En amateur de football, Benoît Hamon a dû méditer sur l'équipe d'Argentine. Donnée pour perdue il y a une semaine, l'équipe sud-américaine a réussi à se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde en Russie, redevenant menaçante pour des rivaux qui la sous-estimaient. C'est exactement ce que l'ancien socialiste veut faire en France pour son mouvement Génération.s à l'occasion de sa convention, samedi 30 juin et dimanche 1er juillet, à Grenoble : redevenir incontournable. Le choix de la ville ne doit rien au hasard : son maire EE-LV, Eric Piolle, a été élu en 2014, grâce à une union de la gauche de la gauche. Tout un symbole pour M. Hamon.
Pour fêter sa première année, la jeune formation ? qui s'est d'abord appelée Mouvement du 1er juillet ? réunit ses militants (au moins 1 500 sont attendus) pour, entre autres choses, adopter ses statuts, nommer sa direction et surtout se donner un nouveau cap. Elément essentiel pour un mouvement qui peine à trouver une notoriété hors de la personnalité de son leader, malgré ses 60 000 militants revendiqués et son millier de comités locaux ou thématiques.
" Il y a une question essentielle : le réveil des humanistes face à la dérive du continent européen vers un discours identitaire et ultraréactionnaire, dit Pascal -Cherki, l'un des proches de Benoît Hamon.
Depuis le début, on intervient sur la question des réfugiés, qui est un sujet central. Il faut assumer le rapport de force sur cela. "
Deux axes devraient donc être développés dimanche par Benoît Hamon, lors de son discours de clôture : l'écologie et les migrants.
" Il faut affirmer que la réaction identitaire n'apporte pas de solution aux questions actuelles. -L'écologie dépasse les particularismes, tout comme la question des migrants. On veut être le mouvement anti-identitaire ", explique Guillaume Balas, bras droit de M. Hamon. Avec le risque de se faire accuser " d'angélisme " par leurs adversaires.
" Ce n'est pas grave, insiste encore M. Balas.
Nous sommes des réalistes au fond. L'Europe vieillit, il faut savoir également s'adresser à un continent, l'Afrique, qui se développe. Ce que l'on veut faire, c'est au moins porter une parole sur ce sujet. "
Gauche humanisteL'intérêt de se saisir de cette question est multiple pour Génération.s. Les hamonistes ont tout intérêt à se démarquer, à se faire attaquer par la droite et l'extrême droite pour se retrouver au centre du jeu politique, et exister aux yeux des Français. Ensuite, les stratèges de Génération.s entendent occuper un espace laissé de côté, celui de la gauche humaniste, par la plupart des formations progressistes, mais aussi par La République en marche.
Ils devront faire vite : certains socialistes établissent le même constat et poussent Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), à prendre des positions fortes sur la question lors d'Europe Together, la réunion des sociaux-démocrates européens à Paris, vendredi 29 juin. Ce fut d'ailleurs l'objet de vives discussions lors du bureau national socialiste du 26 juin.
" La gauche morale attend une réponse du PS sur les migrants, estime Valérie Rabault, présidente du groupe Nouvelle Gauche à l'Assemblée nationale.
Il y a une crise qui existe, et il ne faut pas la nier. "
Génération.s n'a, de toute façon, pas le choix : il faut rebondir pour sortir d'une mauvaise séquence. Depuis un peu moins d'un mois, le mouvement s'empêtre dans des discussions tendues avec Europe Ecologie-Les Verts en vue des élections européennes de mai 2019. Résultat : la fébrilité gagne tout le monde, y compris Benoît Hamon qui ne se prive pas d'envoyer des SMS rageurs aux journalistes quand un article ne lui convient pas. Un signe qui ne trompe pas.
L'entretien accordé par Yannick Jadot à
Libération, le 24 juin, a -encore électrisé l'ambiance entre EE-LV et Génération.s. L'eurodéputé, qui souhaite conduire une liste
" 100 % écolo " aux élections européennes, n'a pas retenu ses coups :
" C'est sur une ligne claire qu'on fait de la politique. Moi, aujourd'hui, je vois que Benoît Hamon zigzague pour trouver sa place à gauche ", y affirme celui qui s'était retiré de la course présidentielle en 2017, en faveur de l'ancien socialiste.
Du côté de Génération.s, on dénonce une attitude
" sectaire ", un
" comportement adolescent " de la part d'EE-LV, qui ne serait focalisée que sur les batailles internes de leadership.
" Cette interview, c'est la goutte d'eau. Les Verts sont en crise, comme les socialistes. Ils sont sortis essorés du quinquennat Hollande, car ils étaient aussi au gouvernement. Or, ils ont voulu faire comme si cela n'existait pas, comme le PS ", tacle un hamoniste qui souhaite garder l'anonymat.
Guillaume Balas, quant à lui, -affirme être
" toujours ouvert aux discussions ". " C'est d'ailleurs une preuve de force de le dire. On aura notre proposition. Je ne m'intéresse pas à la psychologie des uns ou des autres ", ajoute-t-il. Pascal Cherki estime également que
" la porte est toujours ouverte ", que Génération.s ne fait pas
" de la tête de liste un préalable ". Mais il ajoute :
" Jadot a perdu toute crédibilité pour conduire un rassemblement. "
Les partisans de Benoît Hamon ne désespèrent pas de trouver un accord à l'automne, pour conduire une liste commune. En effet, les programmes politiques des deux mouvements sont quasi identiques, et la présence de deux listes fragmenterait un peu plus un électorat déjà réduit. En attendant,
" chacun va vivre sa vie, on suspend les discussions ", selon M. Cherki. Qui conclut :
" On reprendra éventuellement les discussions quand ils auront réfléchi à ce que veut dire construire un rassemblement. " L'été promet d'être chaud.
Abel Mestre
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