MAURICE BOUKAY
Maurice Boukay (1866-1931), de son vrai nom Charles Couyba, est enfant de Dampierre-sur-Salon (Haute-Saône). Il en fut le maire de 1904 à 1919. On a érigé sa statue près de la poste. Ce singulier personnage fut également conseiller général, député et sénateur de la Haute-Saône, deux fois ministres : du Commerce et de l’Industrie puis du Travail et de la Prévoyance sociale, président de la SACEM et directeur de l’Ecole nationale des Arts Décoratifs.
C’est tout ? Bien sûr que non ! Il était en même temps : artiste, poète et chansonnier. Il écrivait donc des chansons, des opéras, des poèmes et tout et tout. Il se produisait au « Chat Noir », à Montmartre. Il avait pour amis Verlaine, Sully Prud’homme, le compositeur Massenet…
Figurez-vous qu’à ma grande honte, je ne connaissais pas ce personnage. Ce n’est que l’autre soir, lors d’une conférence donnée par un certain Philippe Borie, créateur du festival « Les Brassensiades » et dont le titre était « Brassens et les autres poètes » que j’ai entendu parler de Boukay.
En effet, Georges Brassens a interprété sa chanson « Tu t’en iras les pieds devant ».
Voulant en savoir un peu plus sur Boukay, je suis tombé sur un poème, tout en octosyllabes
« Le Petit Mitron », présenté ci-dessous en entier, car ne le voulant point couper :
« C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Quand il pétrissait la farine,
Il était blanc comm’ de l’hermine.
Tout’ la journée il travaillait,
Et la nuit, quand il sommeillait,
C’était sur un sac, sur la dure :
L’patron n’fournit pas d’couverture.
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Un soir d’hiver, par les grands froids,
Fallut porter l’gâteau des Rois,
Tout fumant, bien rose et bien tendre,
Chez des rich’s qu’aimaient pas attendre.
L’patron lui dit : « Tu soup’ras d’main.
Si t’as froid, souffle dans ta main.
Si t’as soif, y a d’la neige à boire ;
Puis, t’auras p’têt’ deux sous d’pourboire. »
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il marcha longtemps. À la fin,
Transi de froid et mourant d’faim,
Comme un criminel qu’on pourchasse,
Il s’blottit au fond d’une impasse.
Il allait mordre au grand gâteau,
Il sentit sa gorge à l’étau.
Un’ voix criait : « Mieux vaut la tombe ! »
Tombe la neige, tombe, tombe !
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il se r’mit en marche, tout seul,
Enveloppé d’un blanc linceul.
C’était comme un manteau d’froidure
Qui lui v’nait jusqu’à la ceinture.
Quand il marchait, ses jambes tremblaient ;
Quand il pleurait, ses larmes g’laient.
Tout à coup, pris par l’avalanche,
Il tomba raid’ sur la neig’ blanche.
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il s’endormit près du gâteau
Et rêva qu’en un blanc château
Trois rois aux simarres étranges,
Le petit Jésus et les anges,
Vêtus de neige et de satin,
L’invitaient à leur blanc festin.
Les mets étaient de blanche neige,
De blanche neige de Norvège.
C’était un pauv’ petit mitron
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Au point du jour, un chiffonnier
Quêtant pour emplir son panier,
Vit dans la neige un’ guenill’ blanche.
Il marche, il écoute, il se penche :
C’était comme un soupir d’enfant ;
On aurait dit qu’c’était vivant.
Quéq’ chos’ s’envola d’un’ poitrine :
C’était blanc comme un peu d’farine.
C’était l’àm’ du petit mitron.
Y n’mitronna plus d’pains d’un rond. »
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Quand il pétrissait la farine,
Il était blanc comm’ de l’hermine.
Tout’ la journée il travaillait,
Et la nuit, quand il sommeillait,
C’était sur un sac, sur la dure :
L’patron n’fournit pas d’couverture.
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Un soir d’hiver, par les grands froids,
Fallut porter l’gâteau des Rois,
Tout fumant, bien rose et bien tendre,
Chez des rich’s qu’aimaient pas attendre.
L’patron lui dit : « Tu soup’ras d’main.
Si t’as froid, souffle dans ta main.
Si t’as soif, y a d’la neige à boire ;
Puis, t’auras p’têt’ deux sous d’pourboire. »
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il marcha longtemps. À la fin,
Transi de froid et mourant d’faim,
Comme un criminel qu’on pourchasse,
Il s’blottit au fond d’une impasse.
Il allait mordre au grand gâteau,
Il sentit sa gorge à l’étau.
Un’ voix criait : « Mieux vaut la tombe ! »
Tombe la neige, tombe, tombe !
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il se r’mit en marche, tout seul,
Enveloppé d’un blanc linceul.
C’était comme un manteau d’froidure
Qui lui v’nait jusqu’à la ceinture.
Quand il marchait, ses jambes tremblaient ;
Quand il pleurait, ses larmes g’laient.
Tout à coup, pris par l’avalanche,
Il tomba raid’ sur la neig’ blanche.
C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Il s’endormit près du gâteau
Et rêva qu’en un blanc château
Trois rois aux simarres étranges,
Le petit Jésus et les anges,
Vêtus de neige et de satin,
L’invitaient à leur blanc festin.
Les mets étaient de blanche neige,
De blanche neige de Norvège.
C’était un pauv’ petit mitron
Qui mitronnait des pains d’un rond.
Au point du jour, un chiffonnier
Quêtant pour emplir son panier,
Vit dans la neige un’ guenill’ blanche.
Il marche, il écoute, il se penche :
C’était comme un soupir d’enfant ;
On aurait dit qu’c’était vivant.
Quéq’ chos’ s’envola d’un’ poitrine :
C’était blanc comme un peu d’farine.
C’était l’àm’ du petit mitron.
Y n’mitronna plus d’pains d’un rond. »
Ci-dessous : Magnifique illustration de Théophile Alexandre Steinlen pour « Tu t'en iras les pieds devant ».
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