Vladimir Poutine s'est donné le beau rôle, mercredi 27 juin, à Moscou, en recevant le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, pour fixer la date du premier sommet entre les deux pays, qui aura lieu le 16 juillet, à Helsinki. Déplorant l'état dégradé de la relation bilatérale, le président russe a assuré y voir le résultat d'" une lutte interne acharnée aux Etats-Unis ", passant sous silence ses propres responsabilités. Une vision partiale qui vise cependant juste lorsqu'elle évoque les positions antagonistes qui s'expriment à Washington dès lors qu'il s'agit de la Russie.
Le Congrès entièrement contrôlé par le Parti républicain campe depuis longtemps dans une défiance, alimentée par des élus démocrates comme républicains, comme l'a montré l'adoption de sanctions, en juillet 2017, à une écrasante majorité (419 voix contre 3 à la Chambre, 98 voix contre deux au Sénat), en riposte à des interférences imputées à Moscou lors de la campagne présidentielle. Donald Trump n'a pourtant cessé de les contester, jugeant crédibles, comme jeudi matin sur son compte Twitter, les dénégations russes et dénonçant au contraire une
" chasse aux sorcières ".
Cette défiance a longtemps été épousée par une partie de l'administration. En a attesté la vision stratégique rédigée par le deuxième conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, H.R. McMaster. Présentée en décembre, elle mettait en évidence la politique de la Chine et de la Russie, qualifiées de
" puissances révisionnistes ", accusées de vouloir remettre en cause
" la puissance, l'influence et les intérêts américains ", au risque de menacer
" la sécurité et la prospérité américaines ".
Frustration persistanteAutant de mises en garde balayées par la volonté de Donald Trump de
" s'entendre avec la Russie " de Vladimir Poutine, un objectif avancé dès 2015. Encadré à son arrivée à la Maison Blanche par des conseillers soucieux de ne pas donner trop rapidement de gages à Moscou, le président des Etats-Unis a cependant gagné progressivement en assurance, écartant notamment H. R. McMaster.
Une anecdote l'a illustré, le 21 mars, au moment même du départ de ce dernier, à l'occasion d'une conversation téléphonique entre les deux présidents. Selon le
Washington Post, M. Trump avait alors été invité à ne pas féliciter son homologue russe après une réélection sous contrôle. Il était cependant passé outre, au grand dam d'une partie du Congrès.
En 1975, un sommet à Helsinki entre les Etats-Unis et ce qui était alors l'Union soviétique avait marqué le point culminant d'une politique de détente qui faisait l'objet d'une sourde contestation au sein de l'administration de Gerald Ford puis celle de Jimmy Carter. La rencontre prévue le 16 juillet prochain risque d'en réveiller de lointains échos du fait de la posture singulière de Donald Trump. A une différence majeure : les dissensions du camp occidental.
Car la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine aura été précédée, les 11 et 12 juillet, par un sommet à risque de l'OTAN compte tenu de la frustration persistante du président américain concernant les dépenses de défense jugées insuffisantes de ses alliés. Donald Trump a prouvé dans le cadre d'un autre forum, le G7 du 9 juin, qu'il était capable de remettre en cause une déclaration commune, aussi générale et vague soit-elle, pour témoigner son irritation par rapport au pays hôte, le Canada, éreinté pour des pratiques commerciales jugées abusives.
Sa première participation à une réunion annuelle de l'OTAN, en 2017, avait déjà suscité le trouble par son refus de confirmer publiquement l'engagement des Etats-Unis à appliquer l'article 5 de la Charte atlantique, qui érige en principe l'obligation d'intervenir pour défendre tout allié attaqué. Selon le site d'information politique américain
Axios, Donald Trump serait revenu aux critiques assénées pendant la campagne, au cours du G7, en jugeant l'OTAN
" aussi mauvaise " que le traité de libre-échange qui lie trois pays d'Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada et Mexique) et qu'il menace de déchirer.
Le site de politique étrangère
Foreign Policy a d'ailleurs fait état, mercredi, d'une missive envoyée par le président Trump à des pays membres, dans laquelle il aurait assuré qu'il est
" de plus en plus difficile de justifier aux citoyens américains pourquoi certains pays ne participent pas à la sécurité collective de l'OTAN ". Les dernières administrations américaines ont toutes demandé un plus grand engagement financier à leurs alliés, à hauteur de 2 % du produit intérieur brut, mais jamais aucune d'elles n'a émis de doutes aussi troublants sur la nécessité de cette alliance, également fragilisée par les attaques de Donald Trump visant l'iniquité supposée des échanges commerciaux.
Au cours d'une réunion électorale à Fargo (Dakota du Nord), mercredi, M. Trump a répété la formule selon laquelle
" nos pires ennemis sont parfois nos soi-disant amis et alliés ".
" Nous aimons les pays de l'Union européenne ", a-t-il assuré, avant d'ajouter, contre toute évidence historique, que
" l'Union européenne a été créée pour profiter des Etats-Unis ". Ces critiques sont prises au sérieux. Tout comme Donald Trump a été capable de modifier les positions du Parti républicain sur le commerce international ou sur l'immigration, un phénomène similaire peut être mesuré à propos de la Russie. Les avis favorables concernant Vladimir Poutine, tout en restant très minoritaires, sont en nette augmentation auprès de l'électorat du Grand Old Party, selon les enquêtes du Pew Research Center (25 % en 2018 au lieu de 11 % en 2015).
Encore plus significative est la cassure entre les électorats démocrate et républicain à la question de savoir si la Russie constitue aujourd'hui la principale menace pour les Etats-Unis. Ces électorats observaient, jusqu'à présent, des évolutions parallèles dans le baromètre de ce même institut, mais, désormais, 38 % seulement des républicains répondent par l'affirmative, un chiffre en baisse constante depuis 2015, contre 63 % des démocrates, qui n'ont jamais été aussi nombreux à le penser.
Gilles Paris
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