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lundi 2 juillet 2018

UE : l'accord sur les migrations se délite déjà


1er juillet 2018

UE : l'accord sur les migrations se délite déjà

Le texte, qui parie sur une solidarité incertaine, était l'objet de critiques sur son exécution dès sa conclusion

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Les autocongratulations et les satisfecit ont vite laissé place aux premiers doutes, vendredi 29  juin, à la suite de l'accord sur les migrations négocié durant la nuit précédente lors du sommet à  Vingt-Huit de Bruxelles. Un accord, oui, mais qui n'apporte pas de réponses opérationnelles très concrètes et suscite déjà maintes critiques.
A-t-il durablement apaisé les tensions entre les pays européens, ceux du bassin méditerranéen, qui réclament davantage de solidarité, et ceux de l'Est, qui continuent obstinément à la leur refuser ? Permettra-t-il d'éviter d'autres situations désastreuses après les errances des bateaux Aquarius et Lifeline ? A écouter le président du Conseil italien, -Giuseppe Conte, quelques heures après la conclusion de l'accord, la voix de Rome, qui menaçait de bloquer l'ensemble du Conseil européen, avait enfin été entendue. " Je suis satisfait. Bien sûr, si j'avais eu à écrire le texte, je l'aurais fait différemment, mais nous étions Vingt-Huit ", a-t-il confié, vendredi matin.
Mais dès le milieu de matinée, les messages plus négatifs ont afflué : " Aucun engagement contraignant et seulement des choix volontaires pour les demandes italiennes. Un résultat faible. L'Italie affaiblie. Les pays de l'Est crient victoire ", analysait le secrétaire par intérim du Parti démocrate (PD, centre gauche), Maurizio Martina. A la mi-journée, M.  Salvini lui-même déclarait : " Je ne me fie pas aux paroles, ce qui m'intéresse ce sont les actes. " " Pour une fois, Matteo Salvini a raison. La mission de Conte au Conseil européen a été un véritable flop ", répliquait, dans un Tweet, le chef du groupe PD au  Sénat, Andrea Marucci.
" L'Italie a cédé sur toute la ligne : elle n'a pas obtenu la répartition obligatoire des migrants, mais seulement celle, volontaire, des réfugiés, elle devra construire des nouveaux camps et elle accepte le principe d'un retour des personnes parties en Allemagne ou en Autriche ", écrivait La Repubblica. Ces " hot spots " de nouvelle génération, avec davantage d'argent européen et censés retenir les demandeurs d'asile dont le dossier est à l'examen, devraient être créés sur une base volontaire. Ces structures sont la principale réponse apportée par les Vingt-Huit au refus de l'Italie d'assumer seule la responsabilité des migrants sauvés en mer.
Crise " largement politique "A Bruxelles, Donald Tusk, le président du Conseil européen, déclarait pendant ce temps que la mise en œuvre de l'accord serait " difficile " et qu'il était " bien trop tôt pour parler d'un succès ". De quoi doucher les espoirs d'un accord durable. La chancelière allemande, Angela Merkel, restait, elle, particulièrement prudente : " C'est un bon signal que nous nous soyons accordés sur un texte commun ; nous aurons encore beaucoup à faire pour rapprocher les différents points de vue. " Emmanuel Macron, très actif pour dégager un compromis acceptable pour Rome, modérait lui aussi son enthousiasme, vendredi après-midi, en estimant que le texte " ne règle en rien, à  lui seul, à la crise que nous vivons, qui est largement politique ".
La France, première à prêcher la nécessaire solidarité européenne, a d'ailleurs refusé fermement d'installer un " centre contrôlé " sur son territoire. " Quand un bateau doit débarquer - après un sauvetage - , il va vers le port sûr le plus proche. Puis il y a la règle de Dublin, du pays de première arrivée. C'est pour cela que la France, qui n'est pas un pays de première arrivée, n'ouvrira pas de centre ", a justifié Emmanuel Macron.
Sur ce point si sensible, il s'est pourtant fait retoquer, presque en direct, par M. Conte. Ce dernier a démenti que ces centres d'accueil devraient être créés dans les pays de première entrée. " Macron était fatigué ", a-t-il ajouté…
Pour l'instant, seule la Grèce se serait portée volontaire pour ouvrir des " centres contrôlés ", et pour cause : elle pourrait ainsi " recycler " les hot spots qu'elle a dû ouvrir, surtout sur ses îles, au plus fort de la crise de 2015-2016, et recevrait davantage de financement européen.
M.  Salvini a prévenu, vendredi, que les ports italiens seraient fermés " tout l'été " aux ONG qui secourent les migrants. Or, le dénouement de la situation du Lifeline, qui a fini par être accueilli par Malte, a été mis au point par des diplomates, et non par des techniciens… L'incertitude persiste quant à la systématisation de la prise en charge des migrants, que refusent désormais les Italiens. " L'espoir, c'est surtout que l'on décourage les bateaux des ONG de prendre la mer ", lâche un expert.
L'idée de " plates-formes de débarquement " dans les pays tiers, hors de l'UE, une autre avancée de l'accord, semble elle aussi dès à présent mal engagée et se heurte au refus de la Tunisie, du Maroc et de la Libye. Les Vingt-Huit ont confié au Conseil et à la Commission l'examen du " concept ", mais l'issue est plus qu'incertaine. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que ces centres de gestion des demandeurs d'asile devaient être situés en Europe, et pas à l'extérieur de celle-ci.
Un porte-parole de l'agence a déclaré que celle-ci était " très heureuse de la solidarité et du consensus qui ont émergé " du sommet de Bruxelles. Mais " nous ne parlons pas de centres de traitement à l'étranger, c'est le point crucial ", a ajouté Leonard Doyle. L'OIM a exprimé son inquiétude " insurmontable " quant à l'ouverture de " plates-formes de débarquement " en Libye du fait de l'insécurité qui y règne et des mauvais traitements qui y sont infligés à des migrants.
Les seuls accords un peu consistants issus des nombreuses heures de négociations des derniers jours pourraient bien être ceux qu'Angela Merkel a commencé à négocier avec deux pays au moins, l'Espagne et la Grèce. Ils devraient permettre de systématiser le renvoi de " dublinés " d'Allemagne vers ces deux pays, par lesquels ils sont entrés dans l'Union européenne.
Vendredi après-midi, les corps de trois bébés morts dans un naufrage survenu quelques heures plus tôt, à six kilomètres au large des côtes africaines, ont été récupérés par les gardes-côtes libyens. Seize survivants ont été repêchés et on estime à 100 le nombre de disparus.
cécile ducourtieux, Jérôme Gautheret, Cédric Pietralunga, Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde


1er juillet 2018

Un répit pour Angela Merkel dans son conflit avec la CSU

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Après l'accord obtenu à Bruxelles sur la question migratoire, les signes d'apaisement s'accumulaient, vendredi 29  juin, entre les deux partis conservateurs allemands, la CDU et son alliée traditionnelle bavaroise, la CSU, en conflit ouvert depuis deux semaines sur cette question. La CSU, qui avait lancé les hostilités, semble vouloir éviter la rupture avec la chancelière Merkel, même si elle n'abandonne rien sur le fond.
Dans la journée de vendredi, la chancelière a multiplié les annonces pour convaincre la CSU de sa forte implication sur le dossier. Outre l'arrangement européen, elle a obtenu deux accords bilatéraux avec la Grèce et l'Espagne, qui se sont engagés à reprendre les migrants enregistrés dans leur pays s'ils ont été interpellés par les autorités à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche. Angela Merkel a estimé que ces accords ont un effet " plus qu'équivalent " aux mesures envisagées par le ministre de l'intérieur CSU, Horst Seehofer, pour lutter contre les migrations illégales.
M.  Seehofer, en première ligne dans la fronde de la CSU contre Mme Merkel, avait menacé de renvoyer aux frontières allemandes tout demandeur d'asile déjà enregistré dans un autre pays. Cela aurait signifié que l'Allemagne prenne une mesure unilatérale, non décidée avec les autres pays de l'Union européenne, une extrémité que Mme Merkel voulait à tout prix éviter et qui aurait signifié une rupture majeure au sein de la coalition au pouvoir à Berlin.
" Signal positif "Pour l'instant, M.  Seehofer ne s'est pas exprimé sur les accords obtenus à Bruxelles. Mais il a laissé parler ses proches. Hans Michelbach, membre du directoire de la CSU, a qualifié de " signal positif " l'accord obtenu par les pays européens. " On peut se réjouir de constater que c'est une voie commune européenne en matière de politique d'asile qui va dans le bon sens, " a-t-il déclaré à la chaîne ARD, vendredi. Un autre signe d'apaisement de la part de la CSU est venu de Manfred Weber, président du groupe parlementaire du parti populaire européen et vice-président du parti bavarois. " L'UE montre sa capacité d'action, y compris parce que la CDU et la CSU ont fait pression ensemble sur ce dossier, " a-t-il estimé vendredi.
Alexander Dobrindt, président du groupe parlementaire CSU au Bundestag, a toutefois maintenu la pression. Il a estimé que le Conseil européen avait confirmé la position de la CSU " de lier des solutions européennes à des solutions nationales, a-t-il déclaré samedi au réseau allemand de presse RND. Nous sommes prêts à reprendre cela et nous continuons à considérer les solutions nationales comme indispensables ".
Les déclarations de M. Seehofer seront déterminantes. Il doit rencontrer Mme Merkel d'ici à dimanche. A la CSU, plusieurs responsables ont plaidé ces derniers jours pour la fin des hostilités entre les deux partis. Un sondage récent, publié lundi par l'institut Forsa, avait sonné l'alarme au sein de la CSU : il montre que la population bavaroise accorde à Angela Merkel un crédit plus important (43  %) qu'à Markus Söder (38  %), candidat CSU à sa réélection au poste de ministre-président de Bavière.
Cécile Boutelet (Berlin, correspondance)
© Le Monde


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