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vendredi 7 décembre 2018

Une nouvelle autoroute ferroviaire sur les rails - le 7.11.2018

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Une nouvelle autoroute ferroviaire sur les rails
Une liaison entre Calais et Turin devait être inaugurée mardi. Il s’agit de la quatrième en France
Elle reste modeste mais c’est incontestablement une nouvelle étape dans le mouvement de décarbonation de la France. Mardi 6 novembre, Elisabeth Borne, la ministre des transports, Guillaume Pepy, président de la SNCF, et Thierry Le Guilloux, président de Viia, opérateur de fret, filiale de la Société nationale des chemins de fer, devaient inaugurer une nouvelle autoroute ferroviaire, la quatrième lancée en France, et l’une des plus longues puisqu’elle doit relier sur 1 150 kilomètres Calais dans le nord de la France à Turin en Italie.
Qu’est-ce qu’une autoroute ferroviaire ? Le terme est un peu trompeur car il ne s’agit pas d’une infrastructure ferrée mais plutôt d’un service de transport, consistant, pour une destination donnée, à mettre des semi-remorques sur des wagons spéciaux afin de les faire voyager sur longue distance hors des autoroutes françaises et européennes désormais saturées de poids lourds.
La société Viia détenue par SNCF Mobilités, spécialisée dans cette niche du transport ferroviaire de marchandises, proposera aux transporteurs de faire circuler leurs remorques en train entre le port de Calais et le terminal d’Orbassano dans la banlieue de la capitale piémontaise. Les engins sont montés sur des wagons conçus par la société alsacienne Lohr Industrie qui permettent d’embarquer n’importe quelle remorque de 30 tonnes.
« C’est la particularité de notre service : nos clients n’ont pas besoin de semi-remorques coûteuses spécialement adaptées pour prendre le train, explique M. Le Guilloux. Le chargement se fait à l’horizontale, en faisant rouler les véhicules, et non à la verticale, à l’aide d’une grue, comme traditionnellement. »Pour la nouvelle autoroute ferroviaire Calais-Turin, Viia a investi 40 millions d’euros dans 110 wagons Lohr flambant neufs.

Plusieurs faux départs

Trois autoroutes ferroviaires existent déjà en France. La première a vu le jour en 2003 entre Chambéry et Turin afin de désaturer la traversée des Alpes. La deuxième relie Le Boulou, à côté de Perpignan, à Bettembourg au Luxembourg depuis 2007. La troisième, créée entre Calais et Perpignan en 2016, a connu plusieurs faux départs dus à la crise migratoire puis à la grève du printemps dernier. Deux autres liaisons pourraient voir le jour rapidement : entre la région parisienne et Barcelone, et sur l’axe Ouest du pays, entre Calais et Hendaye.
Le tout sous réserve de vérifications de la faisabilité technique de l’opération. Car une telle création nécessite une adaptation des infrastructures et donc des investissements. Il faut d’abord mettre en place des terminaux spécifiques d’embarquement et de débarquement, puis mettre le réseau ferroviaire au gabarit. En France, les tunnels en particulier sont plutôt étriqués. Pour conformer l’axe Perpignan-Luxembourg et la traversée alpine à ce transport spécifique, la puissance publique a dû investir plus de 200 millions d’euros.
« Sur longue distance, le système trouve son équilibre financier », assure Sylvie Charles directrice générale du pôle transports ferroviaires de marchandises de la SNCF. Avec ses 65 000 remorques transportées en 2017, la liaison Bettembourg-Le Boulou dégage même un tout petit bénéfice d’exploitation.
Mais le profit est aussi ailleurs. « Le transport combiné rail-route permet des gains écologiques impressionnants,explique Mme Charles. Chaque camion qui fera Calais-Turin par l’autoroute ferroviaire, ce sera plus d’une tonne de CO2non rejetée dans l’atmosphère.En permettant aux camions de se positionner sur le wagon sans utiliser de grue, 95 % des transporteurs peuvent se reporter sur le rail. » Après des années de recul du fret ferroviaire, tombé à 10 % de la part du transport en France, la « décamionisation » de la France, aidée par la hausse du prix du gazole, est peut-être en route.
Le système a quand même ses détracteurs, qui ne manquent pas de rappeler que les tonnages transportés sur les autoroutes ferroviaires – environ 0,6 % du transport de marchandises en France – restent microscopiques si on les compare aux 87 % passant par la route. « Les wagons Lohr sont très chers, les trains sont très lourds puisqu’il faut aussi transporter les remorques », explique un ancien de Fret SNCF.
« Je peux vous dire que nos clients transporteurs lituaniens ou polonais ne viennent pas pour nos beaux yeux, rétorque Thierry Le Guilloux. Ils utilisent le service parce qu’ils s’y retrouvent financièrement. » Faire prendre le train à un semi-remorque entre le Luxembourg et Perpignan coûte 700 euros, soit 10 % à 15 % de moins que par la route. « La chance actuelle des autoroutes ferroviaires, c’est que les transporteurs font face à une pénurie de chauffeurs routiers, rappelle Sylvie Charles. Or un camion sur un train n’a pas besoin de chauffeur pour traverser la France. »
« Les trains sont pleins, c’est quand même un signe, renchérit Marie-José Navarre, directrice générale adjointe de Lohr. On a une solution qui ne demande qu’à se développer. Il reste à faire un effort au niveau du réseau. » Car c’est peut-être là que réside la faiblesse des autoroutes ferroviaires : la médiocre qualité de l’accès aux voies ferrées. Retards dus aux travaux, priorité donnée aux trains de voyageurs en cas de saturation… les problèmes de fiabilité font hésiter les transporteurs. Sans compter la hausse programmée du prix des « sillons », ces droits d’accès au réseau ferré. « Nous attendons une augmentation de 13 % en 2019 », explique M. Le Guilloux. De quoi gripper une mécanique encore fragile.

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