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samedi 8 décembre 2018

Sergio Moro adhère au programme répressif de Jair Bolsonaro - le 8.11.2018


Sergio Moro adhère au programme répressif de Jair Bolsonaro
Le juge Sergio Moro, devant le domicile de Jair Bolsonaro, le 1er novembre, à Rio de Janeiro. SILVIA IZQUIERDO/AP
Le juge anticorruption brésilien, promis au poste de ministre de la justice et de la sécurité, a vanté la « modération » du président élu
SAO PAULO - correspondante
Les uns le croient machiavélique, les autres le pensent ingénu, tous sont confondus. Mardi 6 novembre, le juge Sergio Moro, 46 ans, héros de la lutte contre la corruption au Brésil, promis à devenir le ministre de la justice du président élu, Jair Bolsonaro, a tenté de faire comprendre comment, lui qui jurait, il y a deux ans, de jamais embrasser de carrière politique, comptait jouer un rôle dans le prochain gouvernement.
Lors d’une conférence de presse dans son fief de Curitiba, dans le sud du pays, le magistrat à la tête de l’opération « Lava Jato » (« lavage express ») qui a conduit en prison l’ancien chef d’Etat Luiz Inacio Lula da Silva, a affirmé n’avoir aucun « projet de pouvoir ». Adoubé par Bolsonaro, ennemi juré de Lula, il assure : « Ma nomination n’est pas une récompense. »Et balaye les soupçons de partialité soulignée par le Parti des travailleurs (PT, gauche) en niant toute « persécution politique » envers l’ancien syndicaliste.
A ceux qui s’interrogent et qui s’inquiètent de le voir collaborer avec un président fâché avec les droits de l’homme et la liberté de la presse, le juge a assuré n’avoir accepté l’invitation du militaire de réserve qu’« à la condition que toute action soit menée dans le respect de la loi, de la Constitution et des droits fondamentaux ». Excluant « toute possibilité de politique discriminatoire contre les minorités » et rendant hommage à la presse, il a ajouté avoir, avec Jair Bolsonaro, des « convergences et des divergences ».
« Sergio Moro sera fidèle à la justice, à la démocratie, aux droits des citoyens. Il n’aime pas les positions autoritaires de Bolsonaro, il sera sa caution démocratique », affirme un de ses amis. « Comme juge, on peut attendre de lui qu’il défende la Constitution », abonde Roberto Dias, professeur de droit constitutionnel à la Fondation Getulio-Vargas à Sao Paulo.

« Les méthodes de “Lava Jato” »

Mardi, Sergio Moro a pourtant troublé l’auditoire. A la tête d’un super-ministère chargé de la justice mais aussi de la sécurité publique, le juge, qui prendra ses fonctions le 1er janvier, promet de s’attaquer à la corruption, son grand combat, autant qu’aux gangs. Son idée est d’appliquer « les mêmes méthodes et la même organisation que Lava Jato »pour éradiquer le crime organisé. Le magistrat entend aussi investir dans les technologies, et notamment dans le recours aux fichiers ADN, pour identifier les coupables et innocenter tous ceux qui seraient accusés à tort.
Hier petit juge de province, aujourd’hui icône populaire, Sergio Moro n’a pas masqué son opposition à certaines idées du futur président. A un Jair Bolsonaro martelant qu’un « bon bandit est un bandit mort », le juge a expliqué que la confrontation entre les forces de l’ordre et les criminels, avec son lot de « dommages collatéraux », ne serait pas la méthode privilégiée. Il a aussi réprouvé une fois de plus la classification comme « terroristes » des paysans militants du Mouvement des sans-terre – une promesse de campagne de M. Bolsonaro.
Voilà pour les divergences. Pour le reste, celui qu’une partie du pays vénère a entretenu un discours ambigu. Qualifiant Jair Bolsonaro, réputé pour son agressivité, d’homme « pondéré », « sensé », et « modéré », il a assumé son rôle politique, se montrant d’une diplomatie confondante. Hier opposé à l’amnistie de policiers tueurs, il s’est dit prêt à examiner plus en détail les textes sur la légitime défense pour les forces de l’ordre. Au sujet de la libéralisation des armes à feu, thème crucial pour Jair Bolsonaro, il envisage une flexibilisation de l’« estatuto do desarmamento », la loi de 2003 interdisant le port d’arme, à condition que cet assouplissement ne soit « pas excessif ».
Face à un chef d’Etat déterminé à bonder des prisons déjà surpeuplées, quitte à mettre les détenus « les uns par-dessus les autres », Sergio Moro n’a pas bronché. Il a expliqué que les aménagements de peines, comme la libération anticipée de prisonniers pour les crimes graves, devaient être revus. Enfin, le juge s’est dit prêt à aborder la question de l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans pour des crimes graves ou des viols – une mesure plébiscitée par plus de 80 % de la population. « Les moins de 18 ans doivent être protégés mais, au-delà de 16 ans, on est déjà conscient que l’on ne peut pas tuer. Faire cette différence me paraît raisonnable », a-t-il indiqué.
En acceptant l’invitation de faire partie du gouvernement de Jair Bolsonaro, Sergio Moro offrait déjà un crédit inédit au leader d’extrême droite, en lui faisant bénéficier de son aura de chasseur de la corruption. En épousant une bonne partie du programme répressif du président élu, mardi, le juge a été bien au-delà. Certains analystes prédisent déjà qu’il pourrait même concourir à la présidentielle de 2022.

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