tentant de faire accroire que les riches étaient dans le besoin, tandis que les pauvres nageaient dans l’aisance. Le baron de l’Amer, Chambellan à l’Economie, se prenait pour un illusionniste. Il annonça avoir augmenté «en même temps » les aides pour payer son loyer et les loyers eux-mêmes, de telle sorte que les Riens et les Riennes à qui la chose eût du profiter se voyaient en fait plus pauvres de dix sept écus le mois. Pour calmer l’ire populacière, la Porte-Mensonge du gouvernement, la duchesse de la Grégaire, annonça que l’on ferait l’aumône aux plus nécessiteux d’un billet à ordre de cent écus. Les Dévots se congratulèrent. C’était là chose admirable que la charité.
Pendant ce temps, Sa Grandeur Enneigée batifolait avec Sir Baurisse The Yellow et quelques autres grands de ce monde. On se congratulait, on ripaillait au pied des Alpes bavaroises - lesquelles en avaient vu d’autres, on prenait des poses avantageuses. Notre Poudreux Garnement, qui avait laissé tomber l’habit et se faisait voir en simple pourpoint, s’en alla, sous les yeux des peintres officiels ayant reçu leur sésame – ces coquins s’empressèrent, alors qu’on ne leur avait rien demandé, d’immortaliser la scène- se pendre aux basques de Sir Joe du Bidon, interrompant grossièrement ce dernier déjà en grande conversation, afin de lui narrer par le menu ce qu’il venait d’entreprendre. Sa Juvénile Forfanterie oubliait que Sir Joe n’était point Donald son grand ami, et qu’il était vain de vouloir les confondre. Dans les propos très satisfaits de Notre Neigeux Tartarin, il était question de ce naphte, que l’on vendait à prix d’or aux Riens et aux Riennes pour le plus grand bonheur des spéculateurs, et d’une demande fort inouïe présentée par Celui-Que-l’Univers-Nous-Enviait aux potentats des principautés d’où provenait le dit naphte. Ces derniers étaient dans le plus grand des embarras et ils le firent savoir.
Il n’était qu’en Startupenéchionne, au Royaume du Grand-Cul-Par-Dessus-Tête, que le Roy avait encore quelque entregent parmi sa Cour d’obligés. Sitôt passées les frontières, Sa Bouffonne Suffisance était la risée du monde.
Illustration géniale Bridget Jaune
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