Gilles Simeoni, le président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse, était accompagné de son seul directeur du cabinet lorsqu'il est arrivé à Matignon, lundi 2 juillet, pour ce rendez-vous fixé de longue date destiné à clore le cycle de discussion sur l'avenir de l'île engagé six mois plus tôt.
Le président de l'Assemblée de Corse, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, avait quant à lui fait savoir, dans une lettre à Edouard Philippe rendue publique le 24 juin, qu'il ne s'y rendrait pas. Le chef de file de Corsica libera, dénonçant le
" mépris " et le
" déni de démocratie " du gouvernement à l'encontre de la Corse, concluait ainsi sa missive :
" Je ne peux vous empêcher de considérer mon pays comme un territoire soumis à votre bon vouloir, mais j'ai encore un pouvoir, celui de dire non. "
M. Simeoni a, lui, choisi de maintenir les fils du dialogue, aussi ténus soient-ils. Il s'en expliquait dans un entretien accordé le 29 juin à
Corse-Matin.
" Le président de l'Assemblée de Corse, ce n'est pas le président du conseil exécutif, qui est le patron opérationnel, celui qui a le double devoir d'exprimer les idées par la parole politique et de mettre concrètement en œuvre les choix et les décisions, expliquait le dirigeant autonomiste.
Je ne pense pas que la politique de la chaise vide soit envisageable ni même simplement possible. " Façon de rappeler que le patron, quand même, c'est lui.
L'épisode, toutefois, est révélateur des tensions qui parcourent la majorité nationaliste de la collectivité de Corse. Et, si M. Simeoni a répondu à l'invitation du premier ministre, il n'en a pas pour autant les coudées franches. Ceci explique peut-être que, à la sortie de l'entretien avec le chef du gouvernement et la ministre auprès du ministre de l'intérieur chargée du dossier corse, Jacqueline Gourault, il se soit bien gardé d'afficher quelque motif de satisfaction.
" Situation de blocage "
" On est en train de laisser passer une chance historique de régler la question corse, a déploré M. Simeoni.
C'est une situation de crise et de blocage qui, si elle perdure, risque de nous conduire dans l'impasse. " Le discours a été maintes fois entendu dans la bouche des dirigeants nationalistes depuis la venue sur l'île d'Emmanuel -Macron, début février. Le président de la République avait adressé une fin de non-recevoir, sur le fond et dans la forme, à la plupart des demandes exposées par la coalition majoritaire, laissant simplement entrevoir une ouverture sur l'inscription de la Corse dans la Constitution.
Pour M. Simeoni, cependant, l'article 16 du projet de loi constitutionnelle qui doit permettre à la Collectivité de Corse de procéder, sur habilitation du Parlement, à des adaptations dans les matières où s'exercent ses compétences, est
" totalement insuffisant ". Il campe sur la position adoptée par la majorité nationaliste de -l'Assemblée de Corse qui ouvrirait le droit à un statut d'autonomie. Dont il n'ignore pas qu'il ne se trouvera aucune majorité parlementaire pour l'approuver.
M. Philippe le lui a d'une certaine façon rappelé en faisant -valoir que l'inscription et la reconnaissance de la spécificité de la Corse dans la Loi fondamentale n'étaient quand même pas anodines. La preuve en est l'amendement de suppression défendu lors de l'examen du texte en commission par le groupe Les Républicains (LR), ce qui a provoqué quelques remous dans la droite insulaire. Le président du groupe La Corse dans la République, Jean-Martin Mondoloni, a ainsi invité les responsables parisiens de LR à
" plus de mesure dans leur analyse de la situation corse ".
Malgré le désaccord exprimé par M. Simeoni, le premier ministre s'est dit convaincu que la révision constitutionnelle rendrait possibles de véritables adaptations législatives et réglementaires. Il appartiendra à la loi de fixer les conditions de mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle. Il a également fait une ouverture sur la définition d'un statut fiscal adapté aux spécificités de la Corse.
" C'est la première fois que le premier ministre en valide le principe ", reconnaissait le président du conseil exécutif, revenant immédiatement sur ses gardes, de crainte d'afficher une satisfaction trop ostensible qui lui attirerait les foudres de ses alliés.
" J'attends de voir ", a-t-il commenté, se disant
" échaudé ".
Le dialogue entre le gouvernement et la majorité nationaliste corse n'est pas rompu mais il reste compliqué. A l'issue de ce cycle de discussion, M. Simeoni dresse un
" constat de carence ". Sans pour autant tourner le dos à la négociation.
P. Rr
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