Ce devait être une journée de clarification. A la place, ce fut la plus totale confusion. Deux jours après l'accord sur la question migratoire obtenu au conseil européen de Bruxelles, le ministre allemand de l'intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer (CSU), devait dire, dimanche 1er juillet, s'il était satisfait ou non du compromis négocié par la chancelière Angela Merkel (CDU) avec ses partenaires européens.
Un peu avant 23 heures, il semblait penser que non : lors d'une réunion au siège de la CSU, à Munich, M. Seehofer annonça qu'il quittait à la fois la présidence du parti et le ministère de l'intérieur. A 3 heures du matin, il était moins catégorique.
" J'ai dit que je remettais les deux postes à disposition et que j'exécuterai cette décision dans les trois jours à venir ", déclara-t-il alors aux quelques journalistes qui l'attendaient à la sortie. D'ici là,
" nous espérons encore un accord avec la CDU ", ajouta-t-il, avant d'assurer qu'il s'agissait d'un
" geste de bonne volonté de - sa -
part ".
Mme Merkel et M. Seehofer devaient se retrouver, lundi à 17 heures, à la chancellerie, à Berlin. La réunion a été calée au lever du jour, lundi, après que le ministre eut décidé de surseoir à sa double démission annoncée, dimanche soir, à la surprise générale. Nul ne se risquait cependant à en pronostiquer l'issue, tant furent chaotiques les derniers jours, à coup sûr les plus tendus de l'histoire des relations entre la CDU et la CSU depuis la crise de l'automne 1976, quand les deux partis faillirent mettre fin à l'alliance qui les unissait depuis l'après-guerre.
Le conflit qui oppose la chancelière à son ministre de l'intérieur porte essentiellement sur le sort des demandeurs d'asile présents en Allemagne alors qu'ils ont déjà été enregistrés dans un autre Etat européen. M. Seehofer veut pouvoir les renvoyer à la frontière. Mme Merkel est contre toute décision
" unilatérale " et défend une
" solution européenne ". Samedi, elle a annoncé avoir conclu des accords avec quatorze Etats européens pour leur renvoyer des demandeurs d'asile enregistrés chez eux. Depuis, trois de ces pays – la Pologne, la Hongrie et la République tchèque – ont démenti l'existence de tels accords.
Dimanche, sur la chaîne de télévision ZDF, la chancelière a défendu les décisions prises deux jours plus tôt à Bruxelles, expliquant que la CSU l'avait elle-même
" certainement poussée un peu " à chercher une solution européenne. Façon de dire que la pression exercée sur elle par le ministre de l'intérieur depuis la mi-juin, quand il menaça de procéder à des expulsions de son propre chef si aucune solution n'était trouvée à l'échelle européenne d'ici à début juillet, avait servi à faire avancer les choses, à défaut de tout régler.
Trois scénariosAprès avoir menacé de démissionner, M. Seehofer peut-il reculer sans être totalement décrédibilisé ? Il faudrait pour cela qu'il obtienne de Mme Merkel une concession significative. En cas de départ du ministre de l'intérieur, que pourrait-il donc se passer ? Plusieurs scénarios sont possibles. L'un serait le remplacement de M. Seehofer par un autre dirigeant de la CSU, ce qui pourrait préserver la coalition de Mme Merkel, même si l'on voit mal en quoi cette solution serait politiquement durable. Un deuxième serait que la CSU quitte le gouvernement, ce qui priverait la chancelière de majorité et conduirait à la mise en place d'un gouvernement minoritaire.
Un troisième scénario consisterait, pour Mme Merkel, à déposer une motion de confiance au Bundestag, en vertu de l'article 68 de la Constitution. En cas de vote positif, la chancelière pourrait chercher à former une nouvelle majorité, pourquoi pas constituée de la CDU, du SPD et des Verts. En cas d'échec, le président de la République aurait alors vingt et un jours pour dissoudre le Bundestag et annoncer la tenue d'élections anticipées.
Thomas Wieder
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